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Jeudi 24 janvier 2008, le destroyer russe Admiral (…)
Pendant un demi-siècle, le point de référence des relations franco-britanniques a été l’affaire de Suez. Les événements des quelques dernières années ont montré que les conclusions opposées tirées de la débâcle dans le désert étaient toutes 2 fausses. Désormais, les 2 pays ont la chance d’effectuer un nouveau départ. Ne le dites pas trop fort mais, avec un peu d’aide de Washington, ils pourraient même la saisir.
Discrètement, les gouvernements de Nicolas Sarkozy et Gordon Brown discutent en secret des termes d’un nouvel accord sur la défense Européenne. Au delà des discutions obscures sur les cellules militaires de plannification, les achats en collaboration, l’interopérabilité et les capacités partagées, repose une vérité stratégique profonde révélée par la guerre en Irak.
La France a tiré de la défaite à Suez la conclusion qu’il faudrait construire l’Europe comme un contre-poids aux Etats-Unis. La Grande-Bretagne a décidé qu’il fallait rester proche des Etats-Unis tout en inflitrant l’alliance émergeant sur le continent. Les 2 approches ont volé en éclât sur la route de Baghdad.
La France a découvert qu’elle ne pourrait pas rassembler l’Europe contre les Anglo-Saxons ; la Grande-Bretagne que son pont trans-atlantique ne pourrait pas résister au poids de la décision d’aller en guerre aux côtés de George W. Bush. La logique stratégique indique que maintenant est le moment pour les 2 pays de revoir leurs positions. Il y a eu des signes encourageants, en particulier dans le rapprochement de M. Sarkozy avec Washington et son désir de rompre avec le Gaullisme en faisant revenir la France dans les structures militaires de l’OTAN.
M. Brown, pourrait-on dire, est un partenaire plus réticent. Il a à peine montré plus d’enthousiasme pour les imbroglios Européens que pour briser la glace avec M. Bush. Il pleurniche (quoiqu’un peu trop) à propos des médias eurosceptique et des coûts politiques de la ratification du Traité Européen de Lisbonne. Cependant, même là, il y a des signes de tentatives de changement.
Ayant reçu l’assurance de M. Sarkozy que rien n’avait besoin d’être dit publiquement tant que le traité ne serait pas arrivé devant le Parlement Britannique, M. Brown a approuvé les travaux préparatoires. Peut-être plus significatif, l’état d’esprit a changé au 10, Downing Street. Le dédain de M. Brown pour l’Europe a été résumé par sa décision d’arriver en retard pour la signature officielle du Traité de Lisbonne, ajoutant son nom au texte dans un isolement qui n’avait rien de remarquable. Ceux qui sont proches de lui disent maintenant qu’il avait été mal conseillé. Ses conseillers, enclins à dire au premier ministre ce qu’il aime entendre, n’avaient pas correctement expliqué le symbolisme important de ce moment. M. Brown a été gravement secoué par la réaction des autres capitales Européennes, et Berlin n’a pas été la dernière.
Pour changer avec les actes précédents de ce premier ministre, on nous promet maintenant une offensive de charme, commençant le mois prochain par une rencontre tardive à Bruxelles avec le président de la commission, José Manuel Barroso. M. Brown, m’a-t-on dit, a compris que la politique intérieure de l’Europe n’est pas évidente par elle-même. Margaret Thatcher a souvent semblé forte dans l’isolement. Un John Major sans aucun ami, prisonnier des eurosceptiques de son propre parti, semblait faible.
Voici pour les prochains jours. A la fin mars, le président Français sera accueilli en grande pompe à Londres pour une visite d’Etat. Cela ne veut pas dire qu’il y a une amitié naturelle entre MM. Brown et Sarkozy. Pourtant, l’état d’esprit des politiciens et des dirigeants économiques lors dernier rassemblement annuel du Colloque Franco-Britannique révélait plus d’optimisme pour les relations entre les 2 pays qu’à n’importe quel moment depuis que Tony Blair et Jacques Chirac ont signé en 1998 l’accord de St Malo.
