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Le bâtiment de transport léger Jacques Cartier dans la forme de radoub de Brisbane, en Australie.
La marine nationale bénéficie, depuis juin 2000, d’un Service de soutien de la flotte qui vient de prendre son plein effet en Nouvelle-Calédonie avec la révision générale du « Jacques Cartier » et du patrouilleur « La Moqueuse », en Calédonie et en Australie. - Les opérations d’entretien conduites à Nouméa et en Australie ont valeur de test. Elles se déroulent sous le contrôle technique d’un chef de projet de la Direction des constructions navales de Brest.
Le service de soutien de la flotte (SSF) a plusieurs objectifs. Il doit rechercher la disponibilité des bâtiments au moindre coût, cumuler les retours d’expériences, répondre à des besoins de flexibilité tout en étant réactif et adapter la logistique aux besoins. « On est arrivés à créer ce service de la marine pour s’occuper de l’entretien des bateaux car les marins ne font pas que naviguer. Ils passent aussi des contrats », explique le capitaine de frégate Luc Belleau, chef de l’antenne du SSF en Nouvelle-Calédonie. « Avant, l’industriel était la Direction des constructions navales (DCN), à compétence nationale, un des grands services du ministère de la Défense. En raison des diversités en œuvre au sein de ce service, ils ont décidé de séparer l’entité décidant des travaux de celle les réalisant. Suite à un audit de Sema Group en 1998 sur la « maîtrise d’ouvrage éclaté » un comité de pilotage du SSF a été lancé, précédant la création officielle de cet organisme le 29 juin 2000 ».
Rentabiliser
Organiquement, le SSF relève de l’autorité du chef d’état-major de la marine (CEMM) et s’appuie sur la DGA (Direction générale de l’armement) et la MN (marine nationale). L’antenne du service de soutien de la flotte en Nouvelle-Calédonie dépend de la direction du SSF de Brest. « Le but étant de rechercher la disponibilité maximum des navires au moindre coût, il faut étudier un équilibre entre un super entretien prenant du temps et immobilisant le navire et éclater l’entretien afin d’obtenir une rentabilité maximale », explique le commandant Belleau. En quoi consiste le retour d’expérience « Nous nous sommes aperçus que l’on n’exploitait pas la somme d’expérience des techniciens de l’extérieur ou, même, des marins. On remplit donc des fiches techniques à chaque incident. Elles sont exploitées. Une synthèse en est tirée par la direction métropolitaine puis elles sont classées par domaine d’action : électricité, coque, propulsion, armes etc. ou encore sur telle ou telle partie du bateau. Ce sera le cas pour les deux P 400 ». La notion de flexibilité et de réactivité est particulièrement vécue dans une petite unité, comme celle de Nouméa qui compte un effectif de seulement 11 personnes.
Logistique adaptée
Ces unités sont habilitées à passer commande de pièces ou de travaux. Le cas s’est produit lorsqu’il a fallu commander en Australie une pièce de radar indisponible en métropole. Pour les gros chantiers à l’étranger, par contre, les décisions sont prises par Paris. « On va aussi remettre en place une logistique adaptée aux besoins de la marine avec, notamment, la constitution d’un stock de pièces détachées sur Nouméa. Les conteneurs sont arrivés. Ce magasin sera implanté au sein de la base navale et géré par la base sur les indications de la SSF. « Notre souci est d’avoir un plan de charge continu qui préserve la disponibilité des navires à raison de trois bateaux sur quatre », conclut le commandant Belleau.
— Gilles L’Haridon, ingénieur général de l’Armement « La maintenance se prépare et ne se subit pas ». L’ingénieur général de l’Armement, Gilles L’Haridon, vient de visiter l’antenne calédonienne du service de soutien de la flotte. « J’ai la responsabilité de la maintenance des navires de la Marine nationale, à Brest et pour tout l’Outre-Mer où je me déplace une fois par an », a-t-il expliqué. « Ma visite à Nouméa est l’occasion de voir localement, au sein de la marine, comment se déroulent la maintenance et les évolutions prévues. Ici, cela porte sur la réalisation, importante, des grands carénages sur zone ». L’ingénieur général de l’Armement, qui a rang d’Amiral, a évoqué les projets actuels de construction neuve de la marine. Ils portent sur des bâtiments de projection de commandement. Ce sont des bâtiments de 200 mètres de long ressemblant à de petits porte-avions. Il s’agit en fait de gros porte-hélicoptères assurant aussi le transport de troupes et de matériel. Les premiers à être livrés seront le Mistral (en 2005) et le Tonnerre (en 2006). La marine a par ailleurs en construction des frégates multi missions. Dix-sept bâtiments de ce type, de 6 000 tonnes chacun, sont prévus. Ils pourront servir à la fois à l’action anti-sous-marine et aux actions terrestres. Les livraisons commenceront en 2009 et se feront à raison de deux par an. Les constructions sont faites à Lorient par la DCN en partenariat avec Alsthom marine pour les bâtiments de projection et avec les chantiers italiens de Fincantieri pour les frégates. « Je travaille déjà sur les prévisions des travaux de maintenance de ces navires », a expliqué M. L’Haridon. « La maintenance se prépare et ne se subit pas ». Il a conclu sur l’entretien de La Glorieuse qui est « l’exemple vivant de la nouvelle politique de la marine », précisant : « Et ça fonctionne très bien ».
