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Depuis son arrivée à Lorient le 3 janvier 2008, (…)
© CECMED / Marine Nationale
Entourée par l’état-major du Surcouf. © CECMED / Marine Nationale
Après un très dense arrêt technique majeur de près de quatre mois et avant un déploiement en Océan Indien, la frégate « Surcouf » a accompli son stage MECO du 18 février au 19 mars. A l’occasion de l’exercice Tamouré, dernière étape et apogée du stage d’entraînement, d’inhabituels passagers ont été accueillis à bord : collégiens, cadres de DCNS, stagiaire HEC et… une journaliste qui relate ici cette expérience hors du commun.
“Je suis satisfait du dynamisme et de la réactivité de mes marins ». Le commandant Vandier est fier de ses troupes après trois jours d’exercices intenses au large de l’île du Levant.
Du 17 au 19 mars, dans le cadre de l’exercice Tamouré, ultime étape d’un stage MECO (mise en condition opérationnelle) long de près d’un mois, les hommes du Surcouf ont prouvé leurs compétences et démontré que leur navire était prêt à larguer les amarres. Retour sur leur périple : un entraînement en situation de guerre.
Départ au clairon dans un enthousiasme général, autant du côté des marins que des passagers venus assister aux épreuves. Sur le pont, profitant de la brise marine, des membres de DCNS, un stagiaire HEC, et une délégation du collège Surcouf de Saint-Malo. La frégate quitte lentement la rade et vogue vers son ultime test.
A midi, l’entraînement commence. « SA2 ! ». La mer s’agite sous les flancs du navire et le vent fouette le visage des veilleurs, montés en couronne de veille après le rappel au poste de mise en garde. Le jeu de guerre est lancé ; le « Surcouf » va être jugé. Un mot : MACOPEX. Ou comment poursuivre la lutte contre les menaces extérieures en maintenant en condition opérationnelle le navire, qui subit des avaries. Les contre-attaques et les réparations deviennent stratégiques : il faut parer au plus urgent et à l’essentiel.
Tous les marins s’affairent. Opérationnels et énergiques, ils traversent les méandres des coursives sans hésitations, montant, descendant, prêts à agir. Chacun d’eux est nécessaire au bateau, d’autant plus en temps de crise. Dans une profession où la fonction prime le grade, où une attaque demande des réactions à suivre comme une partition, tous les hommes comptent. Du mécanicien au pompier, du boulanger réconfortant le moral à l’artilleur protégeant les panses, du second maître aujourd’hui chef de quart au commandant jamais à court de confiance, tous sont essentiels au fonctionnement du « Surcouf. »
Un bruit sourd provenant du ciel se fait entendre. Quelques secondes plus tard, le navire tout entier vibre et un son fracassant parvient aux oreilles. Il est 14h, et le premier tir missile d’une longue série vient d’être lancé.
L’exercice ARPEGE débute. Un aéronef simule une attaque, destination « Surcouf » ; en réponse, ordre est donné de tirer contre le leurre tracté par ce démon du ciel. Thierry Leroy, architecte en système de combat pour DCNS, est « surpris par ces manœuvres sophistiquées », et apprécie « d’observer concrètement le travail et l’organisation » des utilisateurs de ses conceptions.
16h, l’aviso « enseigne de vaisseau Jacoubet » entre dans la partie. L’objectif est de tester la capacité de coordination des équipages. Une voix d’eau vient perturber l’exercice, et le navire doit rentrer au port quelque temps. Il reviendra soutenir le « Surcouf » tout au long des épreuves qui s’enchaînent à un rythme effréné.
Entre poste de mise en garde et poste de combat, les marins ne chôment pas. Le grésillement de la diffusion générale chatouille les oreilles en moyenne toutes les demi-heures ; même la nuit, le repos n’est pas de rigueur. Univers exigeant et contraignant, la marine engage des hommes à protéger des vies. La discipline, le respect, l’altruisme et l’effort prennent un sens à bord du « Surcouf », tant ces valeurs déterminent la réussite des opérations.
L’exercice Tamouré est l’occasion de tester les marins sur mer comme sur terre. A 18h 39 un zodiac part en direction de l’île du Levant ; les militaires débarquent pour 24h d’effort sans répit. En collaboration avec leur frégate, ils doivent évacuer des ressortissants « azurlandais », menacés par des indépendantistes armés contre lesquels la population locale s’oppose. Face à des militaires ennemis mobilisés dans ce jeu du chat et de la souris, parviendront-ils à remplir leur mission ?
