Le temps des essais : le sysème britannique Sea Viper sort ses crocs

  • Dernière mise à jour le 30 mai 2011.

Le plus récent système de missiles anti-aérien de la Royal Navy est désormais prêt au service. Richard Scott étudie l’intégration et les essais qui ont mené à sa qualification opérationnelle.

Le 17 juin 2010, la barge Longbow était mouillé à quelques nautiques au large d’ l’île du Levant, le centre d’essais de missiles de la Délégation Générale pour l’Armement. Le personnel du centre et des ingénieurs de MBDA, le concepteur du missile Aster et maître d’œuvre du système Sea Viper, se préparaient pour un essai important du système de missiles anti-aérien Sea Viper destiné à la Royal Navy.

Après des essais réussis en juin 2008 et en février 2009, le programme Sea Viper avait connu des problèmes en mai 2009 lorsque le 3è essai de qualification, qui comprenait un tir en salve sur une cible manœuvrant à basse altitude, avait raté l’interception. En novembre de la même année, un nouvel essai avait conduit au même échec.

Des investigations avaient conduit à la découverte d’un problème de production au niveau du missile Aster 30.

Dans les semaines qui ont précédé le nouvel essai du Sea Viper, la réussite des essais depuis des bâtiments français et italiens, avec des missiles réparés, ont semblé confirmer que le problème était résolu. Mais cet essai du Sea Viper, avec un environnement complexe, était destiné à tester les limites du système.

A 12 heures 55, une cible Mirach 100/5 est lancée depuis l’île du Levant. Sur la barge Longbow, l’antenne du radar multi-fonctions du Sea Viper, le Sampson, tourne à 30 tours par minute au sommet d’un mât de 34 m de haut. Le radar peut effectuer simultanément une recherche sur tout l’horizon et une recherche en volume.

12 minutes plus tard, la cible est détectée par le radar Sampson. La trace est transmise au système Sea Viper pour évaluation de la menace.

Le système informatique, utilisant des ordinateurs à haute vitesse de traitement, a immédiatement pris la piste en compte et place le radar en mode poursuite. La trace a été identifiée comme une menace.

Deux missiles Aster 30 — stockés dans un module de lancement vertical SYLVER A50, sur le pont de la barge Longbow — reçoivent des messages d’initialisation — position et trajectoire prédite de la cible à intercepter. La nature de la cible nécessitait un tir en salve pour augmenter la probabilité de destruction.

"3, 2, 1 , 0," annonce le responsable des essais depuis la barge Longbow, puis "Autorisation de lancement."

Un panneau s’ouvre sur le module de lancement et, 2 secondes plus tard, une flamme orange et brillante précède un nuage de fumées blanches alors que le 1er missile Aster 30 décolle et se dirige vers sa cible.

Puis, 5 secondes plus tard, nouveau lancement pour le 2è missile. Après avoir largué leur propulseur d’accélération, les 2 missiles se dirigent à plus de Mach 4 (4 fois la vitesse du son) vers la cible Mirach. Dans le même temps, le radar Sampson continue de pister la cible et transmet à mi-course des messages de correction, modulés sur le faisceau radar.

Cette mise à jour continue de la position de la cible et du missile a permis au 1er de s’approcher de la cible. Dans la phase finale, il est passé en mode de recherche active, allumant son propre radar. La cible Mirach a alors effectué une manœuvre d’évitement à fort taux de "g", pour tenter d’échapper à l’interception. Le missile Aster a donné une poussée latérale pour s’approcher de la cible, effectué un coup direct et détruire la cible. Quelques secondes plus tard, le 2è missiles Aster 30 traversait les débris de la cible.

 Le système Sea Viper

Le système Sea Viper est le système de missiles anti-aérien retenu par la Royal Navy pour équiper ses nouveaux destroyers Type 45.

La nécessité d’un tel système est apparue immédiatement après la Guerre des Malouines en 1982. Les pertes survenues pendant le conflit ont mis en lumière les limites des systèmes existants de lutte anti-aérienne, que ce soit en haute-mer ou en environnement littoral. Les systèmes de l’époque étaient trop lents à réagir, très limités en canaux de contrôle de tir et incapable d’intercepter les cibles les plus difficiles.

