Exercice de sauvetage de sous-marin en Australie

  • Dernière mise à jour le 27 novembre 2008.

Apercevant les survivants d’un sous-marin en détresse, l’hélicoptère Sea King descend au-dessus de l’eau et 9 membres du Submarine Parachute Assistance Group Britannique sautent dans les vagues.

Pour ces sauveteurs très entraînés de la Royal Navy, c’est un saut tout simple. Ils forment une élite, constament prêts àse déployer n’importe où dans le monde, entraînés àsauter en parachute jusqu’àune altitude de 1000 m dans les mers les plus déchaînées.

Sur l’eau, des radeaux de sauvetage sont gonflés et les sous-mariniers, revêtus dans des combinaisons de sauvetage orange Mark10, sont tirés vers la sécurité.

Exercice de sauvetage au large de l’Australie
L’exercice Pacific Research se déroule au large de Garden Island. © Colin Murty / The Australian

A bord de l’un des bateaux de surveillance, le Commander Jon Gething de la Royal Navy est habillé d’un short amidonné et des chaussettes blanches remontées jusqu’au genou. Tout en mangeant un sandwich, il regarde les membres de son équipe. Autour de lui, une floppée d’officiers des marines Italienne, Canadienne et Sud-Coréenne se serrent les mains et prennent des photos souvenir.

Cet exercice de sauvetage de sous-marin, baptisé Pacific Reach, qui se déroule au large de la côte d’Australie Occidentale, représente le paradoxe du sous-marin. Pouvant frapper mortellement tout en restant invisible, le sous-marin est une arme que de nombreuses nations convoitent, conduisant à ce que des analystes appellent une course aux armements du Pacifique afin d’en construire plus.

Tout en étant mortellement efficace, il peut aussi être mortel pour ceux qui se trouvent à bord. L’histoire du développement des sous-marins est ponctuée par des accidents qui ont provoqué la mort de nombreux sous-mariniers, dans le froid et seuls au fond de l’océan.

Le premier exercice Pacific Reach avait déjà été programmé lorsque le Koursk, un sous-marin nucléaire Russe de 14.000 tonnes, a coulé le 12 aout 2000, après que le Kremlin ait refusé les offres étrangères d’assistance aux 118 hommes d’équipage.

Le Koursk a été fatalement touché lorsqu’une torpille a explosé pendant un exercice en mer de Barents. Des mois plus tard, lorsque des plongeurs ont retrouvé le corps du commandant, le Lieutenant-Commander Dmitri Kolesnikov, ils ont découvert une note qu’il avait écrit en attendant la mort dans la coque. "Il y a 23 hommes ici. Aucun de nous ne peut atteindre la surface," disait-elle.

Kolesnikov, 2 jours seulement après son 27è anniversaire, disait adieu à sa femme, Olga. La note se terminait par des mots presque illisibles : "J’écris ceci dans l’obscurité."

Pour éviter qu’un désastre similaire ne se reproduise, plus de 1.000 officiers de 25 nations, dont la Chine, les Etats-Unis, la Russie et le Japon, sont venus à la base navale de Garden Island sur la côte d’Australie Occidentale et se sont entraînés au sauvetage des sous-marins au cours des 2 dernières semaines.

Parmi ceux qui observent les hélicoptères de la Royal Navy en action, il y avait des officiers du Pakistan, dont le gouvernement a été suspendu le mois dernier du Commonwealth. Et pourtant, l’atmosphère, au cours de l’exercice de 2 semaines qui doit se terminer demain, était convivial.

"C’est ce qui rend cet exercice encore plus remarquable," explique Gething. "Si vous regardez des sous-mariniers, nous sommes un groupe mystérieux. L’avantage militaire d’un sous-marin dépend totalement de sa discrétion. (Mais) avec un sous-marin au fond et un équipage en danger, nos véritables ennemis sont le temps et la mer."

Dès que le sous-marin est au fond, l’horloge de la survie commence à tourner puisque, sous la pression de l’immersion à laquelle le sous-marin se trouve, l’air devient toxique.

