Le retour du sous-marin nucléaire Brésilien

  • Dernière mise à jour le 12 mars 2007.

Il y a quelques jours le nouveau commandant de la marine, Júlio Soares Moura Neto, a consacré une bonne partie de son discours àla situation de pénurie dans les forces armées du Brésil.

Un futur sous-marin nucléaire Brésilien ?
Près de 2 milliards de $ : tel est le cout du développement de la coque d’un sous-marin nucléaire

A peine quelques petites lignes, discrètement insérées dans le texte, ont été consacrées à un projet qui va prendre des proportions transatlantiques dans un futur proche. Moura Neto y confirmait la relance du projet de construction du premier sous-marins nucléaire du pays, un des thèmes de l’histoire récente du Brésil parmi les plus polémiques, que ce soit dans ou en dehors des cabinets militaires de Brasília. La simple mention du projet par Moura Neto représente, de l’avis des spécialistes, un signal clair de soutien du Palais du Planalto [1] au projet et, d’une certaine manière, une intervention dans la lutte qui oppose les batisseurs de la marine.

Il y avait 2 courants de pensée sur le futur de cette armée. Les uns défendaient la remise en état de la flotte actuelle de 5 sous-marins classiques et l’achat de 4 autres. L’autre groupe n’était pas d’accord : le pays, selon eux, devrait concentrer ses efforts sur la construction d’un sous-marin à propulsion nucléaire.

Une partie du travail a déjà été effectuée. Commencé en 1979, un programme maitrise déjà le cycle du combustible et il est à quelques pas de sa concrétisation en réacteur nucléaire.

Durant les 2 gouvernements de Fernando Henrique Cardoso et le premier mandat de Luiz Inácio Lula da Silva, le groupe des “conventionnels”, comme ils étaient ironiquement appelés, a prévalu. L’arrivée de Moura Neto comme commandant modifie le scénario. L’amiral est un représentant du groupe des nucléaires.

Júlio Soares Moura Neto, nouveau commandant de la Marine
"La majeure partie des revenus sera versée àla marine†: Moura Neto, commandant de la marine

D’une manière ou d’une autre, on parle de marché d’une valeur de plusieurs milliards. Chaque sous-marin classique coute en 1,6 et 1,8 milliard de $ US. Le développement d’une coque pour un modèle nucléaire couterait un peu moins de 2 milliards de $.

Dans son discours, Moura Neto donne une piste sur l’origine des financements. “La majeure partie des revenus provenant des “royalties” du pétrole sera remise à la marine, comme le prévoit la loi qui l’a créée”, a-t-il déclaré.

En outre, il est clair que le Palais du Planalto a donné son feu vert pour des investissements pour la modernisation des forces armées. Cela vaut aussi pour le discours du nouveau commandant de l’armée de l’air, le général Juniti Saito, prononcé le même jour (1er mars), réouvrant les discutions sur l’achat de chasseurs.

Il y a eu un travail de fourmi pour convaincre Lula de realncer ces projets stratégiques.

Waldir Pires, ministre de la défense
Lula a été convaincu de la nécessité du projet par Waldir Pires, ministre de la défense

Parmi ceux qui ont convaincu le Président, il y avait certains de ses hommes de confiance, comme Celso Amorim, Marco Aurélio Garcia et Waldir Pires. Les arguments étaient forts.

Le monde, disaient-ils, connait une course aux armements sans précédent depuis la Guerre Froide. La Chine annonce une augmentation de 18 % de son budget militaire. Durant les 2 dernières années, le Vénézuela a commandé en Russie 4,3 milliards de $ en chasseurs, hélicoptères et fusils. Le Pakistan achète chaque année 3 milliards de $ d’armes. Le Brésil reste à la traine.

Durant les rencontres avec le Président, les ministres ont enlevé un autre obstacle au sous-marin nucléaire : les relations avec les Etats-Unis. Au final, ont-ils argumenté, les relations entre les 2 pays sont très bonnes. Le gouvernement de George W. Bush pourrait voir dans le renforcement militaire du Brésil un contre-point à la puissance d’Hugo Chávez en Amérique Latine.

Dans les discutions, Lula et ses ministres ont choisi une formule pour accomoder les 2 courants internes de la marine. Ainsi, la remise en état et l’augmentation de la flotte de sous-marins classiques serait mise en avant, mais les entreprises responsables du travail devraient en contrepartie garantir en échange un transfert de technologie pour la construction d’un sous-marin nucléaire.

Dès lors, une guerre intensive va commencer entre les possibles fournisseurs du sous-marin nucléaire. Le favori est l’allemand HDW, une filiale de Thyssen, constructeur de 5 sous-marins acquis par le Brésil à partir de 1979.

Mais, à la suite de leur défaite en 1945, les Allemands ont l’interdiction de construire ce type de sous-marin. C’est ainsi que sont arrivés 2 concurrents puissants : les Français de DCN, entreprise publique avec une participation du groupe Thales, et le GRTsAS, sigle du Centre Publique Russe pour la Construction de Navires Nucléaires.

Enfin, tout est en place pour qu’une longue et couteuse bataille de lobbyistes se déroule sur l’Esplanade des Ministères et dans les couloirs du Congrès National.

Notes :

[1Le Palais du Président de la République du Brésil.

Source : Istoé Dinheiro (Brésil)