Bugaled Breizh : Que prouve exactement la présence de titane sur les fûnes du chalutier ?

  • Dernière mise à jour le 30 septembre 2006.

La semaine dernière, le Point a annoncé que le laboratoire chargé d’analyser les éraflures trouvées sur les fûnes du Bugaled Breizh y avait découvert la présence de titane. Pour l’hebdomadaire, la preuve du contact des fûnes avec un sous-marin était faite. Pour l’avocat des familles des victimes et certains journalistes, l’occasion de raviver la flamme était trop belle !

Mais le dimanche suivant, le soufflé retombait aussi vite, le JDD rappelant que le titane se trouvait dans beaucoup de peintures marines (y compris dans celle du Bugaled Breizh, selon lui).

Il est temps de faire le point, d’examiner sans aucun a-priori les éléments qui ont été révélés par la presse pour les confronter les uns aux autres. Que prouve exactement la découverte de titane sur les fûnes du Bugaled Breizh ?

 Les fûnes du Bugaled Breizh

Il faut rappeler l’origine du problème : lorsque le chalutier a été remonté à la surface, les enquêteurs ont découvert que l’une des funes était plus longue que l’autre. La longueur a varié (on est passé de 500 m lors de l’émission de France 3 “Pièces à conviction” à seulement 150 selon les dernières informations publiées). Au début, les journalistes parlaient d’allongement, sous-entendant que le câble d’acier s’était allongé de 500 m. Désormais, il est clair que le câble a été déviré du treuil.

Reste qu’il présente une éraflure d’environ 20 mètres de long. Aucune trace de peinture n’y a été trouvée, aucune déformation : juste un frottement.

Faites l’expérience si vous avez un câble d’acier (ça devrait aussi marcher avec d’autres matières assez rigide), tendez-le entre 2 points et essayez avec un marteau de reproduire la scène : un objet sous-marin vient frotter contre le câble.

Pour que les seules traces retrouvées sur le câble soient des frottements, il faut que la force ait été relativement faible. Si la force avait été suffisante pour entraîner le chalutier vers le fond, le câble aurait forcément subi des déformations, des pincements, un allongement. Au niveau du point de contact, des torons se seraient rompus.

Parce que la force nécessaire pour provoquer le naufrage du Bugaled Breizh (dans l’hypothèse où un objet sous-marin l’aurait entraîné vers le fond) aurait dû être assez conséquente.

Les experts ont déterminé que l’éraflure se trouvait à une immersion de 40 m à 60 m. C’est assez pratique puisque, si sous-marin il y a eu, c’est à cette immersion qu’il devait se trouver. Reste toutefois à espérer que, lorsqu’ils ont fait leurs calculs, les experts ont tenu compte du changement de longueur de cette fûne.

Il reste toutefois un problème essentiel : personne, aucun laboratoire, aucun expert, n’est capable de déterminer à quel moment précis l’éraflure s’est produite. S’est-elle produite au moment du naufrage, avant, après ? Aucune analyse ne peut le dire, pas après un tel laps de temps passé par 80 mètres de fond.

 La présence de titane

La découverte de titane au niveau de l’éraflure a ravivé l’hypothèse du sous-marin pour 2 raisons :
 1) il s’agit de la preuve du contact avec un objet étranger (et par 40 à 60 m de fond, il s’agit forcément d’un sous-marin),
 2) c’est bien connu, la peinture de tous les sous-marins contient du titane.

Reste que, comme l’a rappelé le Journal du Dimanche, le titane est présent dans beaucoup de peintures utilisées sur les bâteaux. Il convient d’ailleurs de préciser que le titane est principalement présent dans les peintures blanche (ou au moins claire) parce qu’il rend la peinture opaque. Cela permet en effet de masquer la couche d’anti-rouille généralement orange qui se trouve dessous.

Or, et ça des journalistes qui ne prennent pas le temps d’enquêter avant de publier leur article ne peuvent pas le savoir, les sous-marins ne sont pas blancs. La plupart sont noirs. Les anglais font une expérience avec un sous-marin d’un bleu assez sombre (cf Les sous-marins britanniques rompent avec la mode : Le bleu sera-t-il le nouveau noir ?). Les israëliens peignent les leurs en vert (cf Israël achète 2 nouveaux sous-marins à l’Allemagne). Mais aucune marine ne peint ses sous-marins en blanc.

Certains prétendent que la peinture au titane permet de réduire la signature acoustique du sous-marin. La plupart des sous-marins sont équipés de quelque chose de beaucoup plus efficace qu’une couche de peinture : des tuiles anéchoïdes. Il s’agit de pavés de mousse ou de caoutchouc qui amortissent les vibrations et les sons. Ils mesurent plusieurs centimètres d’épaisseur et c’est beaucoup plus efficace qu’une couche de peinture d’un millimètre.

Tous les fans de la série “Les Experts” vous le diront : lorsqu’il y a contact, il y a transfert. Si un objet a frotté contre la fûne, on devrait y trouver des traces de cet objet, comme le câble a laissé des traces sur cet objet. Or, à aucun endroit de la fûne, on ne retrouve d’autres traces de cet objet, uniquement le titane. Et en particulier, on ne retrouve pas de trace de peinture (car il y a d’autres produits dans les peintures que le laboratoire aurait dû retrouver).

Selon leurs propres déclarations, les familles savent que c’est un sous-marin. Moi, malgré tout ce qui précède, je n’ai absolument aucune idée de ce qui a pu provoquer le naufrage du Bugaled Breizh. Peut-être était-ce un sous-marin. Je ne sais pas. Pour l’instant, en tout cas, rien ne le prouve.