"Si vous avez vu le film Apollo 13, où la capsule spatiale était perdue sur le chemin de la Lune," explique le commander en retraite Frank Owen, qui a conduit le développement des capacités de sauvetage des sous-marins de la Royal Australian Navy dans les années 90. "Les problèmes auxquels ils font face étaient très similaires à ceux auxquels ferait face un sous-marin en détresse : le froid et le dioxyde de carbone."

La plupart des recrues Australiennes doivent passer au travers de la Hull Unit pendant leur formation. Les parois métalliques de cette maquette de 2 étages de l’intérieur d’un bateau sont remplies de trous que les recrues doivent absolument obturer pendant que l’eau se déverse, simulant l’effet d’une voie d’eau à la mer.

C’est rigolo tant que l’eau n’atteint que la poitrine. Mais quand elle arrive au cou, la panique et la claustrophobie prennent le dessus.

Les recrues destinées à embarquer sur des sous-marins n’ont besoin de subir la Hull Unit. "La raison est que, si nous avons une fissure ou un trou dans la coque, nous sommes morts," explique une source assistant aux exercices.

Les marins qui se portent volontaires pour les sous-marins sont très bien récompensés. Un marin avec quelques années d’expérience transféré sur les sous-marins peut recevoir une augmentation de salaire d’environ 33.000 $ [1].

Mais les dangers sont bien connus. On estime le nombre total des sous-marins perdus pendant le 20è siècle à 200, en plus du nombre de fois où ce n’est pas passé loin.

Le premier sous-marin à couler un navire ennemi était le H.L. Hunley, qui naviguait pour les Confédérés pendant la Guerre Civile Américaine. Le Hunley a ensuite coulé sans qu’on sache pourquoi, tuant ses 9 membres d’équipage.

Demandez pourquoi des marins se portent volontaires pour les sous-marins et vous aurez 2 réponses, une de l’équipage et l’autre du commandement.

L’équipage hausse les épaules et dit qu’ils ont choisi de ne pas se concentrer sur les dangers. Leurs commandants sont plus froids. Ils parlent de la puissance stratégiques de leurs machines.

Ceci a été démontré très récemment lorsque, le 26 octobre 2006, un sous-marin Chinois a fait surface sans avoir été détecté à 8 km du porte-avions USS Kitty Hawk avec 4.500 personnes à bord. A cette distance, le sous-marin aurait pû facilement couler le porte-avions Américain.

Neil James, responsable du centre de réflexion Australian Defence Association, indique que "les sous-marins sont les forces spéciales de la marine" qui peuvent effectuer des missions de renseignement et débarquer des troupes d’élite comme le Special Air Service.

L’acquisition par l’Australie de 6 sous-marins de la classe Collins au cours des années 90, indique-t-il, a donné un avantage de frappe à longue portée sur d’autres flottes sous-marines de la région.

Avoir les Collins, cependant, signifiait aussi que les sous-marins Australiens pourraient naviguer à des profondeurs où leurs équipages ne pourraient plus s’échapper en remontant vers la surface dans leur combinaison de sauvetage.

Une forme de capacité de secours, une cloche de plongée qui pourrait physiquement descendre et ramener les survivants en surface, devait être développée.

Cette logique a conduit l’Australie à devenir l’un des fondateurs de Pacific Reach.

Peter Briggs, président du Submarine Institute of Australia, indique : "On ne sait pas si ce sera notre sous-marin ou un autre (qui aura un accident).

"Donc nous sommes dans une situation extraordinaire où nous avons ces opérateurs de machines extrêmement puissantes qui disent ’mettons ça de côté et travaillons ensemble’."

Malgré les exercices de sauvetage et les incitations financières, la RAN a du mal à remplir les postes vacants de sa flotte sous-marine.

"La flotte sous-marine connait un manque général de personnel, l’impact est plus apparent en raison du plus petit nombre de postes dans cette catégorie," reconnait un porte-parole de la défense, sans préciser combien de postes sont vacants. Pacific Reach doit aussi être un avertissement précoce pour la marine, pour identifier les faiblesses dans sa flotte sous-marine qui ont besoin d’être corrigées. Malheureusement pour l’Australie, ces faiblesses sont flagrantes.

