L’entraînement au sauvetage des sous-marins est plus compliqué dans la marine nationale

  • Dernière mise à jour le 23 septembre 2009.

Depuis le désarmement des sous-marins classiques, la marine nationale n’est plus en mesure d’effectuer aussi facilement que par le passé des exercices de sauvetage de sous-marins, comme le fait par exemple cette semaine la marine espagnole : pour Cartago 09, ce sont au total 8 bâtiments de surface qui participent au sauvetage d’un sous-marin bloqué au fond, sans compter les différents avions et hélicoptères.

A l’origine de ces difficultés : l’ensemble des mesures de sécurité devant être prises à cause de la propulsion nucléaire des sous-marins français.

Les contraintes et limitations s’expliquent par le fait qu’on ne peut pas faire faire à un sous-marin nucléaire les mêmes manœuvres qu’à un sous-marin classique. Il y a bien évidemment les différences de taille. Mais interviennent aussi les mesures de sécurité liées au réacteur nucléaire. L’une d’entre elles est particulièrement pénalisante : il est en effet interdit de poser un sous-marin nucléaire sur le fond. La raison de cette interdiction est liée au refroidissement du réacteur, qui ne doit jamais être interrompu. Or, l’eau de mer nécessaire est aspirée sous la coque. Si le sous-marin se posait sur le fond, les aspirations risqueraient d’aspirer de la vase ou du sable ou d’être bouchées, et de compromettre le refroidissement.

Le sauvetage d’un sous-marin se décompose en plusieurs phases :
 détection par le réseau satellitaire COSPAS-SARSAT de l’émission de la bouée de détresse,
 recherche de la bouée de détresse : des avions de patrouille maritime cherchent à repérer la bouée de détresse larguée par le sous-marin. Baptisée ERUX, elle émet sur les fréquences de détresse internationales (243 et 406 MHz). Elle est fixée sur la coque et remonte en surface si le sous-marin descend en dessous d’une immersion donnée, si l’équipage ne réarme pas le système de retenue (homme mort) ou si l’équipage commande le largage,
 localisation du sous-marin en détresse : des avions de patrouille maritime et des chasseurs de mines recherchent la position exacte du sous-marin grâce à sa balise acoustique. Cette balise nommée ESUG, émet des pings sonores. Fixée sur la coque épaisse, elle se déclenche dans les mêmes conditions que la bouée ERUX,
 envoi de pods (conteneurs) contenant des médicaments et de la nourriture vers le sous-marin en détresse,
 ventilation extérieure : des manches étanches sont fixées sur la coque du sous-marin pour renouveler l’air s’il est pollué,
 évacuation par sous-marin de sauvetage spécialisé : les membres de l’équipage embarquent par groupe d’une douzaine de personnes à bord d’un système du type du NSRS [1], dont la France est co-propriétaire à part égale avec le Royaume-Uni et la Norvège. C’est le mode privilégié d’évacuation du sous-marin,
 évacuation individuelle : les membres de l’équipage remontent vers la surface à l’aide de combinaisons individuelles de sauvetage lorsque :
— le sauvetage collectif par un sous-marin de poche spécialisé n’est pas possible, à savoir : délai de ralliement excessif compte tenu des conditions à bord, immersion de naufrage trop faible, mauvaises conditions météorologiques,
— l’immersion de naufrage est inférieure à 180m.

A l’heure actuelle, la marine nationale, compte-tenu des limitations liées aux sous-marins nucléaires, ne peut effectuer que des exercices partiels, ne simulant qu’une partie de l’opération de sauvetage. Ils sont effectués à quai ou sur un site situé devant la presqu’île de Saint-Mandrier. Le sous-marin y est immergé entre 2 eaux, retenu au fond par un câble. Mais le site ne peut être utilisé que par mer très calme (vagues d’une hauteur inférieure à 50 cm). Utilisé jusqu’à présent une seule fois, de nouveaux exercices programmés ont dû être annulés à cause de la météo.

A quai, seuls des exercices de ventilation extérieure peuvent être effectués. Sur le site de Saint-Mandrier, on peut mener des exercices de ventilation ou des exercices de sauvetage individuels.

Les exercices de ventilation extérieure ne peuvent être effectués que sur les sous-marins nucléaires d’attaque. En effet, les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, depuis la classe M4 (Inflexible), ne sont plus équipés des installations nécessaires. Les SNLE type « Le Triomphant » devraient prochainement disposer de cette capacité.

Les anciens sous-mariniers se souviennent certainement d’être passé à la Tour Davis : il s’agissait d’un centre d’entraînement au sauvetage individuel, installé à l’intérieur de la base sous-marine de Lorient. Aujourd’hui, le successeur de ce centre se situe sur la base de l’Île-Longue. Régulièrement, tous les sous-mariniers doivent effectuer des remontées, revêtus de la combinaison de sauvetage, depuis un sas de sauvetage reproduisant celui d’un sous-marin.

La marine étudie aussi des nouvelles organisations et méthodes qui lui permettraient de contourner les limitations. Ainsi, la marine étudie comment elle pourrait s’entraîner à la localisation d’un sous-marin en détresse, par exemple en déposant en mer, à la surface, une bouée de détresse et sur le fond de la mer une balise de détresse.

En revanche, d’autres phases sont plus difficiles à simuler.

L’an prochain, la marine nationale prévoit d’organiser un exercice de sauvetage, avec le NSRS, qui devrait se dérouler au large de Toulon. Mais, compte tenu des limitations, la marine a estimé qu’il serait peu pratique d’utiliser un de ses SNA. Elle a donc demandé à l’Espagne et à l’Italie de "prêter" un de leurs sous-marins classiques. L’Espagne a déjà donné son accord de principe. La marine nationale fournira les navires de soutien.

Précision importante : si les limitations liées à la propulsion nucléaire s’appliquent lors des exercices, elles ne sont pas évidemment pas d’actualité en cas d’intervention réelle sur un sous-marin nucléaire.

Notes :

[1Bien que le sigle NSRS signifie NATO Submarine Rescue System, il n’appartient pas à l’OTAN. Cela devait être le cas à l’origine mais, après quelques années de développement du projet, seules la France, le Royaume-Uni et la Norvège sont restées. Cependant, le nom étant devenu entre temps très connu, il était devenu bien difficile d’en changer …