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Il y a 2 semaines, derrière des portes closes dans un chantier naval du port allemand de Kiel, une délégation australienne a expliqué les raisons secrètes derrière la décision d’entrer en négociations exclusives avec DCNS pour l’attribution du contrat de 12 sous-marins, un contrat d’un montant de 150 milliards de $. C’est un moment qui a laissé les Allemands KO : pour la première fois, on leur a expliqué qu’ils avaient perdu l’appel d’offres parce que le sous-marin proposé à l’Australie avait un « niveau de bruit rayonné (...) inacceptable ».
Dans le monde des sous-marins, le bruit équivaut à une détection possible et à la mort. Lorsque les Allemands ont pressé de questions les responsables australiens pour avoir des explications plus précises, ils sont restés sur leur faim : « cette information est confidentielle, » leur ont répondu les Australiens.
Dans un échange court et musclé, la vérité est apparue : DCNS avait remporté le plus important contrat dans l’histoire de l’Australie parce qu’elle avait atteint le “son du silence”. En tant que plateforme d’espionnage contre la Chine, et dans l’éventualité d’un conflit, le sous-marin proposé par les Français était considéré comme plus discret que ceux proposés par les Allemands et les Japonais.
Mais il s’agit d’une décision avec 150 milliards de AUS$ en jeu — 50 milliards pour la construction (32 milliards €) et 100 milliards supplémentaires pour l’entretien sur la durée de vie des sous-marins (64 milliards €) — que les Allemands contestent farouchement, au moins en privé. Et cette décision pourrait miner les relations avec Berlin, de la même façon que le rejet de la proposition japonaise a touché les relations entre Canberra et Tokyo.
Le débriefing confidentiel sur la proposition allemande s’est déroulée sous de mauvais auspices, le vendredi 13 mai, aux chantiers historiques de Kiel.
Cinq responsables australiens de la défense, conduits par le directeur général du programme “Futurs sous-marins”, le Commodore Mike Houghton, se tenaient devant 11 hauts représentants du constructeur allemand TKMS, et des ministères allemands de la défense, des affaires économiques et des affaires étrangères. La présence de responsables du gouvernement était à l’image de l’investissement de l’Allemagne dans l’appel d’offres, jusqu’à l’implication de la Chancelière Angela Merkel.
La délégation australienne, qu’un observateur allemand a décrit comme « honteux dans leur langage corporel », a remis un document marqué « confidentiel — sensible », résumant les raisons de la décision.
Au même moment, de l’autre côté du monde, le chef du programme “Futurs sous-marins”, le contre-amiral Greg Sammut, dirigeait les 12 et 13 mai une délégation australienne pour expliquer à plusieurs ministères à Tokyo, y compris le ministère de la défense, pour expliquer au Japon pourquoi leur proposition avait été refusée.
La question de la discrétion a aussi joué un rôle clé dans la défaite japonaise.
Si à Kiel, les responsables australiens espéraient que les Allemands seraient un auditoire passif, ils se sont lourdement trompé.
Conduit par le vice-président de TKMS, Dieter Rottsieper, les Allemands ont remis en cause avec ténacité chaque hypothèse faite par les Australiens. Ceux-ci ont commencé la réunion de 2 heures en assurant que la décision de rejeter leur proposition n’avait pas été influencée par la politique, la presse ou d’autres facteurs. Le choix a été entièrement basé sur le besoin de choisir un sous-marin supérieur à ceux des voisins dans la région et qui pourrait être entretenu pendant toute sa vie en Australie.
Mais, ont-ils expliqué, la vérité était que, bien que les Allemands aient mis en avant un excellent projet pour l’industrie locale pour l’entretien des sous-marins, le sous-marin en lui-même n’était pas assez bon.
La délégation a expliqué que « le point critique » était que leur sous-marin était trop bruyant.
En particulier leur a-t-on dit avec un manque de précision délibéré, leur sous-marin aurait été trop bruyant à une fréquence particulière qui est très importante pour la Royal Australian Navy — une référence apparente à la capacité des sous-marins à recueillir des renseignements près de la côte sans être détectés.
Les Allemands ont réagi en demandant de quelle fréquence il s’agissait et pourquoi le processus d’appel d’offres n’avait pas insisté sur ce point.
Les Australiens ont répondu que cette information était confidentielle et qu’ils n’étaient pas convaincu que TKMS ait compris l’importance de cette question pour l’Australie. Ils ont expliqué que le problème de discrétion impliquait que la proposition allemande n’aurait jamais pu donner un sous-marin supérieur à ceux des voisins de l’Australie.
