Incident naval entre la Chine et le Japon

  • Dernière mise à jour le 3 décembre 2004.

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Deux destroyers et un avion de reconnaissance P-3C nippons ont pris en chasse le mystérieux submersible entré durant près de deux heures dans les eaux du Japon, à environ 300 km au sud-ouest d’Okinawa. La poursuite s’est achevée vendredi sans résultat, mais, à Tokyo, le ministère de la Défense a estimé qu’il s’agissait vraisemblablement d’un « sous-marin nucléaire de classe Han de la marine chinoise ».

 Craintes.

C’est l’un des plus sérieux accrocs depuis la normalisation des relations sino-japonaises, en septembre 1972, et surtout le révélateur de l’état exécrable des relations entre les deux pays. Alors que les rapports commerciaux progressent, les relations politiques sont gelées : Pékin refuse tout contact au sommet entre les deux pays. Côté japonais, cet incident naval est tombé à pic pour confirmer les pires craintes : l’Agence de défense nippone vient en effet de soumettre au gouvernement un plan de défense révisé prenant en compte l’éventualité d’une attaque chinoise...

Au coeur de cette brouille, un cocktail détonant de séquelles historiques jamais surmontées, et de querelles territoriales qui attisent le nationalisme de part et d’autre. Le conflit porte en particulier sur des îles perdues en mer de Chine, que les Japonais appellent Senkaku et les Chinois, Diaoyu. La vieille dispute autour de ces rochers a resurgi en 1996 quand un groupuscule d’extrême droite nippon a élevé un phare métallique sur un de ces îlots. L’affaire a pris récemment un parfum de gaz naturel lorsque la Chine a annoncé un programme de forages dans cette zone contestée.

Le rapport à l’histoire de la guerre sino-japonaise pèse lourd dans ce climat. Les visites répétées de politiciens japonais, dont le Premier ministre Koizumi, au sanctuaire shintoïste de Yasukuni, à Tokyo, où reposent entre autres les cendres des criminels de guerre nippons, exaspèrent au plus haut point les dirigeants chinois. Pékin dénonce le refus répété, côté japonais, d’admettre l’ampleur des crimes commis durant l’agression et l’occupation de la Chine par l’armée impériale.

 Manga.

Le négationnisme et le révisionnisme de l’histoire au Japon sont sans doute le plus grand risque déstabilisateur entre Tokyo et Pékin. Jeudi, l’éditeur nippon Shueisha a ainsi fait savoir qu’il allait supprimer les pages controversées d’un manga intitulé Kuni ga Moeru (« le pays brûle »), qui dépeint le massacre de Nankin par l’armée nippone en 1937 avec un certain réalisme. « Le manque de prudence dans la sélection et la vérification d’éléments utilisés pour la BD a causé de l’incompréhension parmi les lecteurs », s’est excusé l’auteur du manga.

Côté chinois, l’attitude japonaise alimente un nationalisme qui ne demande qu’à s’exprimer, comme l’ont montré les incidents qui ont accompagné la finale Chine-Japon de la Coupe d’Asie de football, cet été à Pékin. Vendredi, le suicide aux Etats-Unis de l’écrivaine sino-américaine Iris Chang, auteure d’un livre célèbre intitulé The Rape of Nanking (« le viol de Nankin »), a permis une nouvelle fois à cette animosité à fleur de peau de surgir : pour les internautes chinois, il n’y a pas de doute qu’Iris Chang a été assassinée par les Japonais... Avec l’affaire du sous-marin, ce climat délétère prend assurément un tour plus dangereux.

Source : Libération