Les conseillers techniques russes auraient-ils retardé volontairement les travaux de réparation d’un sous-marin indien ?

  • Dernière mise à jour le 3 septembre 2014.

Depuis 8 ans, le chantier naval indien Hindustan Shipyard Ltd (HSL) de Visakhapatnam travaille à la remise en état et à la modernisation d’un des sous-marins Kilo de la marine indienne, l’INS Sindhukirti. Nombreux sont ceux qui critiquent le chantier parce qu’il prive ainsi le pays d’un navire d’une importance capitale. Jusqu’ici le chantier n’avait jamais expliqué publiquement ces retards.

Lors d’une visite du chantier, les journalistes de Business Standard ont découvert que le retard n’avait rien à voir avec l’inefficacité ou l’incompétence. La cause principale réside dans un contrat mal rédigé, signé avec Moscou, qui a permis que les conseillers techniques russes augmentent constamment la liste des travaux à effectuer sur le Sindhukirti. Dans un cas, les travaux à effectuer sont 13 fois plus importants que ce qui a été fait sur un sous-marin indien remis en état en Russie.

Les Russes travaillent depuis 2006 au chantier HSL, supervisant la remise en état - modernisation du Sindhukirti. Ils sont conscients d’aider ainsi un concurrent. Le succès de HSL aurait interrompu le flux lucratif de sous-marins indiens envoyés au chantier russe Zvezdochka, qui pendant longtemps les a réparé pour plusieurs millions de roupies chancun.

« L’INS Sindhukirti va terminer le 31 mars sa période d’entretien, lorsqu’il rejoindra la flotte. Mais l’expérience de remise en état de ce sous-marin comporte des leçons importantes pour les chantiers navals indiens, » explique le directeur du chantier HSL, le contre-amiral N K Mishra.

Un grand carénage, ou remise en état, est effectué tous les 10 à 15 ans. Il permet de prolonger la vie du sous-marin en effectuant des réparations et en modernisant ses capacités de combat. Cela implique d’examiner, de réparer et même de remplacer certaines parties de la coque — il y a 2 coques sur les Kilo : la coque épaisse (résistante à la pression de l’eau) et la coque extérieure pour l’hydrodynamisme — le remplacement de certains câbles électriques, et le remplacement ou l’amélioration des systèmes d’armes, des senseurs et des moyens de communication.

En comparant les travaux que les “experts” russes ont ordonné pour le Sindhukirti, avec ceux effectués sur 2 autres sous-marins — l’INS Sindhughosh réparé en Russie et l’INS Sindhudhvaj réparé à Visakhapatnam, on constate que dans chaque grande catégorie, le Sindhukirti a nécessité plus de travaux que le Sindhughosh et le Sindhudhvaj.

CatégorieSindhughoshSindhudhvajSindhukirti (estimation initiale)Sindhukirti (travaux effectués)
Réparations de la coque épaisse (m²) 45 20 40 110
Remplacement des renforts de la coque épaisse (m) 80 27 70 140
Meulage de la coque épaisse (m²) 120 350
Revêtement de la coque extérieure (m²) 900 2100
Remplacement de structures secondaires (t) 80 2100
Remplacement de plaques de coque épaisse (m) 3 10 39
Kiosque Réparation Réparation Réparation Remplacement

Aucun de ces travaux supplémentaires n’avait été anticipé lors des estimations préliminaires, qui étaient dans la moyenne des autres sous-marins. Les ouvriers du chantier racontent (et les chiffres le confirment) que les travaux n’ont explosé qu’après leur début. Les Russes supervisant les travaux ont ordonné des suppléments de travaux à de nombreuses reprises.

Il n’y a que 2 explications possibles. Soit l’INS Sindhukirti, que la marine avait utilisé exactement comme les autres Kilo, a inexplicablement subi des dégâts exceptionnels, ou les experts russes ont demandé des travaux supplémentaires inutiles, pour leurs propres raisons. De hauts responsables de la marine indienne indiquent que la 1ère hypothèse est improbable.

Contactée pour un commentaire, la section de défense de l’ambassade de Russie à Delhi n’a pas répondu.

L’INS Sindhukirti a aussi subi une modernisation importante. Comme le Sindhughosh et le Sindhudvaj, ses tubes lance-torpilles ont été modifiés pour lancer le missile Klub contre des cibles de surface. Contrairement à eux, il a aussi reçu un nouveau système de navigation inertiel, un système de contrôle du navire, un sonar et un système de communications. Alors que le sous-marin était déjà en train d’être remonté, les experts russes ont exigé le remplacement de tous les principaux cables, ce qui a pris beaucoup de temps.

« Lorsque la Russie répare un sous-marin, l’étendue des travaux est fixée au moment de la signature du contrat. Nous n’avions aucune expérience dans la négociation de contrats. Nous avons laissé les Russes augmenter l’étendue des travaux, sans fin. Et cela continue, » indique le Commodore Ashok Bhal, directeur des travaux sur le Sindhukirti.

En moyenne, la Russie met 2 ans et demi pour réparer un Kilo. Il aura fallu 3 fois et demi plus de temps pour le Sindhukirti.

Source : Business Standard (Inde)