Le rythme des patrouilles de SNLE américains reste au niveau de la guerre froide

  • Dernière mise à jour le 19 mars 2009.

La flotte américaine de 14 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) a effectué en 2008 31 patrouilles de dissuasion, soit un rythme opérationnel comparable à celui de la Guerre Froide.

Cette nouvelle information, qui a été obtenue de l’US Navy dans le cadre de la loi d’accès à l’information, coïncide avec la fin le 11 février dernier de la 1000è patrouille de dissuasion effectuée depuis 1982 par un SNLE de la classe Ohio.

Cette information montre que les Etats-Unis effectuent plus de patrouilles chaque année que la Russie, la France, la Grande-Bretagne et la Chine réunis.

 Nombre de patrouilles

Les 31 patrouilles effectuées en 2008 poursuivent une histoire de 48 ans de patrouilles continues. Depuis que l’USS George Washington a quitté Charleston le 15 novembre 1960 pour la première patrouille jamais effectuée, 59 SNLE ont effectué 3.814 patrouilles.

Nombre de patrouilles de SNLE américains entre 1960 et 2008
Le nombre annuel de patrouilles de SNLE a fluctué de manière importante au fil des années selon que les sous-marins rejoignaient ou quittaient la flotte. La plupart des patrouilles sont aujourd’hui effectuées dans le Pacifique. La réduction depuis 2000 est due à la transformation de 4 SNLE en SSGN et à la longue modernisation de 4 autres.

Le nombre annuel de patrouilles a considérablement fluctué au cours des année, avec un maximum de 131 patrouilles en 1967. Les diminutions sont principalement dues au désarmement de SNLE plutôt qu’à des changements dans la mission. Le désarmement des premières classes de SNLE dans les années 79-81 a pratiquement éliminé les patrouilles dans le Pacifique, mais les nouveaux SNLE Ohio ont progressivement rétabli la posture. Le retrait des SNLE Poseidon en octobre 1991 puis le désarmement de tous les SNLE non-Ohio vers 1993 ont réduit de près de 60% le nombre de patrouilles effectuées en Atlantique. Les patrouilles ont à nouveau augmenté dans la seconde moitié des années 90 alors que de nouveaux SNLE Ohio entraient en service. Le nombre a commencé à diminuer en 2000 alors que 4 SNLE Ohio étaient transformés en SSGN et que 4 autres subissaient des modernisations longues pour passer du missile Trident I C4 au Trident II D5.

Patrouilles de SNLE dans le monde en 2008
Les Etats-Unis effectuent plus de patrouilles de SNLE que toutes les autres puissances nucléaires combinées. Les SNLE chinois n’ont pas encore effectué de patrouille de dissuasion.

Pendant la Guerre Froide, la vaste majorité des patrouilles étaient effectuée en Atlantique. Depuis le début des années 90, les patrouilles en Atlantique sont devenues moins nombreuses et la force des SNLE a été concentrée sur la côte ouest. La majorité des patrouilles américaines se déroule aujourd’hui dans le Pacifique.

Le nombre actuel de patrouilles est significativement plus important que le niveau de patrouilles des autres pays disposant de SNLE. En fait, l’US Navy a effectué 3 fois plus de patrouilles que la marine russe en 2008. Et elle a effectué plus de patrouilles que la Russie, la France, la Grande-Bretagne et la Chine combinée.

 Un rythme opérationnel élevé

Rythme de patrouille des SNLE américains de 1960 à 2008
Le rythme opérationnel des SNLE américains est aujourd’hui aussi élevé que pendant la Guerre Froide. Des pics intéressants sont survenus pendant la crise des Missiles à Cuba et à la chute du l’Union Soviétique.

Bien que le nombre total de patrouilles de SNLE ait diminué significativement depuis la fin de la Guerre Froide, le rythme opérationnel de chaque sous-marin est resté le même. Chaque sous-marin effectue aujourd’hui presqu’autant de patrouilles par an que pendant la Guerre Froide, mais la durée de chaque patrouille a augmenté, chaque sous-marin passe environ 50 à 60% de son temps en patrouille.

Le rythme opérationnel élevé est rendu possible par le fait que chaque SNLE dispose de 2 équipages, Bleu et Or. A chaque fois qu’un sous-marin rentre de patrouille, l’autre équipage le remplace, passe quelques semaines à réparer et ravitailler le sous-marin puis appareille pour la patrouille suivante.

Les données révèlent aussi 2 pics intéressants du nombre de patrouilles en 1963,1965 et 1991. Les raisons de cette activité accrue ne sont pas connue mais les périodes coïncident avec la crise des missiles cubains et le coup d’état raté dans les derniers jours de l’Union Soviétique en 1991.

Nombre de jours de patrouille effectués par les SNLE américains entre 1960 et 2008
Alors que la flotte de SNLE effectue beaucoup de jours de patrouille aujourd’hui que pendant la Guerre Froide parce que la flotte est moins nombreuse, chaque sous-marin passe autant de temps en patrouille que pendant la Guerre Froide.

Une autre manière d’examiner les données est de regarder combien de jours de patrouilles chaque sous-marin et la flotte effectuent chaque année. Pendant la Guerre Froide, la flotte sous-marine plus nombreuse effectuait en moyenne 6.000 jours de patrouille par an, avec un pic de 8.515 jours de patrouille en 1967. Après la fin de la Guerre Froide, alors que la taille de la flotte était réduite, cette performance a décliné à une moyenne de 3.400 jours par an. Avec la transformation de 4 SNLE en SSGN et 4 autres subissant de longues modernisations du système de missiles, le nombre de jours effectués aujourd’hui a chuté à un peu plus de 2.200.