Cet accord dessinait une capacité de défense Européenne. La logique d’un St Malo II serait d’y ajouter de la substance. La Grande-Bretagne et la France sont les 2 seules nations Européennes qui peuvent projeter des forces militaires sérieuses. Mais tous les 2 voient leurs forces et leurs budgets tendus à l’extrême par les déploiements actuels en Afrique, Europe et au Moyen-Orient. Tous les 2 sont engagés dans des programmes d’armement coûteux.
Il serait justifié, sur le plan militaire comme sur le plan industriel, de partager le fardeau. Avions de ravitaillement en vol, avions de transport de troupes et sonars de sous-marin ont été identifiés comme des domaines mûrs pour la collaboration. Des projets de recherche communs ont été mis en place pour la prochaine génération de drônes et pour le développement de la première génération d’avions complètement sans pilote.
La géopolitique, cependant, imprimera sa marque sur le résultat des délibérations actuelles. Pour Londres, il y a toujours eu un troisième acteur important — les Etats-Unis. Il y a eu l’opposition Américaine, bien sûr, qui a transformé Suez en une humiliation pour la Grande-Bretagne et la France. Ce qui autorise maintenant l’optimisme, c’est que, de la même manière que M. Sarkozy a redéfini la vision stratégique de la France, M. Bush a fait évolué la position Américaine.
Il y a 10 ans, quand M. Blair négociait avec M. Chirac, l’administration Américaine de l’époque était hostile à tout ce qui évoquait une capacité de défense Européenne indépendante. Washington a toujours voulu que l’Europe participe plus à sa sécurité collective mais se cabrait en même temps à l’idée qu’elle puisse être indépendante de l’alliance de l’OTAN. Les responsables Américains, et ils ont souvent eu raison, voyaient jusqu’à présent l’enthousiasme français pour des capacités Européennes comme l’équivalent d’un projet visant à affaiblir l’OTAN.
M. Sarkozy a changé cela. Son changement de position envers les Etats-Unis est plus que tactique. Il reflète une vision du monde à l’Elysée qui définit la place de la France à "l’Ouest" comme penchant plus vers l’Atlantisme que vers l’Européanisme. Un président Français restera toujours proche de Berlin, mais M. Sarkozy ne pense pas que la relation doive être contamment alimentée.
Une revue des forces de défense de la France qui doit être publiée en mars pourrait marquer les premiers pas vers leurs intégrations dans l’OTAN. Tout aussi important pour les Américains et les Britanniques, le président est revenu sur la décision de son prédécesseur de se désengager d’Afghanistan. De nouvelles troupes Françaises sont sur le chemin.
Les Etats-Unis ont reçu d’autres assurances sur les intentions françaises envers l’OTAN par la décision de l’Elysée de revoir à la baisse ses ambitions pour un nouveau centre Européen de plannification opérationnelle, financé de façon extravagante. Dans la nouvelle formule, des plannificateurs Européens vont travailler avec l’OTAN.
Washington, en réponse, est passé de l’antagonisme au protagonisme. Les choses pourraient encore mal se passer. Dans chacune des 3 capitales, il y a de puissants intérêts bureaucratiques opposés à un accord. Les Britanniques ne feront jamais complètement confiance aux Français ; et vice versa. Un accord obligerait M. Brown à présenter des arguments convaincants en faveur de l’Europe ; et M. Sarkozy à faire de même en faveur des Etats-Unis.
Et pourtant, au travers du brouillard qu’est la vision géostratégique actuelle, 2 choses sont très claires : l’Europe doit faire plus pour protéger sa sécurité ; et, quelles que soient les irritations mutuelles, l’Europe et les Etats-Unis sont destinés à demeurer alliés. En d’autres termes, il est temps de laisser Suez derrière.
Par Philip Stephens
Source : Financial Times (Grande-Bretagne)