La France propose à la Grande-Bretagne de fusionner les forces sous-marins nucléaires des 2 pays

  • Dernière mise à jour le 19 mars 2010.

La France a proposé de créer une force commune franco-britannique de dissuasion nucléaire en partageant les patrouilles des sous-marins, a appris le Guardian.

Des responsables des 2 pays ont discuté de la façon dont un schéma de partage de la dissuasion pourrait fonctionner, mais pour l’instant, le Royaume-Uni s’est opposé à cette idée parce que un tel abandon de souveraineté serait politiquement inacceptable.

La Grande-Bretagne et la France entretiennent chacune une "dissuasion continue à la mer", qui implique de faire naviguer au moins un SNLE en plongée à chaque instant. Il s’agit d’une importante dépense, et son utilité dans un monde post-Guerre Froide est depuis longtemps remise en cause par les tenants du désarmement.

La dissuasion indépendante de la Grande-Bretagne, basée sur des missiles Trident embarqués sur des sous-marins, pourrait couter au pays jusqu’à 100 milliards £ (112 milliards €), selon certaines estimations, une fois que la modernisation prévue de la flotte sera terminée.

La France entretient elle aussi une Force Océanique Stratégique de 4 sous-marins, chacun équipés de 16 missiles.

EN septembre dernier, le premier ministre britannique avait déclaré que la flotte de SNLE britanniques pourrait être réduite de 4 à 3 dans un geste en faveur du désarmement, mais les économies totales seraient relativement faibles.

"Nous avons discuté de l’idée de partager la continuité à la mer dans le cadre d’une discution plus large concernant le partage du fardeau de la défense," a indiqué un responsable français.

Un responsable britannique a confirmé que le gouvernement français avait évoqué l’idée d’une "dissuasion continue à la mer" partagée, mais a ajouté que tout schéma de ce type provoquerait "une grande colère" au milieu d’une campagne électorale.

Nicolas Sarkozy et Gordon Brown ont évoqué cette idée lorsque le président français s’est rendu à Londres en mars 2008. La déclaration commune publiée ensuite a seulement indiqué que les 2 pays allaient "renforcer notre dialogue bilatéral sur la dissuasion nucléaire".

Le même mois, Sarkozy a évoqué l’éventualité d’une dissuasion nucléaire partagée dans un discours à Cherbourg. "Ensemble avec le Royaume Uni, nous avons pris une décision importante : c’est notre évaluation commune qu’il ne peut y avoir de situation où les intérêts vitaux d’une de nos 2 nations puissent être menacés sans que les intérêts vitaux de l’autre ne soient eux aussi menacés," avait-il déclaré.

Sarkozy et Brown se sont à nouveau rencontrés à Downing Street vendredi dernier et ont "discuté de certaines questions dans le domaine nucléaire", selon Downing Street, mais il a refusé de préciser si l’idée d’une dissuasion commune franco-britannique a été explorée plus avant.

Suite à une collision sous-marine entre des SNLE français et britannique en février de l’an dernier, le ministre de la défense français, Hervé Morin, avait indiqué que les 2 marines envisageraient de coordonner les patrouilles. "Entre la France et la Grande-Bretagne, il y a des choses que nous pouvons faire ensemble … une des solutions serait de réfléchir aux zones de patrouille," avait-il déclaré.

On ignore si l’offre de Morin a été transmise à la Royal Navy. La proposition de Sarkozy irit beaucoup plus loin — la Grande-Bretagne et la France assureraient chacune à son tour la permanence sous-marine.

Des propositions pour une coopération franco-britannique plus étroite dans le domaine de la défense, ont été mises en avant par Paris, ont indiqué jeudi des responsables militaires britanniques, bien que Brown pourrait aborder vendredi la question lors d’un discours devant l’association de la presse étrangère à Londres.

La Grande-Bretagne et la France pourraient synchroniser leurs patrouilles de dissuasion nucléaire et coopérer dans le déploiement groupe de bâtiments de surface, expliquent des sources. Cependant, des responsables britanniques ont minimisé la possibilité d’accords formels sur la dissuasion nucléaire ou le partage de porte-avions.

"Nous ne pourrions pas faire un engagement total," a expliqué une source de la défense britannique, faisant référence au déploiement de porte-avions. Il évoquait l’intervention britannique au Sierra Leone il y a 10 ans et en Irak. La France ne voulait "rien avoir à faire" dans ces 2 cas, a indiqué la source.

Néanmoins, les 2 gouvernements indiquent qu’ils reconnaissent l’intérêt potentiel d’une coopération beaucoup plus étroite, à la fois en terme de stratégie et d’achat de nouveaux systèmes d’armes.

Liam Fox, le responsable de la défense pour l’opposition conservatrice, a évoqué à de nombreuses reprises l’éventualité d’une coopération plus étroite.

"Nos relations bilatérales les plus importantes en Europe sont avec la France," a-t-il déclaré dans un discours. "Plus important, nous sommes les 2 seules puissances nucléaires en Europe et nous participons de façon importante à la sécurité de l’OTAN à cause de cela. Un futur gouvernement conservateur va poursuivre et renforcer cette relation."

Il a ajouté que si les conservateurs formaient le prochain gouvernement, le ministère britannique de la défense inviterait la France à rédiger une déclaration formelle pour la Revue stratégique de défense et de sécurité "expliquant ce qu’elle attend de sa relation avec le Royaume-Uni".

Fox a déclaré cette semaine devant la Chambre des Communes : "Nous devons pouvoir effectuer des projections de puissance au niveau stratégique aux cotés des Etats-Unis et de la France."

Il devrait souligner vendredi les avantages d’une coopération plus étroite dans le domaine des achats de matériels militaires avec la France — sur une base bilatérale, va-t-il préciser.

Les gouvernements britanniques successifs ont conservé une politique de "dissuasion continue à la mer", avec un SNLE en patrouille à tout instant. Les responsables de la Navy ont, par le passé, expliqué que, pour maintenir cette posture, il faudrait 4 SNLE Trident — un en patrouille, un se préparant à appareiller, avec 2 autres en réparation, peut-être un ayant besoin d’une longue période inattendue en cale sèche.

Ceux qui veulent conserver 4 SNLE expliquent aussi que la construction de 3 SNLE seraient aussi couteuse, parce qu’une part importante des dépenses va dans les recherches et développements initiaux, la construction des infrastructures et la formation des équipages.

La France possède actuellement 3 SNLE plus un 4è — neuf — qui doit encore être déclaré opérationnel. Contrairement à la Grande-Bretagne, la France dispose d’avions pouvant transporter des bombes nucléaires.

Source : The Gardian (Grande-Bretagne)