— Questions à Eric Abadie, commmandant de la marine « Faire un maximum de travaux en Calédonie »
Les Nouvelles-Calédoniennes : Quels sont les impératifs de disponibilité des bâtiments afin d’assurer le maintien des missions ? Eric Abadie : On n’a pas, dans la marine, les temps de disponibilité du commerce. Cela varie selon les types de bâtiments qui n’ont pas la même technologie. On parle beaucoup de travail préventif. Mon objectif est que les périodes d’indisponibilité soient les plus courtes. Autrefois, l’entretien était fait à Papeete. Au niveau humain, les équipages étaient trois mois sans leur famille. L’idée est de faire un maximum de travaux en Nouvelle-Calédonie. L’enjeu pour le territoire, c’est 110 millions de francs par an. On en est aujourd’hui à la période d’observation. Si nous sommes satisfaits, nous continuerons. Aux industriels de Nouvelle-Calédonie de confirmer leur volonté.
LNC. : Des accords ont-ils été mis en place avec l’Australie pour permettre l’entretien des bâtiments français de grande taille ? E.A. : Il n’est pas nécessaire de passer des accords d’Etat à Etat pour demander la réalisation de travaux. Nous sommes allés au mieux disant après un appel d’offres, comme un armateur l’aurait fait. Ceci étant, le pays d’accueil est averti par voie diplomatique que l’on fera une escale technique ».
– Le chantier de « La Glorieuse » La remise à niveau de la Glorieuse représente un marché global de 358 millions de francs (3 millions d’Euros). Environ 60 % restent en Nouvelle-Calédonie et les 40 % restants représentent l’achat de pièces. Les travaux en cours portent sur la visite totale des moteurs de propulsion, des lignes d’arbres et des gouvernails, de la station hydraulique, des groupes producteurs d’énergie et l’entretien de la coque. Celui-ci porte sur la réfection des parties endommagées, le sablage et la peinture. Le travail le plus délicat était celui du retrait, par précaution, d’une peinture des fonds contenant de l’amiante, utilisée dans ces endroits car elle est très résistante. Ce décapage a été réalisé par Pacifique amiante service, une entreprise calédonienne spécialisée et équipée du matériel adéquat. Ont aussi travaillé sur le bateau Cegelec-Endel (Montalev), Mgc (Maintenance générale calédonienne) et EPC (Entreprise de peinture calédonienne). Les travaux sur le patrouilleur ont débuté mi-septembre à quai sur le Port autonome, dans la zone proche des remorqueurs. Tout ce qui pouvait être démonté et révisé à cet endroit l’a été. Un dispositif de bureaux et d’ateliers a été disposé sur le quai, constituant une annexe de la pointe Chaleix. Le travail sur les œuvres vives a nécessité la mise à terre de La Glorieuse sur la cale de halage de Nouville où elle se trouve encore, en cours de peinture. La remise à l’eau doit avoir lieu avant le début de la saison des cyclones et les travaux devraient s’achever fin janvier.
– Le « Jacques Cartier » mis au sec à Brisbane Les travaux de coque, en dessous de la ligne de flottaison, ne pouvaient pas être réalisés en Nouvelle-Calédonie pour le Batral (bâtiment de transport léger) Jacques Cartier car il est trop gros pour la cale de halage de Nouville. Après un appel d’offres, le travail a été réalisé au chantier Forgacs, à Brisbane (Australie). Il a porté sur la pose de quelques placards, le contrôle des soudures, de l’hydraulique et sur tout ce qui était chaudronnerie spécialisée marine. L’équipage a assuré la surveillance du bâtiment, des travaux et assuré les petits travaux courants d’entretien. C’est par ailleurs l’équipage du Batral et le personnel de l’atelier de la base Chaleix qui ont assuré l’entretien des moteurs car il ne s’agissait que d’une visite intermédiaire.