Pendant ce temps, le « Surcouf » est confronté à une menace en mer ; les tirs se poursuivent. La nuit tombe lentement, la menace d’une attaque perdure. Dans l’obscurité de la passerelle, les membres d’équipage ne baissent pas la garde.
Le ciel voilé n’empêche pas les radars de repérer une menace aérienne à 1h du matin. « Poste de combat ! » Les lumières rouges tamisées des coursives ne facilitent pas les déplacements des militaires. Après vérification que nul ne manque à l’appel, actions et réactions tiennent en éveil.
A 3h40, les artilleurs sont toujours sur le qui vive, alors qu’un début d’incendie fictif mobilise les pompiers de la frégate. Intégré comme spectateur, « libre de circuler », Laurent Claquin, ergonome à DCNS, s’étonne de tout et saisi mieux les différents rôles des marins : « par exemple, je ne voyais pas l’importance du CTAC (contrôleur tactique d’aéronefs). En fait, son travail n’ est pas limité au contrôle aérien ; il participe aussi à la mise en oeuvre des missiles ». Les 150 membres d’équipage révèlent leur nécessité. Chaque militaire, conscient d’être le maillon d’une chaîne, ne délaisse son poste que vers 4h, lorsque l’alerte prend fin.
Petite nuit, petits yeux ; le sommeil fut court mais nul ne se plaint. La mission prime, aussi éreintante qu’elle soit. Affublés de cagoules et de lunettes de protection, l’équipage aborde une journée extrême, riche en événement, qui devra témoigner des capacités du navire et de ses hommes.
Une série d’incendie anime la matinée dans le cadre de l’exercice Securex. Le Surcouf témoigne systématiquement d’une bonne gestion des crises tout en assurant la sécurité du navire. Le PC machines-sécurité, le CO, la passerelle : aucun endroit stratégique n’est épargné. Pour plus de réalisme, certains membres d’équipage sont considérés comme blessés, pris rapidement en charge par leurs compagnons, avant d’être conduits à l’infirmerie pour être soignés. Des zones sont évacuées. Les marins traversent les coursives en flamme, flirtent avec des roquettes, écument les tirs de missiles Crotales et 100MM en direction de leurres ou de cibles en mer. Solidarité, performances de savoir-faire et qualités humaines sont à l’ordre du jour pour affronter la cadence extrême des événements.
Un commandant blessé, des avaries qui s’enchaînent, des menaces aériennes et navales, des hommes à terre à récupérer, la fatigue grandissante ; rien ne diminue la motivation et la concentration de l’équipage. Une passerelle de secours est installée. Quentin, stagiaire HEC auprès du contre-amiral Magne (ALOPS), est « surpris par l’intensité et le réalise des exercices, mais également par le fait que les marins du Surcouf ignorent tout du scénario ».
Des tirs contre terre sont simulés en début d’après-midi afin de protéger les militaires à terre. Il est temps de les rapatrier avec les ressortissants. L’exercice RESEVAC est mis en place. Il importe de protéger l’équipage à bord en s’assurant qu’aucun nouvel arrivant ne constitue une menace. Fouilles et interrogations se succèdent. A 18h la tension baisse. Mais pas la vigilance.
Encore quelques efforts, quelques montées d’adrénaline. Parfois, les exercices sont annulés, suite à des avaries ou des contraintes météorologiques. Ainsi, un nouvel ARPEGE tombe à l‘eau vers 1h du matin. Pas de panique, le scénario est modifiable, créable in situ : tous les tests auront lieu dans le temps imparti.
Le lendemain, derniers postes de combat. A 11h40, un exocet MM40 est tiré. Cet événement est l’apogée de la mission, tant il est rare et impressionnant. Le missile fuse sur 10km, alors qu’un missile Tartar lancé par le Cassard, introduit dans la partie pour plus de réalisme, tente de le détruire avant qu’il n’atteigne sa cible. Peine perdue ; le MM40 touche au but.