Bien que la RAN puisse être fière d’avoir développé sa propre technologie de sauvetage des sous-marins — en établissant de nouveaux standards que les autres, y compris l’US Navy, ont suivi — le sort du véhicule de sauvetage actuel est une source d’inquiétude.

Il y a un an, le 5 décembre 2006, le véhicule de sauvetage de 16,5 tonnes, le Remora — baptisé du nom du poisson qui s’accroche grâce à une ventouse aux requins — est resté bloqué au fond au large de l’Australie Occidentale. Son équipage — et, quelques mois plus tard, le véhicule lui-même — ont dû être secourus par l’US Navy.

Le Remora est réparé par des sous-traitants civils. Il devrait être de retour en service en mars prochain.

Le contrat de la compagnie, cependant, est aussi en révision, 3 concurrents sont en course pour la remplacer.

Puis il y a le HMAS Dechaineux, un des 6 sous-marins de la classe Collins. En février 2003, un tuyau d’eau de mer a éclaté à bord alors que le sous-marin navigait dans l’océan Indien à sa profondeur maximale (un chiffre que la défense refuse de dévoiler).

Le sous-marin a embarqué près de 13 tonnes d’eau en 10 secondes avant qu’une remontée d’urgence ne soit déclenchée, fermant toutes les vannes à bord et jugulant la voie d’eau. En conséquence, la marine a interdit à tous ses sous-marins de naviguer à cette immersion, ce qui réduit leur efficacité opérationnelle.

Le Commander Peter Scott, qui commandait le Dechaineux ce jour-là, rend hommage aux réactions de son équipage, qui a évité une tragédie.

"J’étais fier d’eux la veille et j’étais fier d’eux le lendemain. mais ce jour-là, je n’ai rien fait, c’est l’équipage qui a tout fait," se souvient Scott. "Ils ont identifié le problème, ils ont réagi au problème, ils ont fait tout ce qu’il fallait et nous sommes remontés en surface." Scott a depuis été promu comme directeur des opérations sous-marines au quartier-général de la flotte.

Bien que les questions d’un remplacement du Remora et des restrictions d’immersion des Collins doivent être résolues l’an prochain, l’Australie fait face à un défi plus difficile.

Les sous-marins de la classe Collins devraient atteindre la fin de leur vie opérationnelle à partir de 2025. En aout dernier, le parti Travailliste qui était alors dans l’opposition s’est engagé à construire une nouvelle flotte de sous-marins pour les remplacer (un des premiers actes au pouvoir). Dans le passé, des hauts-responsables de la marine ont déjà discuté du calendrier possible du projet.

"Il y a beaucoup de choses à l’horizon," indique Scott. "Je pense que le domaine qu’il faudrait améliorer serait la vitesse, et peut-être plus de flexibilité dans la charge utile. Il y a beaucoup de recherches en cours sur des véhicules sous-marins pour la surveillance."

D’ici 2020, au moins 10 pays de la région Asie-Pacifique disposeront de plus de 100 sous-marins. En septembre, l’Indonésie a annoncé qu’elle achèterait 10 nouveaux sous-marins à la Russie. La flotte Chinoise devrait doubler pour passer à 40 sous-marins, dont une nouvelle génération de sous-marins équipés d’armes nucléaires, au cours de la prochaine décennie. L’Inde, le Pakistan et la Malaisie sont aussi sur le marché.

A la fin de l’exercice Pacific Reach, un des sous-marins Australiens de la classe Collins est remonté du fond de Cockburn Sound vers la surface et s’est éloigné, paraissant petit et solitaire. Les observateurs Australiens, les ingénieurs, les plongeurs et le personnel médical ont à coeur que les relations qu’ils ont noué pendant l’exercice permette que, s’il arrivait quelque chose de grave au sous-marin dans des eaux étrangères, ses marins seraient entre de bonnes mains.

Notes :

[1NDT : 19.700 € par an.

Source : The Australian (Australie)