Une décision du commandant a mis le HMCS Chicoutimi en danger

  • Dernière mise à jour le 7 janvier 2014.

Malgré un risque connu d’envahissement par des vagues de grande hauteur, le commandant du HMCS Chicoutimi, le Commander Luc Pelletier, a permis àdes membres d’équipage réparant une valve défectueuse de laisser ouverts en même temps les deux panneaux du sas de la passerelle, laissant le sous-marin vulnérable àune cascade d’eau lorsqu’une vague a recouvert le sous-marin, a appris The Globe and Mail.

L’autorisation donnée par facilité, plutôt que par nécessité, de hisser des outils et des pièces de rechange grâce à une corde au travers des panneaux ouverts, n’a pu être donnée que par le commandant, selon des sous-mariniers canadiens connaissant le type de réparation effectuée.

Généralement, au moins un panneau reste fermé pour des raisons de sécurité.

Le Cdr. Pelletier semble avoir été conscient des risques. Avant de donner son autorisation, il a ordonné à un officier en passerelle de surveiller attentivement pendant au moins 15 minutes pour voir s’il y avait des vagues assez hautes pour recouvrir le kiosque.

L’officier répondit qu’il n’avait vu aucune vague assez haute pendant cette période. Le Cdr. Pelletier autorisa alors à laisser les 2 panneaux ouverts, ont déclaré des officiels proches de l’enquête.

Etant donné les conditions météo défavorables en ce jour d’octobre, avec des vents proches de la tempête et des vagues hautes de 8 à 10 mètres, quelques anciens sous-mariniers et des officiels Britanniques remettent en question sa décision de laisser les 2 panneaux ouverts.

Dans une série d’entretiens avec des sous-mariniers, anciens ou encore en activité, et avec des officiels de haut rang du ministère de la défense proches de l’enquête encore en cours, il apparaît une série de décisions et d’événements qui soulèvent la question de savoir si le commandant aurait du prendre le risque de naviguer "panneaux ouverts" pour réparer une valve de peu d’importance, qui ne mettait pas en danger les opérations ou la sécurité du sous-marin.

Le 5 octobre, environ 4 heures avant une plongée programmée et après une journée de voyage entre l’Ecosse et Halifax, une vague a recouvert le kiosque du Chicoutimi, déversant des torrents d’eau de mer dans le poste central rempli d’électronique. L’équipage se souvient d’eau de mer glacée sur environ 8 à 10 centimètres de haut, allant d’un coté à l’autre au rythme du roulis. Pendant plus d’une heure, des marins ont épongé le local.

Mais de l’eau était aussi entrée sous la chambre du commandant, juste sous le poste central, là où passent des câbles à haute tension, gros comme l’avant-bras. Alors que le nettoyage se poursuivait, l’équipage a détecté un défaut d’isolement, par définition un problème courant, mais avant que l’équipage ait pu le localiser, l’isolant n’a plus rempli son rôle et les câbles d’alimentation principaux ont été endommagés.

Même ceux qui remettent en question la décision du Cdr. Pelletier de laisser ouverts les 2 panneaux du kiosque n’auraient pû en prévoir les conséquences fatales.

"Je n’ai jamais envisager que les câbles d’alimentation principaux puissent exploser à cause d’une entrée d’eau," dit Peter Kavanaugh, un commandant canadien de sous-marins à la retraite.

Le Cdr. Pelletier a permis que le Chicoutimi navigue avec les 2 panneaux ouverts pour faciliter la réparation d’une valve située au sommet du kiosque. La valve est utilisée pour ouvrir un trou d’épingle dans le sas, permettant à la pression de s’équilibrer et le sas d’être ouvert.

"Si nous ne l’avions pas réparée, nous aurions eu une petite fuite lorsque nous aurions plongé," a dit l’officier en second du Chicoutimi, le Lieutenant Pete Bryan, après que le sous-marin fut retourné en Ecosse.

Mais les 2 panneaux n’avaient pas besoin d’être ouverts pour réparer la valve. Cela aurait été plus long, les outils et les pièces de rechange auraient dû être hissés successivement au travers de chaque panneau. Garder au moins un panneau fermé permet d’éviter l’inondation du poste central.

Beaucoup de choses sont en jeu. Les quatre sous-marins du Canada ont été retirés du service le temps de trouver l’origine de l’incendie du Chicoutimi. Si la malchance et une réparation facile de l’isolation des cables sont les seuls problèmes identifiés, alors les sous-marins pourraient reprendre rapidement la mer — même si cela prendra un an et des millions de $ pour réparer le Chicoutimi.

Mais si des problèmes plus importants sont découverts, soit dans la conception ou la remise en état des sous-marins de classe Victoria, ou si la capacité de la marine canadienne d’entraîner les équipages et d’entretenir ces navires sophistiqués est mise en cause, alors les forces sous-marins dans leur ensemble sont en danger.

La marine soutient le Cdr. Pelletier, qui est décrit comme "l’officier sous-marinier le plus expérimenté de la marine canadienne."

"La marine a une confiance complète et entière dans le Cdr. Pelletier en temps que commandant du Chicoutimi," a répondu le porte-paroles de la marine, le Major Tony White, cette semaine.

D’autres ne sont pas aussi affirmatifs. Un officiel de haut niveau de la défense proche de l’enquête suggère que le Cdr. Pelletier a commis une faute sérieuse en autorisant que les 2 panneaux restent ouverts par un tel mauvais temps. "Les Britanniques sont convaincus qu’il y a eu une erreur humaine," ajoute cet officiel.

Une confiance complète ne signifie pas grand chose en ce moment puisque le Chicoutimi n’est pas opérationnel. La Marine a l’intention de renvoyer le Cdr. Pelletier en Ecosse pour superviser le retour à Halifax de son sous-marin gravement endommagé. Le Chicoutimi sera ignominieusement hissé sur un navire de commerce Norvégien pour terminer son voyage inaugural.

Expérimenté est aussi un terme relatif dans l’escadrille des sous-marins du Canada. "Il a le plus de temps de service," a nuancé un ancien sous-marinier Canadien, soulignant que ce n’est pas la même chose que l’expérience.

Le premier des sous-marins britanniques nouvellement remis en état n’est pas arrivé avant 2002. Des retards et des remises à niveau les ont gardés depuis la plupart du temps au port. Donc même des sous-mariniers “expérimentés” comme le Cdr. Pelletier n’ont pu que difficilement s’habituer au comportement en surface des sous-marins de la classe Victoria, qui est très différent de celui des anciens Obérons.

Le Cdr. Pelletier a eu au moins une expérience de navigation en surface par mauvais temps sur un Victoria pendant les essais à la mer d’un des sous-marins précédents, selon des officiels de la Marine.

Les nouveaux sous-marins, avec leur coque en forme de baleine, sont conçus pour glisser silencieusement dans l’eau. Ils sont conçus pour passer la majorité du temps en plongée, contrairement aux O-boats [1].

Le jour de l’accident, les vagues étaient si hautes que des officiels de haut rang de la Marine Canadienne doutent qu’un sauvetage par hélicoptère du Lieutenant Chris Saunders, qui est décédé plus tard d’inhalation de fumée, ait pu réussir. Sans même parler de le tenter.

Par PAUL KORING

Notes :

[1Obérons

Source : The Globe and Mail