Quel équipage pour un bâtiment multi-missions ?

  • Dernière mise à jour le 21 juillet 2008.

Alors que l’US Navy dévoilait en grande pompe le 11 juillet dernier le module lutte-anti-navires destiné à son LCS (littoral combat ship), le 2è des modules pouvant être embarqués sur ces navires multi-missions de nouvelle génération, personne n’était encore en mesure de répondre à une question simple : comment sera composé son équipage ?

Le module lutte-anti-navires du LCS
Le module de mission lutte anti-navire du LCS, qui comprend un canon de 30 mm, a été dévoilé le 11 juillet. Le plan d’armement du LCS et de ses modules de mission est encore incertain. ©US Navy

Alors que les 2 premiers exemplaires de ce type de bâtiments pourraient être admis au service actif dès cette année, les responsables de la Navy et le constructeur ne peuvent indiquer combien de marins seront nécessaires pour entretenir chaque système extrêmement complexes, ou ce qu’ils feraient une fois qu’un module est installé à bord. La frégate est supposée pouvoir changer de module [1] en moins de 3 jours, mais on ignore actuellement qui effectuera cet échange : des marins de la base navale, des sous-traitants ou l’équipage du navire.

On ignore aussi comment l’équipage de base d’un LCS travaillera avec les modules : Qui va s’occuper des espaces multi-usages qui vont accueillir les modules de mission ? Comme l’équipage de base prévu ne sera composé que de 40 marins, la Navy prévoit que l’équipage doive être formé à leurs fonctions avant qu’ils ne soient affectés à un LCS [2], car ils auront peu de temps pour le faire en mer. Mais que se passera-t-il si des marins sont blessés, tombent malade ou sont tués pendant une mission ?

Pour les hauts responsables de la construction des bâtiments, dont le vice-amiral Paul Sullivan, commandant du Naval Sea Systems Command, et le capitaine Capt. Michael Good, officier de marque des modules de mission, le plus important pour l’instant est que les modules soient livrés selon le calendrier et le budget prévus. De plus, selon eux, le LCS sera le plus automatisé des bâtiments de la Navy, ce qui signifie que de nombreuses fonctions sur des précédents navires seront supprimés ou remplacés par des ordinateurs. Ils comptent aussi sur un important soutien par du personnel extérieur.

“C’est un défi de faire naviguer un navire de cette taille avec un équipage aussi peu nombreux,” explique l’amiral Sullivan. “Cependant, le concept de maintenance est qu’il y aura beaucoup d’aide extérieur pour l’entretien du navire. Ensuite, pour le navire lui-même, les systèmes sont conçus pour la simplicité et des échanges de modules.”

Le Capitaine Good explique que cela fonctionnerait grâce à une bonne “intégration homme-machine” et la capacité des marins d’aujourd’hui à s’adapter au matériel informatique. “Je ne veux pas parler de la "génération des jeux vidéo", mais je suis impressionné par ce que certains marins arrivent à faire”, a-t-il indiqué.

Depuis le début du projet, il est prévu que les marins du LCS remplissent plusieurs fonctions, mettre en oeuvre et entretenir leur matériel.

Un exemple est le module de mission de lutte ASM, qui sera présenté en aout à San Diego : il sera équipé d’un drone de surface qui accueillera les principaux senseurs. Ce sera les mêmes techniciens qui mettront le drone à l’eau qui seront ensuite devant les consoles pour le mettre en oeuvre, explique Michelle Clark, qui participe à son développement au Space and Naval Warfare Systems Command.

En plus de superviser le matériel informatique que le capitaine Good a décrit, Clark a expliqué que les techniciens sonar devront suivre les cours de l’école des manoeuvriers pour apprendre comment mettre à l’eau et sortir leur drone, ainsi que le piloter, si nécessaire.

Chaque LCS dispose de 2 équipages qui se sont formés depuis février 2007 à San Diego. Chaque équipage est composé de 40 marins. Les bâtiments peuvent aussi recevoir un détachement aéro d’environ 20 marins, plus environ 15 marins pour les différents modules de mission.

Beaucoup sont sceptiques que la Navy arrive à faire fonctionner les LCS avec des équipages de cette taille.

“Qui va faire la cuisine ? Qui va nettoyer les coursives ? Une fois qu’ils auront commencé à naviguer, avec tous ces marins qui auront tant de fonctions à bord, il va falloir commencer à y penser,” explique le Capitaine Rick Hoffman (en retraite), un ancien commandant du croiseur Hue City. “Ils vont les envoyer en mer, mettre les gars ensemble et voir comment cela fonctionne, mais ce n’est pas comme ça que c’est censé se passer.”

“Ils vont commencer, discrètement, à ajouter des marins,” prévoit A.D. Baker III, un analyste en retraite de l’Office of Naval Intelligence et auteur de plusieurs éditions de “Combat Fleets of the World.” La conception interne complexe des bâtiments, qui comporte une grue pour déplacer les modules, les véhicules et les multiples portes qui donnent sur la mer, va exiger un haut niveau d’attention, explique Baker.

“Tout ce matériel exige un entretien constant par du personnel embarqué,” indique-t-il, quelle que soit la façon dont la Navy organise le réseau de soutien à terre. “Kellogg Brown and Root, ou celui qui obtiendra le contrat, ne va pas descendre du ciel et graisser la porte.”

Aucun des modules de mission du LCS n’a été testé en mer, sans parler d’à bord d’un LCS. L’amiral Sullivan se déclare cependant confiant que les essais de ces systèmes commenceraient cette année.

Des responsables de la Navy reconnaissent que la complexité des systèmes, à la fois dans les modules de mission et dans le bâtiment lui-même, constitue un défi pour l’intégration du matériel et du personnel.

Le capitaine Good reconnait que la Navy doit encore faire fonctionner beaucoup de choses avant que le premier LCS puisse partir en mission. Mais il indique qu’une fois que les navires et leurs installations seront prêts pour que leurs équipages embarquent à bord, il faut s’attendre “à du retour d’expérience” de la part des marins sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.

“Nous nous attendons à apprendre beaucoup,” indique Good. “Il n’y a aucun doute à ce sujet.”

Notes :

[1Actuellement, 3 modules de mission sont en cours de développement : lutte anti-mines, lutte anti-navires, lutte anti-sous-marine.

[2D’habitude, les membres d’équipage de l’US Navy, après une courte formation de base en école, sont formés sur le tas, à bord du navire sur lequel ils embarquent.

Source : Navy Times (Etats-Unis)