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A la suite de 2 collisions mortelles entre des bâtiments de l’US Navy et des navires de commerce, des officiers de haut niveau de l’US Navy, actuellement en poste ou non, ont pris la parole pour déplorer un problème dont souffre la Navy d’aujourd’hui : les officiers, en particulier ceux chargés de la navigation sur les bâtiments de surface, ne sont tout simplement pas très bons en navigation.
Ces 2 collisions, qui ont fait au total 17 morts cet été, ont provoqué des inquiétudes quant à savoir si cette génération d’officiers maitrisait bien cette compétence de base de leur métier, le cœur de la fonction d’officier de quart.
Il a fallu des années pour que le problème se manifeste. Désormais, la génération actuelle d’officiers qui occupe ou va occuper les postes de commandement, ne dispose pas des compétences, de l’entrainement, de la formation et de l’expérience nécessaires pour faire naviguer un navire en toute sécurité à la mer, selon des officiers actuels et anciens.
« Il y a un manque culturel systémique parmi les officiers actuellement, en particulier au niveau des chefs de service, » explique le Capt. (en retraite) Rick Hoffman, qui a commandé le croiseur Hue City et la frégate DeWert et qui, après sa retraite, a formé les officiers à la navigation à Mayport.
« Nous ne mettons pas la priorité sur le fait d’être de bons marins, » souligne Hoffman. « Nous mettons la priorité sur le fait d’être de bons inspecteurs et de bons administratifs. »
De nombreux officiers, actuels ou en retraite, disent que le problème remonte à 2003, quand la Navy a effectué de sévères réductions dans la formation initiale des officiers, pensant qu’ils apprendraient leur métier à la mer.
Dans le même temps, la Navy s’appuyait de plus en plus sur la technologie, réduisant ainsi les compétences de base dans la navigation, expliquent d’anciens officiers.
A l’époque des guerres en Irak et en Afghanistan, la demande en officiers détachés pour soutenir ces opérations à terre, a éloigné ces officiers de la mer, de l’entraînement et de l’expérience nécessaires.
Ce problème s’est ensuite mélangé à une culture des officiers dont beaucoup pensent qu’elle est notoirement toxique. La compétition et le carriérisme font que les officiers craignent d’exprimer leurs inquiétudes et provoquent une mentalité de « chacun pour soi ».
« La plupart des chefs de service que j’ai eu, avaient peur d’aller voir leur commandant avec n’importe quoi qui puisse paraitre mauvais pour eux. Ils faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour protéger leur propre réputation et ne voulaient pas que quoi que ce soit puisse les empêcher d’occuper eux-mêmes plus tard le siège du commandant, » déclare l’ancien Lt. Jonathan Parin, qui a navigué à bord du destroyer James E. Williams.
Pendant environ 30 ans, tous les nouveaux officiers destinés aux bâtiments de surface, passaient leurs 6 premiers mois en uniforme à l’école de navigation de Newport, apprenant à manœuvrer des navires et à commander des marins.
Mais cela a changé en 2003. La Navy a décidé de supprimer cette formation de base et a envoyé directement les officiers en mer, pour qu’ils s’y forment à leur métier. La Navy a principalement pris cette décision pour économiser de l’argent. Mais la flotte en a grandement souffert, explique le Cmdr. (en retraite) Kurt Lippold, qui commandait le destroyer Cole quand il a été attaqué en 2000.
Après 2003, chaque nouvel officier recevait un jeu de 21 CD-ROM pour une formation sur ordinateur. En plus de terminer dans un temps imparti ce cours, les officiers devaient aussi acquérir leurs qualifications à bord, gérer leurs divisions et accomplir leurs fonctions annexes.
Au cours des dernières années, la formation a été revue. Les jeunes officiers reçoivent désormais 9 semaines de formation, dans les 2 mois qui suivent leur premier embarquement. Mais seulement 2 jours sont consacrés à la navigation et aux compétences de marin. Le reste concerne la lutte contre les incendies, les voies d’eau.
Huit autres semaines de formation interviennent entre le 1er et le 2è embarquement. Mais la formation professionnelle n’est pas suffisante, selon un officier. Et elle reste inférieure à ce qu’elle était auparavant.
Aujourd’hui, presque 15 ans après cet important changement, la première génération d’officiers qui ont reçu ces CD-ROM sont désormais chefs de groupement et vont bientôt prendre le commandement de bâtiments.
Hoffman explique que certains officiers ont eu la chance de servir sous les ordres de bons commandants, qui ont pris le temps de leur apprendre leur métier. Mais le plus souvent, ils ont été laissés à eux-mêmes. Le résultat est que les bâtiments qui sont aujourd’hui à la mer, ont des officiers de quart qui n’ont pas la compréhension de ce qu’est vraiment être un marin.
Et Hoffman ajoute que la Navy souffre d’une autre maladie : elle s’appuie trop lourdement sur la technologie.
D’après un responsable de la Navy, « si je regarde mon radar, la carte, le téléphone, les autres veilleurs, alors je ne regarde tout simplement pas par la fenêtre... » Hoffman ajoute : « il n’y a pas de substitut au fait d’utiliser ses yeux pour s’assurer de ce qui se passe autour. Un radar peut vous dire qu’un objet est là, mais il ne peut vous dire, avant qu’il ne soit trop tard, qu’il est en train de tourner ».
Et ce n’est probablement pas une coïncidence, selon Hoffman, que les 2 collisions soient intervenues aux premières heures du matin, quand des officiers et des marins déjà fatigués prennent le quart.
« Quand nous allons en mer, nous passons beaucoup de temps à des entraînements à la lutte contre les incendies, à des entraînements au combat... qui finissent par prendre le dessus sur le besoin absolu d’avoir des veilleurs reposés et alertés, » explique Hoffman.
« Si le commandant est concentré sur la prochaine inspection ou la prochaine évaluation, il n’est pas concentré sur sa réelle mission : aller en toute sécurité d’un endroit à un autre et être préparé à délivrer des armements lorsqu’on le lui ordonne. »
Source : Navy Times (Etats-Unis)