L’Ohio : une nouvelle évolution dans la guerre sous-marine

  • Dernière mise à jour le 17 février 2008.

L’Ohio est le premier sous-marin d’une nouvelle classe créée àpartir de navires des années 70 en échangeant des missiles nucléaires avec des missiles de croisière et un contingent de commandos prêts àêtre débarqués sur n’importe quelle côte — contre des forces conventionnelles ou des terroristes.

En surface
Au large de Guam, le 3 février dernier, des membres d’équipage de l’Ohio se préparent pour la première mission du sous-marin. Sur la gauche, un sas étanche d’où un mini-submersible est lancé. © NavyTimes

Le sous-marin navigue juste sous la surface de l’océan Pacifique, au large de l’île de Guam. Le sous-marin disparait dans les eaux sombres, emportant avec lui une équipe de commandos.

Le déploiement du sous-marin dans le Pacifique Ouest intervient au moment où la Chine renforce sa flotte sous-marine. Il s’agit du premier de l’Ohio depuis sa transformation, et le commandant du sous-marin, le Capt. Andy Hale, se trouve dans la position étrange de devoir présenter son sous-marin.

Etrange parce que tout à bord du submersible est fait pour qu’il soit discret et silencieux.

Hale ne peut parler de l’endroit où va le sous-marin. La partie arrière, où se trouve le réacteur nucléaire est interdite d’accès. Le chef de l’équipe de commando SEAL à bord ne peut pas être nommé, et les commandos eux-mêmes ne peuvent être photographiés d’une manière qui montre leur visage.

Mais, au cours des prochains mois, l’Ohio fera une déclaration extrêmement publique, s’entrainant de façon intensive dans certaines des eaux les plus bondées et les plus disputées au monde et participant à des exercices avec des alliés asiatiques de l’Amérique. Au lieu de les cacher, l’Ohio fera la preuve de ses capacités pour échapper à toute détection et naviguer trop profondément et trop vite pour être pourchassé.

Départ
L’Ohio est remorqué par 2 remorqueurs après son premier voyage le 5 février. © NavyTimes

Puis, il fera rapidement ce qu’il fait le mieux : disparaître.

“Les sous-marins sont la plateforme furtive par excellence,” a déclaré le Capt. Hale à l’Associated Press, la seule agence de presse autorisée à bord. “Les forces sous-marines ont toujours considéré le Pacifique comme une zone stratégique très importante ... Il a certainement pris de l’importance ces 10 dernières années.”

Presque tous les pays qui ont accès à la mer en Asie ont ou veulent des sous-marins.

La Chine, le Japon, l’Australie, l’Inde, la Malaisie, le Pakistan, l’Indonésie, Singapour, le Bangladesh et les 2 Corées ont ou prévoient d’avoir des sous-marins.

La plupart ne représentent pas une menace importante pour la flotte sous-marine Américaine, plus moderne. Mais c’est en train de changer.

Alors que la Russie continue d’être un élément, la Chine a désormais la plus grande flotte sous-marine de la région, avec près de 60 sous-marins. Les Etats-Unis ont renforcé leur présence dans le Pacifique, et ont maintenant plus de navires — et plus de sous-marins — dans cette partie du monde que dans l’Atlantique.

Mais ils sont encore dépassés en nombre.

“Il y a beaucoup de défis dans le Pacifique,” a indiqué Hale. “La Chine est certainement l’un d’entre eux, mais ce n’est pas le seul.”

Les sous-marins de la Chine sont principalement à propulsion diesel, ce qui signifie qu’ils doivent remonter respirer plus fréquemment que les sous-marins nucléaires américains, et on estime que leurs équipages ne sont pas aussi bien entraînés que les sous-mariniers américains, qui passent plusieurs mois en mer à la fois.

La flotte Chinoise se concentre aussi beaucoup sur des patrouilles le long de ses côtes ou à répondre à des possibles hostilités sur Taïwan, plutôt qu’avec une “force de projection,” ou d’essayer de contrôler des lignes de communication lointaines.

Mais ses objectifs à long-terme restent opaques.

En 2006, un sous-marin Chinois a surpris la Navy en faisant surface à portée de torpille du porte-avions Kitty Hawk près de l’île Japonais d’Okinawa. Pékin a déclaré que le sous-marin se trouvait dans les eaux internationales et ne “suivait pas” le porte-avions, qui participait à un exercice.