Les Allemands ont insisté, demandant d’où ce bruit venait, des installations intérieurs, de l’hélice, de la coque ? Une nouvelle fois, les responsables australiens ont refusé de répondre.
Un observateur allemand a indiqué : « la puissance du complexe militaro-industriel allemand aurait facilement pu résoudre une question technique comme celle-ci, si seulement les Australiens avaient été plus clairs sur la question avant que nous ne déposions notre proposition. »
En coulisses, DCNS a travaillé dur l’année dernière pour instiller le doute dans l’esprit des responsables australiens à propos du niveau de bruit du sous-marin proposé par TKMS.
DCNS a modélisé son estimation du bruit émis par le sous-marin proposé par les Allemands en utilisant la signature acoustique de son propre sous-marin Scorpène, plus petit. Elle a alors comparé cette estimation avec la signature du nouveau sous-marin Barracuda sur lequel est basé le sous-marin proposé aux Australiens.
Les Français ont aussi bruyamment vanté leur système de propulsion révolutionnaire : un pump-jet, qui va remplacer l’hélice sur le sous-marin australien, le “Shortfin Barracuda”.
Paris a prétendu que cela donnerait à son sous-marin une vitesse tactique silencieuse plus élevée que celle du U-216 allemand et Evolved Soryu japonais. Des responsables australiens auraient été fortement impressionné par le fait que, lorsque le Barracuda accélère, le sous-marin français est beaucoup plus silencieux que les modèles proposés par les Allemands ou les Japonais.
Si la délégation allemande s’est vu dire que le bruit était le facteur clé dans la prise de décision finale, elle a aussi été informée d’autres problèmes perçus dans la proposition qu’ils avaient faite.
Les Australiens leur ont expliqué que le modèle pré-concept proposé à la défense à la fin du mois de novembre « n’était pas équilibré » et que l’optimisation du concept « n’était pas terminée ».
Ils ont expliqué qu’ils avaient des réserves sur la sécurité des batteries proposées, lithium ion, qui devaient être installées à la fois sur les propositions allemande et japonaise. Les 2 pays maintiennent que les batteries lithium ion, qui sont 4 fois plus efficaces que les batteries traditionnelles acide plomb, sont sures, malgré de petits incendies survenus avec ces batteries sur des équipements de loisir, des voitures et des avions.
En mars dernier, la France a publiquement averti sur les dangers que les batteries lithium ion pourraient entraîner à bord d’un sous-marin. La délégation australienne a clairement expliqué à Kiel qu’elle partageait ces inquiétudes.
Les Australiens ont aussi exprimé leur scepticisme sur la capacité de TKMS à augmenter la taille, à la fois des moteurs Siemens et de la coque de leurs sous-marins actuels, pour construire un sous-marin de plus de 4.000 t — presque le double des sous-marins actuellement construits.
De plus, les Australiens ont expliqué que les projections de cout des Allemands étaient trop optimistes, y compris lorsqu’ils prétendent qu’il y aurait seulement un surcout négligeable en construisant tous les sous-marins en Australie.
La proposition allemande prévoyait que le prix de la construction de 8 sous-marins (sans le système de combat) serait un peu inférieur à 12 milliards de $, et de 12 sous-marins (y compris le système de combat) couterait 20 milliards.
La délégation australienne a indiqué aux Allemands que cette estimation des couts ne reflétait pas les défis techniques et qu’elle était « bien en-dessous des attentes ».
TKMS avait expliqué que construire les 12 sous-marins en Australie ne couterait pas plus que de les construire en Allemagne. Une estimation interne du gouvernement australien prévoit pourtant un surcout d’environ 15%.
Les responsables australiens ont expliqué aux Allemands qu’il n’y avait pas dans leur proposition une analyse suffisamment étayée pour justifier que le surcout soit aussi limité qu’ils le prétendaient.
Après une rencontre délicate, souvent tendue, de près de 2 heures, la délégation australienne et les représentants du chantier naval allemands sont allés déjeuner. Celui-ci n’a pas été moins tendu, selon les participants. Les Allemands qui y ont participé, étaient loin d’être satisfaits des explications données.
« Cela aura des conséquences graves sur nos relations bilatérales, » a indiqué l’un d’entre eux. « Nous ne pensons pas que notre proposition a été évaluée de façon équitable. Nous sommes très déçus. »
Source : The Australian