Tous les deux ans environ, un tel entraînement s’inscrit dans le stage MECO. Préparé pendant de longs mois, il met à l’épreuve les marins et les navires. A quai, des instructeurs rappellent les bases, forment, puis organisent une mise en situation. Le capitaine de corvette Jérôme Grivelet, officier en charge du bâtiment, est l’un des concepteurs du scénario et l’un des juges du Surcouf. Il prononce sa sentence : « je suis plutôt content du bâtiment et de ses réactions ». Dans des conditions difficiles et inattendues, les marins ont su s’adapter et offrir le meilleur de leurs compétences pour réussir le challenge. Le retour dans la rade se fait dans le calme ; chacun doit retrouver des forces et effectuer les derniers préparatifs avant le départ mercredi 26 mars pour l’océan indien, où la réalité les attend durant 4 mois et demi. Fin de partie.
Il y a une quinzaine d’année, Saint-Malo est devenue la ville marraine du Surcouf. Le maire et l’inspecteur d’Académie ont ensuite décidé de créer un jumelage entre un collège du même nom et la frégate. Mais le jumelage était peu actif, la frégate n’étant pas revenue à Saint-Malo depuis son armement. Depuis quelques mois, les choses ont évolué. En janvier dernier, une délégation de marins du bord est venue à la rencontre des collégiens pour expliquer leurs professions. Puis, le 17 mars, les échanges entre l’établissement scolaire et le Surcouf ont pris un nouveau tournant.
Trois élèves de troisième du collège malouin, leur professeur principal et Joël Jamet, leur proviseur, ont été invités à découvrir la frégate et la vie de marin pendant leur entraînement. « J’ai immédiatement adhéré à cette idée, s’enthousiasme Joël Jamet. Je travaille pour des enfants issus de milieux modestes ; c’était l’occasion de leur offrir une expérience unique ». Il est clair qu’aucun des élèves n’oubliera cette aventure. Pour certains, leur estomac en gardera des traces, mais pour tous, leurs émotions seront fixées durablement dans leurs mémoires. « On a eu de la chance parce que ces trois jours ont été pleins d’action », remarque Rémy, 15 ans, avant d’ajouter : « Je ne pensais pas qu’il y avait autant de postes et de gens à bord ». Pour Timmy, ce sont les armes qui l’ont étonné, ainsi que « l’esprit de camaraderie ».
Des vocations en perspectives ? Pas vraiment. Epuisés, ces jeunes notent « la difficulté des horaires, du travail, et de l’éloignement familial lorsqu’on est militaire ». Les marins ont enseigné une leçon de vie aux collégiens. Pour Joël Jamet, à la veille de sa retraite, il importe donc que « ce jumelage soit durable ». En espérant que son successeur fasse de cette expérience une tradition.
Un mois avant les collégiens de Saint-Malo, deux élèves de BTS filière électrotechnique du lycée « Les Eucalyptus » de Nice ont eu la chance d’embarquer à bord du « Surcouf ». Leur établissement scolaire bénéficiant d’un partenariat avec la frégate, Stéphane Brabant et Yann Boyer ont, eux aussi, pu toucher du doigt la réalité de la vie de marin, du 4 au 6 février, pendant les essais à la mer du bâtiment. Une expérience d’autant plus utile que les deux jeunes gens envisagent sérieusement de rejoindre les rangs de la marine nationale après l’obtention de leur diplôme.
pour Sophie Normand, directrice du développement professionnel à DCNS, embarquée pour l’occasion
– Si vous ne deviez retenir qu’une chose de votre embarquement :
« La qualité de l’accueil est impressionnante et nous donne à tous une leçon d’ouverture ». – Pourquoi avez-vous embarqué :
« Il faut donner l’occasion à notre personnel DCNS de rencontrer les opérationnels de la marine nationale. Nous devons être proches de notre client. C’est important de voir la réalité des contraintes et des besoins de chacun pour mieux les comprendre et ainsi proposer des solutions. Finalement, DCNS et la marine rencontrent les mêmes difficultés : la diminution du personnel et des moyens financiers ». – Cette expérience vous donne-t-elle des idées :
« Ce serait une bonne chose que DCNS accueille à son tour des marins dans nos bureaux d’étude pour travailler ensemble, de manière intégrée. Nous sommes tous conscient d’être petits face à la mer ; il est donc nécessaire de créer un entente, d’être solidaire ».
Par Nelly Moussu
Source : Marine Nationale (CECMED)