L’Italie trouve le financement de ses frégates FREMM

  • Dernière mise à jour le 6 novembre 2005.

Le gouvernement italien a déclaré qu’il avait trouvé les 2 milliards d’euros dont il avait besoin pour participer au plus grand programme de construction navale européen depuis la 2nde guerre mondiale.

Des responsables italiens avaient annulé, le 4 octobre dernier, la signature formelle d’un accord avec la France pour commencer la construction des Frégates Européennes Multimissions, ou FREMM. Le programme va fournir 10 frégates à l’Italie et 17 pour la France. L’annulation a été provoquée par la décision du Trésor Italien d’annuler les 300 millions d’euros prévus pour financer la partie italienne du programme.

Le secrétaire du cabinet italien, Gianni Letta, a confirmé le 25 octobre le soutien du gouvernement à un plan de paiements échelonnés.

Dans une note transmise aux syndicats, au chantier naval Fincantieri et aux ministères des finances, de la défense et de l’industrie, Letta écrit que la question est “pratiquement réglée.” Jointe à la note, que Defense News a pu se procurer, se trouvait une copie d’un amendement “présenté par le gouvernement” au budget italien 2006, qui prévoit un peu plus de 2 milliards d’euros pour les FREMM.

Selon l’amendement, le programme recevra 30 millions d’euros par an pendant 15 ans à partir de 2006, 30 millions d’euros de plus par année à partir de 2007 et un maximum de 75 millions d’euros par an pendant 15 ans à partir de 2008.

Le ministre de l’industrie, Claudio Scajola, a déclaré aux journalistes le 27 octobre que le “financement sur plusieurs années avait été ajouté dans le budget du ministère de l’industrie, couvrant 2 prototypes, qui sont les plus chères des frégates.”

L’amendement doit maintenant être voté par la commission des finances du Sénat italien. S’il est approuvé, il sera ajouté au budget 2006, qui devra ensuite être voté par les 2 chambres du Parlement Italien. Une source italien a indiqué le 28 octobre que l’approbation de l’amendement par la commission du Sénat pourrait être une garantie suffisante pour que l’accord qui devait être signé avec les Français puisse l’être. Cet accord est nécessaire pour que les industriels des 2 pays puissent commencer à travailler.

Un sénateur de l’opposition, Lorenzo Forcieri, a déclaré à Defense News le 28 octobre que l’approbation par la commission pourrait intervenir cette semaine. “Ce qui doit encore être confirmé, c’est si le financement se fera sous forme de prêt ou par un financement régulier,” a-t-il indiqué.

A Paris, un responsable du gouvernement a indiqué qu’une équipe de la DGA [1] se rendrait prochainement à Rome pour réécrire le contrat des FREMM, afin de prendre en compte les changements budgétaires italiens.

Le contrat pourrait être signé en l’espace de quelques jours, a indiqué ce responsable.

“Nous cherchons plus des ajustements sur le calendrier des paiements plutôt que sur le montant total,” a déclaré le 27 octobre le porte-paroles du ministère de la défense, Jean-François Bureau, lors d’une conférence de presse, ajoutant que le contrat pourrait être signé en novembre.

Wait and See

Sandro Bianchi, un représentant du syndicat des travailleurs de la construction navale italienne, a déclaré que les syndicats resteraient sur le “pied de guerre” jusqu’à ce que le financement soit certain. “Beaucoup trop de déclarations gouvernementales ont été contredites par les faits,” a-t-il indiqué.

Bien qu’il n’y ait aucune date butoir fixée par les Français pour la signature, la Marine Française était impatiente de voir lancer ses navires et le chantier naval de DCN à Toulon était anxieux de commencer le travail, a indiqué le responsable français. Le programme a déjà un an de retard puisque les fonds étaient disponibles pour un lancement du programme dans le budget 2004.

Une source industrielle française a indiqué que le retard représentait un problème politique et diplomatique sérieux pour l’Italie. “C’est réellement un problème gouvernemental,” a-t-il indiqué.

Un porte-paroles de Fincantieri a été plus optimiste. “Si l’amendement est adopté, nous pensons qu’un retard de quelques mois n’aura pas un impact important sur un programme de plusieurs années,” a-t-il indiqué le 28 octobre.

L’industrie français s’était préparée à commencer le programme sur une base purement nationale, laissant la porte ouverte pour que l’Italie la rejoingne plus tard. Mais la principale inquiétude aurait alors été de savoir comment répartir les coûts de développement, qui sont supposés être partagés à égalité entre les 2 pays.

Le responsable du gouvernement est d’accord, précisant que le principal avantage d’une coopération est de partager le coût du développement.

Que les dirigeants de l’industrie de défense italienne attendent l’approbation de l’amendement par la commission de la défense du Sénat, pour être certains qu’il prenne du poids, indique combien il est difficile d’obtenir une décision dans le monde politique italien. Une loi prévoyant le financement des frégates FREMM a été votée en avril, mais a été annulée par le ministre des finances, Giulio Tremonti, lorsqu’il cherchait à diminuer le déficit budgétaire.

L’implication de Letta pour la nouvelle formule de financement représente, néanmoins, une certaine garantie. Acteur puissant, mais discret, du Cabinet italien, Letta a mené les négociations liées à diverses crises, depuis les menaces de grève des compagnies aériennes à la mort d’un agent secret italien, tué par les troupes américaines en Irak lors de la libération d’un otage.

Fincantieri, qui construit des ferries et des navires de croisière, aussi bien que des navires de guerre, va chercher à transférer des commandes civiles à ses 2 chantiers navals, si le retard du programme FREMM devait provoquer une baisse de charge. Il travaille déjà à un car-ferry rapide pour un client suèdois au chantier de Riva Trigosi.

Finmeccanica, qui fait équipe avec Fincantieri pour les frégates italiennes, examine des ventes possibles de FREMM à l’exportation. S’adressant à des syndicalistes le 24 octobre, Pierfrancesco Guarguaglini, PDG du groupe industriel, a critiqué les contrôles italiens sur l’exportation d’armes, qui, selon lui, pourraient limiter les ventes de FREMM.

Tom Kington à Rome et Pierre Tran à Paris

Notes :

[1Délégation Générale pour l’Armement

Source : DefenseNews