BPC Mistral : cheval de Troie pour l’industrie militaire russe

  • Dernière mise à jour le 4 janvier 2011.

La Russie a finalement décidé d’acheter 2 porte-hélicoptères Mistral à la France pour un montant total de 1,37 milliard €. Ce n’est pas la première fois fois que la Russie conclut des contrats d’armement avec France. Cependant, l’accord sur les Mistral est le plus important des achats de matériels militaires à l’étranger dans l’histoire récente.

Le Mistral est un bâtiment assez gros. Il déplace 21.000 tonnes, mesure 210 m de long. Il peut atteindre plus de 18 nœuds (35 km/h) avec une autonomie de 37.000 km. Un Mistral peut embarquer 16 hélicoptères. Son équipage s’élève à 390 marins. De plus, le bâtiment peut transporter jusqu’à 900 commandos, 40 véhicules blindés ou 70 voitures [1].

Les hauts responsables russes n’ont pas donné d’explication claire pour l’achat de tels bâtiments. Il a seulement été dit que la Russie avait besoin de ces bâtiments avec leurs technologies innovantes, parce que le pays ne pouvait pas construire lui-même de tels navires. Est-ce que la Russie a vraiment besoin des Mistral français ? Pravda.Ru a demandé son opinion à un expert, le premier vice-président de l’Academy of Geopolitical Problems, Konstantin Sivkov.

“En réalité, des bâtiments étrangers ne peuvent accomplir aucune tâche au sein de la structure de la marine russe. Tout bâtiment doit être construit dans le système des forces armées et de la marine, et avoir une mission spécifique. On peut dire qu’il n’y a aucun besoin du Mistral de ce point de vue. Le Mistral est d’abord et avant tout conçu pour des missions expéditionnaires à longue distance et des opérations de débarquement. Ce qui soulève la question de savoir où ? La réponse est claire pour les Français. Ils ont des intérêts dans l’Afrique tropicale, et ils ont construit de tels bâtiments pour défendre leur politique coloniale dans les pays du tiers monde. Quel type de colonies, la Russie va-t-elle conquérir ?

“Est-ce que nous allons débarquer en Amérique Latine ? Le seul endroit où les Mistral pourraient être utilisés, c’est en Georgie, bien que cela soit beaucoup d’attention portée à la petite Georgie ? Même dans l’éventualité d’un conflit armée avec la Georgie, un tel bâtiment, gros et pauvrement armé comme le Mistral, n’est pas assez bon, compte-tenu de la taille de la mer Noire. La Russie dispose déjà de 6 bâtiments pour commandos, des classes 775 et 1171, et ils accomplissent parfaitement leur tâche.

“On nous a dit que le plus gros avantage du bâtiment français est de pouvoir embarquer 16 hélicoptères. Néanmoins, les croiseurs anti-sous-marins russes Moskva et Leningrad peuvent embarquer chacun 25 hélicoptères. De plus, la Russie n’a pas les infrastructures nécessaires pour le Mistral, et il faudra tout construire de zéro, ce qui exige des investissements considérables.

“Il y a un autre aspect. Avec cet achat, la Russie donne un signal à ses anciens partenaires militaires, signifiant que la Russie a reconnu la domination de son ancien concurrent sur les marchés de défense — la France. D’autres pays vont aussi montrer de l’intérêt pour les matériels militaires français. Par conséquent, le Mistral est comme un cheval de Troie pour la Russie.

“En ce qui concerne les technologies innovantes, qui sont supposées être utilisées dans la construction du bâtiment, il y en a une que je voudrais mentionner. Le tuyau d’alimentation en carburant aviation passe près de la cuisine ! C’est en effet une sacrée innovation. Pour faire court, les concepteurs du Mistral ont créé un bâtiment assez inflammable.

“De plus, en achetant le Mistral, la Russie en vient à dépendre des technologies occidentales. Regardez le Vénézuela qui achetait des chasseurs F-16 aux États-Unis. Lorsque les relations entre les 2 pays se sont tendues, Washington a refusé de fournir les pièces détachées à Caracas, et les avions sont rapidement devenus inutilisables. L’Irak de 1991 est aussi un bon exemple. Bagdad a été défaite aussi rapidement parce que l’Irak essayait de se défendre avec des matériels militaires français et américains. Tous ces systèmes ont été désarmés par satellite avant le début de l’opération.

“On pourrait aussi dire que les experts occidentaux sont aussi réservés dans leur évaluation du Mistral français. La France n’a jamais vendu de Mistral à d’autres pays, donc la Russie va être la première sur la liste. L’Australie a envisagé d’en acheter, mais cela ne s’est jamais concrétisé à cause des mauvaises qualités de combat du bâtiment. Le matériel de défense aérienne du bâtiment est très faible. Il s’agit en réalité de 2 canons anti-aériens, ce qui n’est évidemment pas suffisant pour un bâtiment aussi massif et vulnérable. Une ou 2 bombes peuvent facilement le détruire. Installer des systèmes russes de défense anti-aérienne sera très difficile à cause de la construction du bâtiment. Le Mistral a été conçu pour des navigations en eaux chaudes et tropicales. En Russie, la situation est différente — même les vagues sont différentes.

“Si quelqu’un dit que la Russie ne peut pas construire de bâtiments de combat modernes — cette personne a tort. C’est pareil avec les drones, que la Russie ne pourrait parait-il pas construire et préfère acheter en Israël. Pour les drones, la Russie peut construire des drones d’aussi haute qualité. Pour les bâtiments de combat, la Russie peut construire même des bâtiments de 1er rang, y compris des croiseurs lourds et des porte-avions. Cependant, la Russie construit de tels bâtiments pour la Chine et l’Inde.

“Un Mistral coutera à la Russie de 520 à 700 millions €. La construction d’un porte-hélicoptères russe ne couterait pas plus de 150 millions €. Cependant, la Russie choisit de soutenir l’industrie de construction navale d’un autre pays. Est-ce qu’il pourrait y avoir de la corruption ?”

Notes :

[1Il convient de souligner que ces caractéristiques ne sont pas celles des Mistral français.

L'analyse de la rédaction :

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Source : Pravda (Russie)