Lutte contre la piraterie : la campagne de communication de l’OTAN tourne au fiasco

  • Dernière mise à jour le 19 avril 2009.

De nombreux journaux ont repris samedi l’information largement diffusée par un communiqué de l’OTAN : une frégate néerlandaise a libéré 20 pêcheurs pris en otage par 7 pirates. On pourrait donc penser que la marine néerlandaise devrait célébrer "sa" victoire dans la lutte contre les pirates somaliens. Mais, pas vraiment.

L’US Navy appréhende des pirates
Neuf pirates ont été appréhendés le 12 février dernier et retenus à bord du croiseur lance-missiles Vella Gulf. © US Navy

De nombreux journaux ont repris une partie du communiqué de l’OTAN : “Des troupes navales néerlandaises ont repoussé samedi une attaque lancée par des pirates sur un pétroler dans le golfe d’Aden et libéré 20 otages yéménites.” Les commandos de marine impliqués proviennent de la frégate néerlandaise De Zeven Provinciën, qui fait elle-même partie du SNMG1, un groupe de bâtiments de l’OTAN qui se trouve actuellement en océan Indien.

A l’origine, le SNMG1 devait se rendre en Asie du Sud-Est : des escales étaient prévues à Jakarta, à Singapour, en Australie. Afin de participer à la lutte contre la piraterie, l’OTAN a décidé, alors que l’Union Européenne avait déjà la mission Atalante sur place, de modifier le programme du groupe.

On pourrait croire en première analyse que ce changement de programme est une bonne chose puisque des otages ont été libérés et que des pirates ont été arrêtés et vont être traduit en justice. Sauf que...

Sauf que les journaux, comme c’est très souvent le cas, oublient une partie importante de l’histoire.

La lutte contre la piraterie a, de tout temps, était considérée comme de “juridiction universelle”, qui dépasse les règles normales de juridiction nationale. N’importe quel état est autorisé à prendre des mesures contre les pirates, même s’il n’est pas victime de ceux-ci. Pour être encore plus clair, tout état est autorisé à arrêter les pirates et à les poursuivre, même si le navire attaqué est d’un autre pavillon que le leur. Pendant très longtemps, les tribunaux américains et britanniques, les 2 états les plus en pointe dans la lutte contre la piraterie aux XVIII et XIXè siècles, ont cité dans leurs jugements des cas de jurisprudence de l’autre état.

Et cette notion de “juridiction universelle” n’a pas disparu à notre époque : elle a été reconnue par les conventions des Nations-Unies de 1958 et 1982.

Mais, et c’est là qu’intervient une nuance importante, de nombreux états, signataires de ces 2 conventions, ont “oublié” de transposer dans leur législation nationale ces règles particulières concernant la lutte contre la piraterie.

En France, si les termes “piraterie” ou “pirates” n’apparaissent pas dans le code Pénal, la piraterie est bien pénalement poursuivie, sous le terme juridique de “détournement de navire”, par les articles 224-6 et suivants.

Mais, cela n’est pas le cas des Pays-Bas. Pire encore, si dans le cadre de l’opération européenne Atalante, les bâtiments de guerre sont autorisés à arrêter les pirates et à les livrer à un pays-tiers s’ils n’en ont pas la juridiction (en général, le Kénya), ce n’est absolument pas le cas pour l’opération de l’OTAN.

Et cela a donc conduit à la répétition du fiasco qu’on avait déjà connu auparavant : des pirates, des preuves de leur implication dans un acte de piraterie, mais une libération en catimini quelques heures plus tard.

On peut s’interroger sur l’intérêt, au-delà de l’évidente opération de relation publique, d’envoyer des navires dont la seule possibilité dans la lutte contre la piraterie est de libérer les pirates arrêtés. Est-ce ainsi que les pirates vont être dissuader de poursuivre leurs activités criminelles ?