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Fin novembre, la frégate de surveillance Nivôse appareille pour effectuer la dernière mission de l’année 2004 dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises. Cette mission de routine sera cependant d’une durée exceptionnellement longue pour une frégate de surveillance, avec 55 jours d’absence. De plus, elle fera passer à l’équipage le jour de Noë l comme le jour de l’an aux Kerguelen.
Pour la majeure partie de l’équipage, cette mission est le premier contact avec cette terre du bout du monde longtemps appelée l’île de la Désolation, en raison de son caractère inhospitalier. La tournée s’annonce sous les meilleurs auspices en raison des conditions météorologiques habituellement plus favorables en cette période de l’année.
Le but de la mission est toujours le même : surveiller notre Z.E.E. (zone économique exclusive) et surprendre d’éventuels navires illicites pêchant la légine, ce poisson d’eau froide très prisé en Asie. Lorsque nous descendons début décembre, la situation sur zone est calme. Les conditions météorologiques nous permettent de franchir les fameux 40èmes rugissants dans des conditions de mer excellentes, à se demander où sont les vents qui rugissent. Les grands albatros sont quant à eux bien au rendez-vous avec leur vol majestueux.
Le premier contact sur la côte Nord de Kerguelen sera un des moments forts de cette mission. L’objet de tant d’attente est enfin devant nous. Cette terre “désolée” se présente sous ses plus beaux atours avec reliefs et couleurs magnifiques où ici plus qu’ailleurs elles changent en permanence avec le passage rapide des nuages et des rayons de soleil, passant d’un marron sombre à l’ocre jaune puis virant au vert cru sur les reliefs, du blanc au bleu ciel pour les sommets enneigés et enfin du gris profond au bleu lapis des fjords. Il est difficile de rester indifférent face à la beauté de ces panoramas grandioses.
Profitant de notre hélicoptère pour surveiller les espaces maritimes, nous découvrons à l’occasion de mouillages la faune locale. C’est bien souvent avec un regard d’enfant que nous restons en admiration devant une colonie de manchots, de gorfous macaronis, ou bien en se promenant au milieu d’éléphants de mer et d’otaries.
Après une soirée de Noël passée sous la neige, blottis au fond d’une baie afin de se protéger des coups de vent à répétition qui balayent l’archipel, la soirée du réveillon du jour de l’an sonnera la fin de la première partie de notre mission de surveillance.
En effet, nous recevons dans la soirée du 31 décembre au 1er janvier l’ordre de rejoindre rapidement Port aux Français afin d’évacuer vers l’île de La Réunion un marin pêcheur blessé au large lors de la tempête de la nuit précédente. Pour l’anecdote, le vent soufflait cette nuit là à près de 90 nœuds.
Le premier janvier en fin d’après-midi, nous récupérons notre patient et une jeune femme du district devant rentrer en métropole pour raison familiale. Nous faisons route ensuite à grande vitesse vers La Réunion que nous n’atteindrons pas, laissant l’hélicoptère Panther de la frégate Floréal venir récupérer, à une centaine de nautique au Sud de l’île, nos deux passagers.
Une fois le transfert effectué, nous replongeons une nouvelle fois vers les 40èmes, qui ne rugiront toujours pas. Nous ne sommes même pas arrivés dans la Z.E.E. de Kerguelen que nous recevons pour la seconde fois l’ordre de nous rendre à Port aux Français pour évacuer vers La Réunion deux nouveaux blessés, un marin pêcheur et une personne du district de Kerguelen. La veille de notre arrivée à Port aux Français, nous apprenons que nous attend un troisième blessé, un autre marin pêcheur. La mission du Nivôse est passée en quinze jours d’un rôle de police des pêches à celui d’assistance aux pêches ou d’ambulance. Le mythe du “Crabe Tambour” n’est pas loin... N’est-on pas là aussi pour soutenir nos pêcheurs ?
C’est donc avec trois passagers que nous regagnons à nouveau La Réunion. Hélas, cette fois nous n’éviterons pas les dépressions. La première nuit, l’une d’entre elles nous donnera même l’impression de nous utiliser comme un shaker mais au fur et à mesure que nous remontons, nous retrouvons des conditions normales.
Trois jours plus tard, La Réunion apparaît, l’heure du retour a sonné. La mission est terminée et les organismes sereins mais un peu fatigués n’aspirent plus qu’à un peu de repos bien mérité.
Correspondance du Nivôse
Source : Témoignages (Réunion)