Pourtant, le nombre total de jours de patrouille peut être trompeur parce qu’il cache combien fait chaque sous-marin. Comme les SNLE de la classe Ohio sont optimisés pour des patrouilles plus longues, le nombre moyen de jours que chaque sous-marin passe en patrouille est plus élevé depuis la fin de la Guerre Froide que pendant la Guerre Froide elle-même. Des patrouilles peuvent être raccourcies par des problèmes techniques, mais la plupart des SNLE de la classe Ohio restent aujourd’hui en patrouille pendant plus de 80 jours. L’an dernier, l’USS Maine a effectué dans le Pacifique une patrouille de 98 jours.

 Qu’est-ce qu’une patrouille de dissuasion ?

Une patrouille de dissuasion est un déploiement opérationnel prolongé durant une partie duquel le sous-marin est à portée des cibles qui lui sont affectées par le plan de guerre stratégique. Chaque patrouille d’un SNLE de la classe Ohio dure généralement de 60 à 90 jours, mais un seul sous-marin, à la fin 2008, a effectué une patrouille prolongée de 98 jours. Quelques patrouilles ont duré plus de 100 jours. Parfois, une patrouille est réduite en raison de problèmes techniques, auquel cas un autre SNLE peut appareiller avec un faible préavis. Par conséquent, aujourd’hui les patrouilles durent en moyenne environ 72 jours.

Etre en patrouille ne signifie pas que le sous-marin est continuellement en plongée à son poste et menace des cibles. En fait, lorsque le sous-marin n’est pas en Hard Alert, menaçant des cibles en Russie, Chine ou des états de la région, la majeure partie de la durée de la patrouille est passée à transiter entre le port-base et la zone de patrouille, s’entraîner avec d’autres forces navales, effectuer des inspections et passer des examens, effectuer des Weapon System Readiness Tests (WSRTs), effectuer des exercices de reciblage et de commandement et de dontrôle.

Une autre activité implique ce qu’on appelle des exercices SCOOP (SSBN Continuity of Operations Program) où le SNLE s’entraîne au ravitaillement ou à la maintenance dans des ports avancés, au cas où le port-base serait détruit en temps de guerre. Dans le Pacifique, les ports SCOOP sont Pearl Harbor, Guam, Seaward (Alaska), Astoria (Oregon) et San Diego (Californie). Sur la côte Atlantique, il s’agit de Port Canaveral et Mayport (Floride), Roosevelt Roads (Puerto Rico) et Halifax (Canada). Le SNLE peut même retourner dans son port-base et repartir en patrouille 24 ou 48 heures plus tard.

Bien que les patrouilles se terminent généralement à la base où elles ont commencé, ce n’est pas toujours le cas. Un SNLE qui appareille de la base sous-marine de Bangor (Washington) peut passer plusieurs semaines dans les zones d’alerte opérationnelle, effectuer plusieurs entraînements et exercices, puis faire escale à Pearl Harbor. Après un bref séjour au port et un ravitaillement, le sous-marin reprend généralement sa patrouille et fini par revenir à Bangor. Mais, parfois, la patrouille se termine à Hawaï, un nouvel équipage rejoint le sous-marin par avion pour remplacer l’ancien, et le sous-marin subit un ravitaillement sur sa base avancée dans le cadre d’un exercice SCOOP. Le SNLE quitte ensuite Hawaï pour une nouvelle patrouille, rejoint les zones d’alerte opérationnelle, effectue d’autres exercices et inspections, puis finalement retourne à Bangor où la nouvelle patrouille se termine.

Ce type de patrouille interrompue, où le sous-marin effectue autre chose que des opérations sur zone, est parfois décrit comme une “alerte modifiée”, il s’agirait d’autre chose que ce qui se passait pendant la Guerre Froide. Mais les SNLE n’ont jamais été en alerte sur zone tout le temps, la plupart des sous-marins déployés étant en transit entre les zones d’alerte et d’autres opérations. En fait, les patrouilles d’“alerte modifiée” remontent au début des années 70.

Sur les 14 SNLE actuellement dans la flotte, 2 sont normalement en refonte à chaque moment. Sur les 12 restants, qui sont opérationnels, 8 ou 9 sont déployés en patrouilles. Quatre d’entre eux (2 dans chaque océan) sont en “Hard Alert” pendant que les 4 ou 5 autres peuvent être amener au niveau d’alerte avec un préavis relativement court si nécessaire. Entre 1 et 3 sous-marins sont en entretien dans leur port-base en préparation de leur prochaine patrouille.

Les SNLE en Hard Alert menacent en permanence des installations en Russie, Chine et des états régionaux avec 384 têtes nucléaires (chiffre estimé) sur 96 missiles Trident II D5 qui peuvent être lancés en “quelques minutes” après avoir reçu l’ordre de lancement. Les cibles dans les “ensembles de cible” sont choisies parmi les tâches du plan de guerre stratégique, connu aujourd’hui comme le plan d’opérations (OPLAN) 8010.

L'analyse de la rédaction :

Le reste de l’article, qui aborde des sujets touchant à la politique de dissuasion nucléaire, n’a pas été traduit.

Source : Federation of American Scientists (Etats-Unis)