Fuite massive de documents secrets sur les capacités de combat des sous-marins Scorpène indiens

  • Dernière mise à jour le 24 août 2016.

DCNS, la compagnie française qui a remporté l’appel d’offres pour la construction de sous-marins en Australie, a connu une fuite massive de documents secrets, soulevant des craintes sur la sécurité des données concernant les futurs sous-marins australiens.

Le sous-marin Scorpène malaisien Tunku Abdul Rahman à Port Klang, septembre 2009

Cette fuite, qui concerne près de 22.400 pages, détaille les capacités de combat des 6 sous-marins de la classe Scorpène construits pour la marine indienne.

Une variante de ce même type de sous-marins est aussi utilisée par les marines de Malaisie, Chili et, à partir de 2018, Brésil. Marqués “Restricted Scorpene India”, les documents détaillent les capacités les plus sensibles des sous-marins indiens.

La fuite déclenche de graves inquiétudes en Australie et aux Etats-Unis où de hauts responsables de l’US Navy on exprimé en privé leurs craintes sur la sécurité des informations classifiées confiées à la France.

Parmi les données apparaissant sur les documents, on peut trouver les fréquences sur lesquels les sous-marins indiens recueillent des renseignements, le niveau de bruit qu’ils émettent à diverses vitesses et leur immersion de plongée et leur autonomie — toutes des informations classifiées à de haut niveau de protection. Les documents dévoilent aussi des données magnétiques, électromagnétiques et infra-rouge, ainsi que les spécifications du système de lancement de torpilles et du système de combat.

Il précise la vitesse et les conditions pour utiliser le périscope, les spécifications de bruit de l’hélice et le niveau de bruit émis lorsque le sous-marin fait surface.

Les documents consultés par le journal The Australian comportent 4457 pages sur les senseurs sous-marins, 4209 pages sur les senseurs aériens, 4301 pages sur le système de combat, 493 pages sur le système de lancement de torpilles, 6841 pages sur son système de communications et 2138 sur son système de navigation.

Certains sont consultables sur le site du The Australian mais le journal a choisi de masquer les données classifiées.

Hier, DCNS a cherché à rassurer les Australiens : la fuite de données sur les sous-marins Scorpène indiens ne pourrait pas se produire avec le projet australien. DCNS laisse entendre, mais sans le dire clairement, que la fuite pourrait s’être produite côté indien, plutôt qu’en France. « La diffusion non contrôlée de données techniques n’est pas possible avec le projet australien, » explique DCNS. « Des contrôles multiples et indépendants existent au sein de DCNS pour empêcher tout accès non autorisé aux données. Tout mouvement de données est crypté et enregistré. Dans le cas de l’Inde, où un plan DCNS est utilisé par une compagnie locale, DCNS est le fournisseur et non le contrôleur des données techniques. »

« Dans le cas de l’Australie, contrairement à l’Inde, DCNS est à la fois le fournisseur et le contrôleur local des données techniques pour toute la chaine de transmission et leur utilisation tout au long de la vie des sous-marins. »

Cependant, des sources ont indiqué à The Australian que les données sur les Scorpène avaient été écrites en France pour l’Inde en 2011. Elles auraient été emportées cette même année par un ancien officier de la marine nationale, employé à cette époque par un sous-traitant de DCNS.

Les données auraient alors été remises à une compagnie du Sud-Est asiatique, peut-être pour participer à un accord commercial avec la marine d’un pays de la région.

Elles auraient ensuite été remises par un tiers à une 2è compagnie de la région avant d’être envoyées, sur un simple CD, par courrier normal à une compagnie en Australie. On ignore à quel point les données ont été partagées en Asie ou si des agences de renseignement ont pu y avoir accès.

Les documents vus par The Australian comprennent aussi des dossiers ou plans confidentiels de DCNS sur des projets de vente de frégates française au Chili et sur la vente de BPC à la Russie. Ces projets de DCNS n’ont aucun lien avec l’Inde, ce qui ajoute du poids à la probabilité que les documents aient été obtenus de DCNS en France.

L'analyse de la rédaction :

Le groupe DCNS a indiqué à l’AFP que « les autorités nationales de sécurité » françaises « enquêtent », sans donner plus de détails.

« Cette enquête déterminera la nature exacte des documents qui ont fait l’objet de ces fuites, les préjudices éventuels pour nos clients ainsi que les responsabilités », a ajouté le groupe.

Source : The Australian