Le porte-avions franco-britannique commun va de l’avant

  • Dernière mise à jour le 8 février 2007.

Il y avait un sentiment d’urgence, début décembre, dans les bureaux de MO-PA2, la compagnie formée par le constructeur français DCN et le géant de l’électronique Thales pour gérer le projet de 2ème porte-avions français, puisque la date limite pour la soumission du projet, le 25 décembre, approchait.

Le PA2

Le Royaume-Uni et la France collaborent sur la conception et la construction prévue de 3 porte-avions dont la livraison doit avoir lieu en 2013 et 2015, le PA2 et 2 porte-aéronefs (Future Aircraft Carriers ou CVF) de la classe Queen Elizabeth pour la Royal Navy. Une grande pression politique a pesé sur les équipes françaises et britanniques de développement des porte-avions pour que le projet stratégique soit signé et scellé avant les élections françaises du printemps et les changements politiques attendus en Grande-Bretagne après que Tony Blair aura démissionné.

Le projet PA2 n’est pas seulement nécessaire pour garantir que la France disposera d’un porte-avions disponible lorsque le Charles de Gaulle entrera en 2015 en entretien majeur, mais il est aussi considéré comme un pas vital dans la consolidation de l’industrie navale Européenne.

Entourant une grande table couvertes de documents éparpillés et de tasses de café, les responsables français et britanniques du projet se sont efforcés de définir une base commune pour les 3 navires, examinant des détails comme la taille des bannettes et des toillettes. Ils ont finalement atteint leur objectif avec 5 jours d’avance et remis le résultat final à la DGA.

"Il peut sembler absurde de s’attarder sur de tels détails à cette étape du développement," explique Alex Fabarez, directeur de MO-PA2, "mais les logements sont complètement différents à bord des navires français et britanniques, et nous parlons de l’environnement de 1 720 personnes pouvant passer jusqu’à 7 mois en mer."

Le CVF britannique

L’une des différences est qu’il y aura environ 300 personnes de plus dans l’équipage accueilli en permanence à bord du PA2 français que sur les CVF britanniques. Le personnel supplémentaire devra être accueilli confortablement et non sur des canapés convertibles comme c’est prévu sur les porte-aéronefs britanniques pour loger le personnel supplémentaire en cas de crise ou de combat.

L’impact sur le coût de construction d’avoir des logements conçus en commun n’est pas négligeable. "Cela pourrait nous faire économiser des dizaines de millions d’euros," a indiqué Fabarez.

La petite équipe d’environ 40 personnes de MO-PA2 a du travailler à fond de train depuis la fin septembre pour respecter la date limite, parce qu’ils devaient effectuer des changements importants au projet du PA2 présenté en juillet à la DGA et à la Marine Nationale. "La réaction britannique au projet français était vive parce qu’il divergeait trop du britannique," a déclaré Fabarez. Par conséquent, le 21 septembre, "la décision a été prise que le PA2 français serait identique à 90% que le CVF britannique, et la volonté de coopérer au maximum avec les Britanniques a été réaffirmée," indique Fabarez.

Cinq différences majeurs ont été prises en compte dans la base commune, d’abord pour permettre aux chasseurs Rafale d’opérer depuis le PA2. Le porte-avions français doit être équipé de catapultes et de brins d’arrêt ; les catapultes alimentées par de la vapeur ont besoin de bouilleurs pour produire la vapeur ; le PA2 aura plus de capacité pour le carburant parce que la Marine Nationale ne se ravitaille pas aussi souvent que la Royal Navy ; les ascenceurs depuis le hangar aviation jusqu’au pont d’envol seront un peu plus larges pour accueillir les Rafales à l’envergure plus importante ; et le navire sera équipé du même système de compensation de roulis que le Charles de Gaulle.

De son côté, la Marine Nationale a fait des concessions sur le schéma traditionnel de ses navires. Par exemple, le personnel d’un navire français est normalement logé par fonction — tout le personnel d’un même service, de l’officier supérieur au marin, est accueilli dans la même zone du navire. A l’opposé, sur les navires britanniques, les logements sont rassemblés par grade, donc tous les officiers logent à l’arrière du navire. Sur le PA2, les officiers français seront à l’arrière du navire.

La Marine Nationale a aussi accepté que la salle des opérations aériennes soit située à l’arrière du porte-avions, loin des opérations du porte-avions et de l’état-major de l’amiral. Sur les porte-avions français, ils sont tous situés dans la même zone du navire.

Les salles de machine et leur poste de contrôle seront les mêmes sur les 3 porte-avions, indique Fabarez, "parce que le système de propulsion est le même." Il est constitué de 2 turbines à gaz, 4 moteurs électriques de propulsion, 4 diesel-alternateurs et 2 hélices.

Michèle Alliot-Marie, le ministre de la défense, a déclaré au salon Euronaval en octobre dernier que son "ambition est de rendre ce programme aussi irréversible que possible." Elle ne considère pas seulement le programme comme vital pour "garantir que notre capacité de déploiement outre-mer soit permanente," mais aussi comme la fondation pour construire "une industrie européenne consolidée et une défense européenne solide." Le chef d’état-major de la Marine, l’amiral Alain Oudot de Dainville a aussi déclaré, "Si l’Union Européenne veut une capacité de défense, elle doit le faire autour de programmes structurants comme le porte-avions."

Alliot-Marie voit le programme de porte-avions commun comme une opportunité "de développer une coopération pleine et entière" entre la France et la Grande-Bretagne. Elle a exprimé clairement qu’elle "attendait de tous les industriels impliqués un effort egal à l’importance stratégique de ce projet."

Source : Aviation Week