Un audit dévastateur pour l’entretien des bâtiments amphibies australiens

  • Dernière mise à jour le 22 juillet 2011.

Le ministère australien de la défense a publié l’audit Rizzo sur les causes des avaries qu’a connu en début d’année la flotte amphibie de la Royal Australian Navy. Selon le ministre de la défense, Stephen Smith, il s’agit d’un "rapport dévastateur". Le ministère devrait être salué pour l’avoir rendu public aussi rapidement.

Les problèmes sont légions :

...une organisation complexe et des responsabilités diluées, une gestion inadéquate du risque, une fonction technique au sein de la Royal Australian Navy aux abonnés absents, le manque de ressources... et une culture qui place la mission opérationnelle à court terme au-dessus du besoin d’intégrité technique.

Les problèmes culturels, structurels et organisationnels que le rapport décrit, sont tellement enracinés qu’il serait surprenant qu’ils n’existent pas ailleurs au sein du ministère. Si la Royal Australian Navy était une compagnie aérienne et qu’elle recevait ce type de rapport sur ses services techniques et de maintenance, elle serait interdite de vol et mis en liquidation.

La recommandation la plus importante du rapport est de « reconstruire la fonction technique de la Royal Australian Navy ». Pas seulement de la réorganiser ou de corriger ses défauts, mais de reconstruire entièrement cette capacité depuis la base. La Royal Australian Navy est une armée à haute technicité, et la fonction technique est la colonne vertébrale de l’expertise technique de la Navy. La recommandation de l’équipe Rizzo est comme dire à l’armée de terre de reconstruire ses capacités d’infanterie, ou à l’armée de l’air de reconstruire la formation de ses pilotes.

Aucun cout n’est avancé, mais il y a fort à parier que cela ne sera pas donné. Le rapport remarque que les « besoins en ressources et l’impact n’ont pas été évalués » et suggère que « l’augmentation en ressource nécessaire pour appliquer ce plan » entrera en conflit avec le processus actuel de réduction des couts du programme de réforme stratégique.

Le rapport se demande même si les marins expérimentés nécessaires pour remplir ces missions techniques au sein de la Navy et du DMO existent en Australie. Comme l’indique une présentation de la Navy, le personnel technique dans un des services de la Navy a été réduit de 800 à 60 au cours des 20 dernières années, le personnel technique de remplacement n’est pas formé par le DMO ou l’industrie de défense et la Navy « n’a pas été capable de conserver les connaissances techniques en son sein ». Le rapport Rizzo remarque que, dans la Royal Australian Air Force, le personnel technique équivalent est 7 fois plus nombreux.

Ce problème est connu depuis longtemps — l’audit cite des études remontant à l’enquête sur l’incendie mortel à bord du HMAS Westralia en 1998 — et conclut que « les problèmes existent depuis longtemps, sont bien connus par le ministère et le DMO ». Identifier le problème est une chose, appliquer une recommandation comme « rétablir l’importance culturelle de l’intégrité technique » en est une autre.

Dans tout ce rapport, il y a peu de bonnes nouvelles, mais une mérite d’être soulignée. Les Navy’s Seaworthiness Boards — retenus comme une bonne pratique au sein de l’Air Force — sont le fruit des réflexions du Commodore Vince Di Pietro. Ils sont un exemple du type de réflexions intelligentes et d’officiers intelligents qui existent dans la Navy, mais ils sont bloqués par des structures de commandement problématiques, l’inertie bureaucratique et le manque de volonté de signaler les mauvaises nouvelles.

Tout simplement, personne dans la Royal Australian Navy n’a le pouvoir, l’autorité et les connaissances nécessaires pour corriger ces problèmes, bien que cela n’excuse pas l’incompétence de certains officiers et personnels civils qui ignorent complaisamment la politique technique et vivent dans une culture où les bâtiments sont automatiquement "bon pour le service" au lieu d’être inspectés à la recherche d’éventuelles défaillances mécaniques.

Il y a 3 points critiques révélés par cet audit qui nécessitent une analyse complémentaire urgente.

1. Une remontée d’informations inexactes qui ont conduit à la mauvaise information de l’état-major et du ministère pour qui les bâtiments amphibies étaient prêts à naviguer en février dernier, alors qu’en réalité ils ne l’étaient pas. L’audit Rizzo conclut que le rapport régulier Navy Scorecard Reports remis en interne au chef de la Navy « était optimiste et n’identifiait pas correctement les points clé et les risques ».

Quiconque a vu le type d’indicateurs simplistes (rouge/orange/vert) qui passent pour une mesure de la performance au sein de la Navy, ne sera pas surpris par cette découverte. Mais pensez aux conséquences. Si le ministre ou le chef de la Navy demandent à leurs subordonnés une évaluation honnête des problèmes existants, ils ne recevront pas une réponse exacte. Donc personne ne sait en réalité à quel point les choses vont mal en réalité et le personnel de la Navy — quelle qu’en soit la raison — ne veut pas annoncer de mauvaises nouvelles.

Il est très improbable que ce problème de rapports internes malhonnêtes soit limité à la Navy. Cela signifie que, quand les dirigeants du ministère demandent s’il y a des problèmes, ils ne peuvent pas forcément faire confiance à la réponse qu’ils reçoivent.

2. Il est possible que les problèmes révélés par l’audit Rizzo deviennent encore pires si la Navy accepte en service les gros bâtiments amphibies, les destroyers de défense aérienne et d’autres futurs bâtiments. Pour faire simple, nous ajoutons des bâtiments encore plus complexes à une marine qui ne peut déjà tout simplement pas gérer la complexité des bâtiments dont elle dispose aujourd’hui. Une présentation de l’armée de terre considère déjà que la mise en service des nouveaux bâtiments amphibies sera très complexe.

L’équipe Rizzo conclut que la défense et le DMO n’ont pas complètement évalué les changements nécessaires pour entretenir ces nouveaux bâtiments. Elle évalue à 400 les personnes supplémentaires nécessaires pour cet entretien. L’audit conclut aussi que « l’équipe n’est pas certaine que la Navy et le DMO aient la capacité de gérer la période de transition » entre la flotte actuelle et les nouveaux destroyers de défense aérienne et bâtiments amphibies qui entreront en service à partir de 2014. La modernisation des forces navales australiennes est en péril, semble-t-il.

3. L’incapacité constante de la Navy à identifier et corriger ses propres problèmes. La responsabilité des chefs successifs de la Navy est peut-être en cause. Peut-être étaient-ils trop occupés par les déploiements successifs de la dernière décennie. Ces problèmes ont été révélés en raison d’une crise et ne seront résolus que grâce à la pression externe exercée par le public, les journaux et les parlementaires.

Peut-être la leçon qu’il faut tirer est qu’il est temps de mettre de coté la gloire de l’ANZAC, pour aller enquêter au-delà du courage de nos soldats, marins et aviateurs, afin de, pour la première fois, répondre objectivement à LA question importante : à quel point notre armée est-elle véritablement bonne ?

Source : Lowy Institute for International Policy (Australie)