La vie àbord d’un sous-marin : des locaux exigus et étouffants

  • Dernière mise à jour le 6 juillet 2006.

Comment est-ce, de partager les locaux exigus et étouffants àbord d’un sous-marin avec 70 autres marins ?

"C’est un peu inconfortable au départ parce qu’il y a moins de place que sur un navire de surface," raconte l’officier marinier Bruce Juhay.

"Imaginez que vous vivez dans une pièce sans voir le soleil, remplie de matériels et de personnes pendant des semaines sans même voir le monde extérieur. Ou d’être dans une longue queue, attendant tôt le matin votre tour pour utiliser l’un des 2 seuls toilettes disponibles à bord.

"Nous devions attendre notre tour même pour manger à cause du manque de place dans la cafétaria. J’apprécie définitivement beaucoup plus les installations basiques disponibles à terre après chaque sortie en mer," indique en riant Bruce.

Il est très ironique à bord d’un sous-marin d’être entouré d’autant d’eau mais de ne pouvoir en utiliser si peu.

"L’esu est si précieuse à bord d’un sous-marin," indique le Lt Chan Ling Ket, 28 ans.

"On part en mer avec une quantité d’eau limitée et l’unité de distillation du bord ne peut en fournir suffisament. Gardez à l’esprit le nombre de marins à bord et la quantité nécessaire pour des usages de base comme la cuisson ou la boisson.

"Il est courant à bord d’un sous-marin de ne pas prendre de douches pendant des semaines," dit-il.

 Lingettes

Toutefois, Mohd Amin raconte que, comme beaucoup de Malaisiens, beaucoup n’ont pas l’habitude de rester plusieurs jours sans prendre de douche, ils ont donc pris l’habitude d’utiliser des lingettes pour se nettoyer tous les jours.

Mais il y a des occasions où les lingettes ne peuvent pas les remplacer.

"Au départ, les membres d’équipage musulmans ont du expliquer aux Français qu’ils avaient besoin d’eau pour se nettoyer et pour leurs ablutions. Bien que la quantité d’eau soit limitée, les Français ont été très compréhensifs et accomodants.

"Chacun de nos marins utilise moins d’un verre d’eau pour ses ablutions," a indiqué Mohd Amin.

Il a précisé que leurs fonctions à bord du sous-marin n’ont pas empêché les sous-mariniers musulmans d’effectuer leurs prières quotidiennes, bien qu’ils doivent les faire assis à cause du manque de place.

Mohd Amin décrit la nourriture servie à bord comme ’identique à celle d’un hôtel’.

"Nous avons des entrées, un plat principal et le dessert, et la nourriture à bord est halal," a-t-il indiqué.

Pour accomplir les longues et difficiles heures de travail dans l’environnement exigu d’un sous-marin, Mohd Amin raconte qu’il est important d’avoir un bon sens de l’humour.

"Vous allez remarquer que la plupart des sous-mariniers ont un sens de l’humour déformé. Vous en avez besoin quand vous êtes coincé avec l’équipage pendant plus de 40 jours et que le seul espace personnel que vous avez est les quelques decimètres cube de votre couchette lorsque vous dormez.

"Vous ne pouvez pas laisser des problèmes personnels vous toucher. La tâche la plus importante est d’effectuer votre quart en assurant la sécurité de ceux qui sont à bord," précise-t-il.

 Claustrophobie

Mohd Amin raconte qu’aucun des sous-mariniers n’a souffert de claustrophobie puisqu’ils ont été examinés et ceux qui en souffraient avaient été éliminés lors de la sélection avant la formation.

Mais en ce qui concerne la nausée et les vomissements, qui sont communs parmi les marins embarqués sur un navire de surface ?

"En fait, beaucoup de marins préfèrent les sous-marins aux navires de surface, parce qu’en profondeur, l’eau est plus calme et donc le sous-marin est plus stable, par conséquent, il y a moins de raison d’avoir la nausée."

 Des difficultés loin de chez soi

"La météo était très mauvaise lorsque le premier groupe est arrivé en mars de l’année dernière," se souvient Mohd Amin.

La température était beaucoup plus froide à Brest que dans d’autres parties de la France, à cause de sa proximité de l’Océan Atlantique et d’un vent de Sibérie.

"Nous avons commencé la formation en mer durant l’hiver l’an dernier. S’il faisait moins de zéro dehors, imaginez combien il faisait plus froid sous l’eau".

Outre l’adaptation à la météo, beaucoup de sous-mariniers Malaisiens indiquent que s’adapter à la culture française était très facile, bien qu’ils ne puissent pas aider à remplacer les bons vieux repas malaisiens.

"Beaucoup d’entre nous doivent apprendre à s’adapter aux menus sans riz et aux préparations crues. Des tranches de viande juteuses et des salades peuvent attirer les estomacs européens mais les Malaisiens sont habitués à tout manger bien cuit, depuis la viande jusqu’aux légumes."

Mais ils se sont arrangés pour avoir des plats malaisiens comme le nasi beriyani, nasi lemak et le nasi ayam lors de rassemblements ou d’anniversaires.

Mohd Amin précise que trouver de la nourriture halal à Brest n’était pas difficile puisqu’il y avait plusieurs bouchers musulmans dans le quartier et que des supermarchés comme Carrefour ont des rayons halal pour les musulmans.

Les herbes asiatiques et en épices sont approvisionnées par les nombreux magasins chinois de la zone.

 Mosquées, Surau

Bien qu’il y ait 3 mosquées à Brest, le centre de formation sous-marine a son propre surau, très spacieux.

Mohd Amin indique que la plus grande difficultée que les sous-mariniers aient du surmonter a été de ne pas avoir leurs êtres chers à leur coté.

"Une majorité d’entre nous sont mariés et ont des enfants. Quand nous avons quitté nos familles, nos femmes étaient enceintes ou nos enfants devaient entrer pour la première fois à l’école.

"Nous avons manqué des anniversaires et les plus grandes étapes de la vie de nos enfants. Nous ne pouvons pas être à leur coté en cas de problème et cela peut nous affecter beaucoup."

Cependant, la Marine a été très accomodante en permettant aux sous-mariniers Malaisiens de rentrer chez eux 3 semaines tous les 4 mois.

"Mais beaucoup d’entre nous n’utilisent pas cette faculté car notre priorité est l’entraînement.

"Chapeau à nos épouses, pour leur persévérance, leur sacrifice et leur soutien sans faille. Je sais que ce n’est pas facile d’être un parent seul et de gérer la maison quand votre mari est au loin."

Est-ce que les sous-mariniers s’attendaient à faire tant de sacrifices avant de se porter candidats ?

"Nous savions parfaitement à quoi nous nous engagions, et nos épouses aussi."

"Mais c’est un privilège et le rêve ultime de ceux qui s’engagent dans la Marine. La Malaisie va finalement avoir ses propres sous-marins après 20 ans de plannification, et c’est au travers de cette expérience que nous allons vraiment apprécier les défis de la Marine."

Par Sakina Mohamed

Source : Bernama (Malaisie)