Les nouveaux types de missiles anti-navires nécessitaient le développement de nouveaux systèmes, dit de défense de la zone locale, qui pourraient fournir un "parapluie" au-dessus et autour d’un bâtiment ou d’un groupe de bâtiments.

Destiné à fournir une capacité d’auto-défense, à courte et moyenne portée, contre un large éventail de menaces aériennes, le système Sea Viper est une des 2 versions du système tri-national PAAMS (Principal Anti-Air Missile System) développé par MBDA pour répondre aux besoins de défense anti-aérienne de la France, de l’Italie et du Royamune-Uni.

La version retenue par la France et l’Italie, le PAAMS(E) qualifié en 2007, pour leurs frégates Horizon/Orizzonte, partage avec le Sea Viper un certain nombre de sous-systèmes, en particulier les missiles Aster 15 Aster 30, et le système de lancement vertical SYLVER A50.

En revanche, le PAAMS(E) utilisé par la France et l’Italie utilise le radar multi-fonction EMPAR (bande G) de Selex Sistemi Integrati et un système de contrôle commande différent.

De son côté, le Sea Viper (aussi baptisé PAAMS[S]) utilise le radar Sampson (bande E/F) de BAE Systems et un système de contrôle commande développé en Grande-Bretagne. Il permet de répondre à une spécification de performances plus restrictives. En effet, la Grande-Bretagne a exigé que son système puisse traiter des cibles plus difficiles : cibles supersoniques plongeant depuis une haute altitude, missiles subsoniques très manœuvrants et supersoniques à vol rasant effectuant des manœuvres terminales.

Cette spécification britannique plus exigeante prévoit de protéger toutes les unités situées dans un rayon de 6,5 km contre 8 missiles supersoniques à vol rasant.

 Difficultés techniques

Comme tous les systèmes nouveaux, le système Sea Viper a connu quelques problèmes de jeunesse, qui sont maintenant résolus.

Au début 2005, il est apparu que les modules émission réception (utilisant de l’arséniure de gallium) se répondaient pas aux attentes. Les modules ont été modifiés et depuis, le radar Sampson se comporte conformément aux attentes.

MBDA n’a pas dévoilé la nature précise des problèmes rencontrés dans la production du missile Aster. Mais des sources bien placées ont indiqué à Jane’s que des forces aérodynamiques très fortes pouvaient exciter le revêtement, pouvant conduire à sa séparation du corps du missile. Le flux d’air très chaud pouvait alors endommager le câblage, empêchant la transmission des ordres de vol. Les éléments du revêtement et leur fixation ont été modifiés pour améliorer leur tenue. Plusieurs « dizaines de missiles » Aster seraient concernés, tous seront réparés.

Les essais conduits depuis, sur l’Andrea Doria italien et la barge Longbow ont permis de confirmer la solution retenue.

 L’avenir : la défense contre les missiles balistiques

Bien qu’officiellement, la Royal Navy n’en ait pas exprimé officiellement le besoin, MBDA et BAE Systems ont étudié un calendrier d’évolution qui permettrait de donner à l’ensemble actuel Destroyer Type 45 / Sea Viper une capacité de défense contre les missiles balistiques, sans dégrader les performances anti-aériennes.

Dans un premier temps, cette évolution pourrait s’appuyer sur les versions Aster Block 1 et Aster Block 1NT dont le développement est déjà en cours. Ces 2 versions permettront d’améliorer les performances contre les menaces conventionnelles tout en ajoutant une capacité à portée plus courte contre des missiles balistiques .
Selon MBDA et BAE Systems, une capacité anti-missiles balistiques limitée pourrait ajoutée sans impact majeur sur l’architecture actuelle du système de combat du Type 45. Seules des améliorations logicielles seraient nécessaires.

Le missile Aster Block 1NT est considéré comme un point de départ pour la défense anti-missiles balistiques. Mais une version plus évoluée, l’Aster Block 2, permettant une interception extra-atmosphérique, est prévue pour après 2020.

Source : Jane’s (Grande-Bretagne)