– Modernisation du « Vendémiaire » Prochain bâtiment à entrer en période d’entretien, la frégate Vendémiaire, durant tout le mois de janvier prochain. Les travaux seront réalisés par l’équipage, l’atelier de la base et des entreprises. Une plus longue immobilisation est prévue de mai à début septembre 2005 pour moderniser son réseau de transmissions et changer une partie de son armement. Cette partie du chantier sera réalisée à Nouméa par des sociétés métropolitaines spécialisées, agréées pour des raisons de confidentialité. Les systèmes d’armes sont suivis directement par la DCN de Brest.
– Le nerf de la guerre En matière de données financières, l’entretien courant d’un patrouilleur P 400 est de 7,16 millions de francs par an. Une fois tous les trois ans l’entretien majeur représente 233 millions de francs. Pour la frégate de surveillance Vendémiaire l’entretien courant revient à 12 millions de francs par an et l’entretien majeur à 477 millions de francs tous les trois ans. Pour le Batral Jacques Cartier, l’enveloppe est de 7,16 millions de francs par an, comme pour un P 400, mais l’entretien majeur des trois ans est plus cher (358 millions de francs). Notons à ce propos que le Jacques Cartier devrait être désarmé en 2008. La vedette Dumbéa de la Gendarmerie maritime récemment mise en service représente un peu moins de 600 000 francs de frais d’entretien courant par an. Sont aussi comptabilisés le soutien à la base navale (2,4 millions de francs), les opérations d’entretien non programmées (12 millions de francs), les achats de rechanges (35,8 millions de francs) et les achats de prestations récurrentes (14,3 millions de francs). Le flux financier, hors indisponibilité majeure, est d’environ 90 millions de francs dont les deux tiers sont générés sur le territoire. Ces chiffres ne tiennent pas compte des grands travaux d’entretien entrepris en Australie pour le Jacques Cartier et à Nouméa pour La Glorieuse.
REPERES
Les spécialités recherchées Les capacités industrielles civiles recherchées par le Service de soutien de la flotte sont celles relatives aux moteurs Diesel (visite complète), turbocompresseur et lignes propulsives, à l’hydraulique de puissance, à l’électricité de puissance (y compris moteurs et génératrices) et aux revêtements (sablage, préparation de surface, peinture etc.).
Michel Guépy (Endel) « On s’est adaptés au marché local. La Nouvelle- Calédonie, c’est 90 % de travaux neufs et 10 % de maintenance. Avec la marine on a mis toutes nos spécialités à sa disposition : mécanique, chaudronnerie et électricité. Le chantier est bien défini au niveau des tâches. On n’a aucun problème ».
La marine hors taxes Les matériels de la marine sont principalement importés hors taxes. Les entreprises calédoniennes travaillant pour la marine peuvent demander l’exonération des taxes au service des Douanes. C’est ce qui se passe pour le matériel de La Glorieuse.
Le coût de l’entretien Le coût de l’entretien de la flotte française est de 47,7 milliards CFP par an, hors force océanique stratégique (sous-marins nucléaires lance-engins SNLE) dont 29,8 milliards à Toulon et 17,9 milliards à Brest. L’entretien en Nouvelle-Calédonie représente une enveloppe d’environ 109 millions CFP par an.
Réduire l’indisponibilité La relocalisation des entretiens et des réparations sur zones a pour enjeu la réduction des périodes d’indisponibilité de 5 mois à 2,5 mois, à terme, tout en limitant la contrainte sur les équipages. En fonction des tailles des bâtiments et des appels d’offres, les lieux de réalisation sont pour les P 400 la cale de Nouville, pour le Batral, Nouméa et l’Australie ou la Nouvelle-Zélande et, pour la frégate de surveillance, Nouméa et l’Australie ou la Nouvelle-Zélande.
L’évolution de la DCN Le nouveau dispositif a été conçu dans la perspective de l’évolution de la Direction des chantiers navals (DCN) qui est devenue un industriel privé sous forme de société anonyme. La DCN réalise le plus gros de son chiffre d’affaires avec la marine nationale mais elle construit aussi pour des pays étrangers. Elle a notamment réalisé des plates-formes pétrolières.
Source : Les Nouvelles Calédoniennes