Ambitions chinoises en mer de Chine du Sud

  • Dernière mise à jour le 16 mars 2009.

Alors que l’attention se concentrait sur les projets des marines indienne et chinoise de se constituer une capacité aéronavale en construisant des porte-avions, les événements de dimanche dernier, à 75 nautiques au sud de l’île d’Hainan en mer de Chine du Sud, rappellent que la menace sous-marine est réelle et actuelle.

Selon l’US Navy, le navire auxiliaire Impeccable, qui dispose d’un équipage civil, menait des "opérations de routine" dans les eaux internationales. Ces opérations, est-il apparu, consistaient à remorquer des antennes sonar active et passive pour détecter et enregistrer les signature acoustiques de sous-marins, détecter des mines et d’autres obstacles, et plus généralement connaître la topographie du fond de la mer. Ce navire est l’un des 5 spécialement conçus pour assister la Navy dans cette tâche.

Les eaux qui entourent Hainan présentent un intérêt particulier dans 2 aspects. Les images satellite ont récemment confirmé la construction d’une base sous-marine à Yulin, base comprenant une partie souterraine. La zone dans laquelle l’Impeccable se trouve exactement dans la vaste étendue de la mer de Chine du Sud que la Chine revendique comme ses eaux territoriales, sans tenir compte de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer et des droits des autres états riverains.

Cinq navires battants pavillon chinois — 3 patrouilleurs gouvernementaux et 2 bateaux de pêche — se sont approchés de l’Impeccable, lui coupant la route. Lorsque l’équipage de l’Impeccable a répondu avec des lances à incendie, les Chinois se sont déshabillés en sous-vêtements pour poursuivre leurs gesticulations rapprochées.

En comparaison de l’attaque du navire-espion américain Pueblo par les Nord-Coréens en 1968, ou le harcèlement en avril 2001 d’un avion-espion EP3 américain, toujours au-dessus de la mer de Chine du Sud, c’est l’histoire qui se répète comme une farce, sans qu’aucun mal ne soit fait. Mais l’incident inquiète les analystes de la région Asie-Pacifique par ses conséquences dans un domaine beaucoup sérieux.

Cet incident fait suite à plusieurs autres survenus ces derniers jours, lorsque des avions chinois ont survolé des navires de surveillance américains. Il intervient peu de temps après la première visite à Pékin de la nouvelle Secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, au cours de laquelle elle a déclaré que les craintes sur les droits de l’homme n’auraient aucune conséquence sur la coopération pour juguler la crise économique. Et il est intervenu quelques jours avant la visite à Washington du ministre chinois des affaires étrangères, Yang Jiechi, où il a préparé la première rencontre entre le président Barack Obama et son homologue chinois Hu Jintao, lors du sommet du G20 à Londres le mois prochain.

Hu est aussi président de la Commission Militaire Centrale, le haut-commandement de l’Armée Populaire de Libération. Soit il essaye de tester la volonté du nouveau président américain, ou l’armée chinoise joue son propre jeu.

"Les communiqués de l’US Navy indiquent que les navires chinois comprenaient 1 navire de la marine chinoise et 4 navires civils appartenant à différentes administrations, ce qui suggère fortement que ce n’était pas une opération militaire solitaire, mais une entreprise civilo-militaire bien orchestrée," explique Tai Ming Cheung, un spécialiste de l’armée chinoise à l’université de Californie à San Diego.

"L’utilisation de bateaux de pêche et de patrouilleurs civils … renvoie à l’approche de “Guerre du Peuple en Mer” pour la défense maritime lorsque vous mobilisez des moyens civils pour submerger l’ennemi."

Le motif de cet incident semble être la revendication de la souveraineté territoriale sur la totalité de la zone économique exclusive de 200 nautiques, donnant à la Chine le droit de contrôler l’activité dans cette zone. Les lois et les cartes chinois soutiennent cette revendication, mais n’ont aucune base internationale, selon des experts dans la Loi de la Mer. Le territoire chinois se prolonge en mer sur 12 nautiques depuis la côte, comme pour toute autre nation.

Jusqu’à cette frontière, les marine étrangères peuvent naviguer et écouter comme elles le veulent, et l’US Navy a bien l’intention d’exercer complètement ce droit.

Selon la littérature de l’US Navy, les 30 sous-marins de la classe Virginia prévus "vont augmenter la capacité d’opérer à l’intérieur des défenses d’un ennemi non seulement pour la surveillance, mais aussi pour lancer des armes puissantes de précision sur des cibles à terre ou en mer". De nouveaux systèmes "vont permettre de détecter encore mieux les cibles lentes et silencieuses dans les eaux côtières peu profondes".

Dans l’incident de l’EP-3, un pilote chinois après être entré en collision avec l’avion américain, plus lent et plus gros, contraint lui-même à effectuer un atterrissage d’urgence sur l’île d’Hainan. L’équipage avait été rendu après que le gouvernement du président George Bush ait envoyé une lettre connue des chinois comme les “2 excuses”, exprimant des regrets pour "l’entrée dans l’espace aérien chinois et l’atterrissage sans autorisation".

Pour les Américains, cela signifiait une excuse pour le vol sur Hainan. Pour les Chinois, cela signifiait la reconnaissance que l’avion volait dans l’espace aérien chinois lorsque l’interception a eu lieu. L’incident avec l’Impeccable suggère que les Chinois reviennent sur cette question.

"Cela ressemble à une première tentative chinoise pour établir des bastions maritimes stratégiques dans lesquels ses sous-marins et ses forces navales pourraient naviguer sans interférence des Etats-Unis," explique Cheung.

"Les Etats-Unis sont déterminés à ne pas le permettre puisqu’ils bénéficient depuis longtemps de la maîtrise de la haute-mer en Asie-Pacifique.

"Donc, cette compétition stratégique qui semble de plus en plus forte entre les 2 marines semble présager de nombreuses frictions à l’avenir."

Source : Sidney Morning Herald (Australie)