Les bâtiments ‘Plug-and-Play’ de l’US Navy

  • Dernière mise à jour le 27 août 2009.

Pour renforcer le nombre de ses navires sans dépenser beaucoup plus d’argent, l’US Navy a donné un nouveau sens à une vieille idée : la “modularité.” Mais cette approche plug-and-play s’est révélée très couteuse. Alors que la Navy a des difficultés pour faire fonctionner la modularité, d’autres marines mondiales ont pris une autre approche — une qui mérite d’être envisagée.

Depuis la 1ère Guerre Mondiale, des bâtiments de guerre américains étaient construits avec la possibilité d’ajouter ou de retirer rapidement des armements et d’autres équipements. Les vieux destroyers à 4 cheminées de la 2nde Guerre Mondiale pouvaient changer d’armements et de système de propulsion en seulement 4 semaines, selon l’ancien analyste naval Bob Work, actuellement sous-secrétaire à la Navy.

Un siècle plus tard, la Navy a décidé d’acheter plus de 50 exemplaires du LCS (Littoral Combat Ships), d’un déplacement de 3.000 t, répartis entre 2 conceptions de base, ainsi qu’une série de modules de combat optimisés pour différentes missions comme la lutte anti-sous-marine ou le bombardement de la côte. L’idée est que les modules doivent pouvoir être échangés en seulement une journée, indiquait Work dans un document de 2004. “Le LCS aura atteint un degré de modularité sans précédent pour la Navy ou à l’étranger,” écrivait Work.

Cette capacité de changement sans précédent était destinée à maintenir au plus bas le prix global du programme LCS. Mais ironiquement, atteindre un tel degré de modularité est apparemment une des raisons de l’explosion du prix unitaire du LCS — sans compter les modules de mission. Celui-ci a constamment augmenté, passant de l’objectif initial de seulement 220 millions $ à plus de 600 millions aujourd’hui. A ce qu’il semble, la capacité totale de changement est difficile à atteindre. Par conséquent, pour l’instant, la Navy a seulement 2 coques de LCS à l’eau, avec 5 autres en construction. C’est seulement la moitié de ce que la Navy espérait avoir selon le calendrier initial.

Malgré les augmentations de cout, Work a défendu le LCS, soulignant que d’autres marines mondiales avaient aussi la modularité comme objectif. Il a cité la marine nationale française, une des plus importantes en Europe, comme très intéressée par la modularité. “Ils ont conçu 2 bâtiments de types différents : les corvettes Gowind et les frégates FM400 pour le combat et la surveillance,” a dit Work des Français. “Les 2 types de navires sont conçus en 4 tailles différentes.” Mais un chantier naval proposant différentes tailles et configurations du même concept de base est ce que Work, dans son document de 2004, appelait “la modularité de construction.” Ce qui est très différent de la “modularité de mission” que le LCS est supposé représenter.

Dans le monde entier, les marines sont de plus en plus intéressées par la modularité de construction, particulièrement sous la forme des bâtiments allemands MEKO, mais peu s’intéressent à la modularité de mission. Dans un écho de l’approche française, la Royal Navy étudie une nouvelle classe de bâtiments de combat, le Future Surface Combatant, divisé en 2 versions : une pour la chasse aux sous-marins, l’autre — que l’amiral Jonathon Band appelle une “patrouilleur intelligent” — pour la chasse aux pirates. Mais les missions des bâtiments ne seront pas vraiment interchangeables, dans le sens américain du terme.

En se basant sur la tendance mondiale, l’US Navy poursuivrait-elle le mauvais type de modularité ? Est-il plus important de changer la mission d’un bâtiment entre plusieurs, très différentes, ou de configurer les chantiers navals pour construire à bas cout des lots de versions différentes du même navire ? Les 2 possibilités sont une forme de modularité. Mais une seule semble permettre d’avoir des couts unitaires faibles.

La marine israélienne l’a appris à ses dépens. En 2006, la marine israélienne avait annoncé son intention d’acheter plusieurs coques de LCS à la compagnie américaine Lockheed Martin. Mais ensuite, le cout de chaque navire a dépassé le budget total des Israéliens, environ 500 millions $. Ils ont donc annoncé qu’ils abandonnaient le LCS aux missions modulaires, pour acheter probablement des MEKOS, en construction modulaire.

Source : Wired (Etats-Unis)