Difficultés pour les sous-marins S-80 ?

  • Dernière mise à jour le 17 août 2007.

La presse espagnole, même avec une certaine timidité, a commencé àrapporter, chaque fois avec plus d’insistance, les problèmes que connaît le développement du futur sous-marin espagnol, le projet S-80.

Le S-80 est né de la coopération entre DCNS et les entreprises Espagnoles Izar et Navantia. Le nom du projet commun est Scorpène. Le projet Scorpène impliquait la construction d’une moitié de chaque sous-marin en France et de l’autre en Espagne, même si le consortium était à 67% Français et 33% Espagnol.

L’Espagne, qui prévoyait au départ seulement des modifications mineures du sous-marin, a commencé très tôt à envisager des modifications plus complexes.
La plus grande modification du projet est survenue lorsqu’il a été confirmé que l’Espagne choisirait un système de combat (l’ensemble du matériel et du logiciel qui coordonne et contrôle les armes à bord du sous-marin) de conception Américaine, négligeant le système Français “Subtics”.

Le déplaisir français s’est fait sentir, et à mesure que DCNS et Navantia s’éloignaient, le sous-marin Espagnol subissait de plus en plus de modifications, à tel point qu’il a fini par devenir un projet différent du Scorpène.

Les informations sur les mauvaises relations entre DCNS et Navantia qui ont été signalées en septembre par Area Militar ont été confirmées par certaines publications spécialisées, tant dans la presse écrite que dans des médias électroniques.

A la fin 2006, les Français, irrités par le fait que les Espagnols aient utilisés à leur avantage un sous-marin essentiellement Français, tout en l’équipant avec des matériels d’autres origines, ont pris des mesures drastiques, et ont présenté un “nouveau” sous-marin, qui n’est rien de plus qu’un Scorpène avec un autre nom, auquel ils ont fait subir quelques modifications. Le nouveau “Marlin” peut être proposé sur le marché internationale sans la participation Espagnole, alors que l’Espagne, si elle veut essayer de vendre le Scorpène, doit par contrat en céder 50% de la construction aux Français, qui finissent par être gagnants d’une manière ou d’une autre.

Mais les migraines Espagnoles sont beaucoup plus graves que l’irritation des Français.

Au départ, des études ont été menées en Espagne pour développer un système AIP avec la collaboration de l’allemand MTU, mais les résultats n’ont pas été concluants et le choix de l’industrie espagnole a été de frapper à la porte d’UTC-Power, du groupe United Technologies, qui étudie et développe aux USA des piles à combustible, devenant par là même plus dépendant de l’industrie Américaine [1].

5 ans pour développer un système

Pour rendre les choses plus difficiles, et même s’il n’a pas donné beaucoup de publicité à cette information, la durée prévue pour le développement d’un système AIP viable à base de piles à combustible pour les sous-marins Espagnols serait, selon United Technologies lui-même, de 5 ans [2], ce qui conduit à la conclusion qu’un tel système ne serait prêt qu’en 2011, retardant inévitablement la période prévue pour la livraison du premier sous-marin, au mieux en 2012/2013 et le dernier en 2016/2017.

A cela s’ajoute le fait que le sous-marin Scorpène, sur la structure duquel le S-80 est basé, a été pensé pour utiliser le système AIP MESMA, qui brule de l’oxygène et de l’éthanol dont la réaction produit de la vapeur qui fait tourner une turbine.

Le remplacement du MESMA par un système de piles à combustible place les concepteurs espagnols (qui n’avaient été responsables que d’une partie du projet Scorpène) devant des problèmes relativement complexes.

Emplacement du système AIP
Le schéma montre les différences dans le positionnement des principaux composants des systèmes AIP de piles àcombustible

Contrairement au MESMA, un système PEM (Membranes perméables aux protons) de piles à combustible fonctionne en mélangeant de l’oxygène et de l’hydrogène. Cela nécessite donc d’embarquer à bord des quantités considérables de ces 2 éléments.

L’industrie Espagnole a essayé de développer un système qui permet d’utiliser le fait que le Scorpène dispose de réservoirs d’éthanol (utilisés pour le système MESMA) pour produire à partir de l’éthanol de l’hydrogène, évitant la complexité et les dangers associés avec le transport de ce type de gaz.

Mais les retards dans le développement d’un système capable de produire l’hydrogène à bord sont tels qu’il sera nécessaire de transporter l’hydrogène en réservoirs. Le problème est qu’il est nécessaire de placer les réservoirs d’hydrogène avec un soin particulier. Le Scorpène a été conçu au départ pour comporter des réservoirs d’oxygène et d’éthanol, pas d’hydrogène. Sur les sous-marins Allemands, par exemple, l’hydrogène est transporté dans des réservoirs placés entre la coque épaisse et la coque extérieure (techniquement dans la partie arrière du sous-marin).

Comme le système MESMA a été conçu pour que tous ses composants ou presque soient contenus dans un module cylindrique, afin de pouvoir être installé après que le sous-marin ait été construit en découpant le sous-marin en 2 et en plaçant la nouvelle section AIP, il n’a pas été prévu d’installer des réservoirs pour emporter un gaz aussi volatile que l’hydrogène.

Comme les ingénieurs Espagnols n’ont pas réussi à développer leur propre système AIP de piles à combustible, ils ont dû commander son étude et le développement aux américains. A ce jour, ils ignorent quand ce système pourra quitter le stade du développement, quel sera le degré de pureté de l’hydrogène nécessaire et où ils vont placer le système, les réservoirs, les vannes et tout le matériel nécessaire pour faire avancer le sous-marin avec le système AIP.

En plus des retards inévitables, certains commencent à critiquer le fait que le S-80 ne laisse pratiquement rien aux Espagnols en ce qui concerne le développement de systèmes, parce que la propulsion sera Américaine, ainsi que le système de combat, tandis que les torpilles et les tubes seront Allemands, les mâts et les périscopes seront également de conception Américaine, même s’ils sont construits en Italie, et les célèbres missiles Tomahawk que l’Espagne a l’intention d’acheter viendront aussi des Etats-Unis.

Le S-80 sera par conséquent l’otage de la politique extérieure des Etats-Unis, puisqu’ils pourront interdire l’exportation du sous-marin, si les Espagnols souhaitent le vendre à un client qui ne plait pas à Washington.

Tout le projet se trouve dans l’inconnu, et la hausse probable des coûts, conséquence des retards, pourrait finir par faire du S-80 le sous-marin classique le plus cher en Europe.

Il existe des rumeurs favorables à l’annulation du projet S-80 et à son remplacement par quelque chose de plus simple, déjà développé, et qui donne plus de développement à l’industrie espagnole, même plus lent.

Déjà, les projets de modernisation des sous-marins Agosta semblent gagner de la substance, auxquels il pourrait être ajouté un système AIP. Cependant, personne ne sait quel type de système AIP pourrait être envisagé.

Notes :

[1Les informations communiquées par le futur constructeur du système AIP, United Technologies, indiquent l’utilisation de piles à combustible de type PEM, identiques à celles utilisées pour les sous-marins Allemands U-212 et U-214, même si les données connues du S-80 donnent un sous-marin 25% plus grands que les sous-marins Allemands. Dans ce cas, la puissance inférieure réduit la vitesse maximale, ou la durée maximale de navigation en propulsion AIP.

[2L’industrie Allemande a commencé les études d’un système AIP dans les années 70, mais elle a conclu que la technologie n’était pas assez avancée. A la fin des années 80, ils ont repris les études et ce n’est qu’en 1996 qu’ils ont finalement produit un module viable utilisable à bord d’un sous-marin.

Source : Area Militar