Projet de porte-avions franco-britannique

  • Dernière mise à jour le 4 février 2005.

Il y a longtemps que plus aucun industriel, plus aucun marin français, ne croit au projet de porte-avions franco-britannique. Les dernières rumeurs relayées en début de semaine par le Financial Times, assurant que Londres envisagerait de confier au groupe américain KBR la maîtrise d’oeuvre de la construction des deux futurs porte-avions de la Royal Navy, initialement accordée au britannique BAe Systems, doivent aujourd’hui conforter ce scepticisme. Si ces informations devaient se confirmer, ce serait sans doute la mort de toute coopération française avec le Royaume-Uni.

Bien entendu, il est trop tôt pour considérer l’implication d’un industriel américain dans ce programme comme acquise. D’abord parce que KBR, filiale de Halliburton, n’est pas un constructeur de porte-avions. Northrop-Grumman, via sa filiale Newport News Shipbuilding, est le seul spécialiste en activité aux Etats-Unis. Ensuite, parce que KBR (ou Kellogg Brown and Root) est actuellement au coeur d’un scandale outre-Atlantique : la société, en charge du ravitaillement des troupes américaines en Irak, aurait surfacturé ses services au Pentagone. Enfin, parce que Londres a démenti en bloc : les informations sur l’arrivée de KBR au sein du consortium « sont de pures spéculations », a déclaré un porte-parole du ministère de la Défense britannique.

Il n’empêche. Il ne serait guère surprenant que BAe Systems perde la maîtrise d’oeuvre du projet. Depuis deux ans, le groupe est dans le collimateur du ministère de la Défense britannique. Celui-ci lui reproche les retards et les surcoûts accumulés dans le cadre de deux autres programmes, la modernisation des avions de patrouille maritime Nimrod et la construction des sous-marins Astute. Et Londres a déjà contraint BAe à coopérer sur le projet de porte-avions avec le français Thales.

Ce dernier, qui n’a jamais caché que la collaboration avec BAe Systems était ardue, pourrait tirer parti des difficultés de celui-ci pour accroître encore son rôle outre-Manche. « Les relations du ministère de la Défense anglais avec Thales sont bonnes, celles avec BAe Systems mauvaises », soulignait déjà un responsable de la Délégation générale pour l’armement (DGA) à l’automne dernier. Et Thales, impliqué aussi bien dans la construction des deux futurs porte-avions britanniques que dans celle du deuxième porte-avions français, n’est pas le seul auquel profiteraient les malheurs de BAe.

La Direction des constructions navales (DCN) pourrait aussi tirer parti de la situation. Conjointement à Thales, elle a récemment annoncé qu’elle était prête à lancer la phase de conception du futur porte-avions français, les études préparatoires étant achevées. Si BAe ne parvient pas à répondre rapidement aux exigences de Londres, DCN et Thales pourraient faire valoir le projet qu’ils tiennent en réserve d’un navire susceptible, à un coût maîtrisé, de satisfaire aux demandes des marines française et britannique.

Et les partisans d’une propulsion nucléaire du futur porte-avions français, marins et industriels, ne désarment pas non plus. La collaboration avec Londres étant sans cesse revue à la baisse, la nécessité d’adopter la motorisation classique que souhaitent les Britanniques disparaît, soulignent-ils. Ils attendent simplement le départ, prévu l’été prochain, du chef d’état-major de la marine, l’amiral Battet, réputé hostile à leur cause, pour faire valoir auprès de son successeur les atouts de l’atome. « La propulsion nucléaire nous donne une souplesse de manoeuvre, une autonomie, nous permettant de rester très longtemps en mer sans ravitailler, ce qui est un gage de sécurité pour le navire. Autant d’atouts dont nous ne disposions pas avec les prédécesseurs du Charles-de-Gaulle », souligne un officier supérieur.

Source : Le Figaro