Le poste central
Surveillant les écrans, des membres d’équipage travaillent dans le poste central de l’Ohio. © NavyTimes

La rivalité croissante a été soulignée en novembre, lorsque Pékin a refusé une escale programmée du groupe du Kitty Hawk à Hong Kong, forçant des milliers de marins à passer Thanksgiving en mer. En janvier, cependant, la Chine a autorisé une escale par un autre bâtiment américain.

Washington a exprimé à de nombreuses reprises son inquiétude face à l’expansion militaire Chinoise. Pékin a augmenté son budget militaire de 18% l’an dernier, la plus grosse augmentation depuis 10 ans, et des responsables américains pensent que les dépenses réelles sont plus importantes.

Les Chinois surveillent attentivement pour voir comment les inquiétudes américaines se traduisent en changement dans l’US Navy. Lorsque l’Ohio, qui est basé à Bangor (état de Washington), a accosté à Guam le mois dernier, l’agence de presse officielle Chinoise Xinhua a qualifié le sous-marin de “entrepôt d’explosifs” et de “diable de dissuasion.”

“Si l’Ohio se dirige vers l’ouest à partir de Guam, il lui faudrait seulement quelques heures pour atteindre les côtes de nombreuses nations asiatiques,” indiquait-elle. “L’US Navy croit que la puissance du sous-marin nucléaire équipé de missiles de croisière sera énorme lors d’une future guerre.”

C’est exactement ce que la Navy veut que la Chine et d’autres pensent, et pourquoi l’Ohio est dans le Pacifique.

“Les capacités avancées que nous avons ajouté à ce navire font de lui un sous-marin de première ligne,” indique le commandant en second de l’Ohio, le Lt. Commander Al Ventura. “Il a amené la force sous-marine à un tout nouveau niveau.”

Au périscope
Un membre d’équipage regarde par le périscope de l’Ohio. L’Ohio ressemble àla version clandestine et sous-marine d’un porte-avions, avec àla fois une importante puissance de feu et la possibilité d’aller rapidement làoù on a besoin de lui. © NavyTimes

L’Ohio a à la fois une importante puissance de feu et la capacité de se déployer rapidement là où on a besoin de lui.

Il possède 24 tubes de lancement, dont 15 ont été équipés pour lancer plusieurs Tomahawk — plus de 100 au total. C’est plus que tout ce qui a été tiré pendant toute la première Guerre du Golfe. Depuis une position au large dans le Pacifique, il pourrait frapper Pyongyang en Corée du Nord. Depuis l’océan Indien, il pourrait frapper n’importe où en Afghanistan.

Le passage à des missiles conventionnels est un concept né de la nécessité.

Suite à un traité de désarmement signé en 1992, la Navy devait abandonner 4 de ses 18 SNLE, d’énormes sous-marins qui, pendant des décennies, ont servi de plateformes mobiles pour des missiles nucléaires à longue portée et ont été les principaux joueurs dans le jeu du chat et de la souris entre Washington et Moscou pendant la Guerre Froide.

Au lieu de démanteler les sous-marins, la Navy les a converti. Les armes nucléaires ont été remplacées par des missiles de croisière Tomahawk et plusieurs des tubes de lancement ont été modifiés pour déployer des Navy SEALs dans des submersibles.

A cause de la taille importante du sous-marin — il mesure 177 m de long — il y a plus de place pour ses 160 membres d’équipage et des dizaines de commandos que sur un sous-marin d’attaque. Les marins ont des couchettes plus grandes et plus de place pour travailler, ce que les SEALs font constamment.

Protection
Kye Rymer, un membre d’équipage de l’Ohio, assure la garde àbord du sous-marin. © NavyTimes

Parmi les SEALs, la discrétion reste une façon de vivre.

Dans un compartiment à quelques mètres des tubes de lancement des missiles Tomahawk, le chef du contingent des SEAL a accepté d’être interviewé, mais seulement s’il n’était pas identifié ou photographié, pour que lui ou sa famille ne puisse être attaqué par des terroristes, pour qui assassiner un SEAL serait un important coup de propagande.

“Nous allons dans des endroits,” dit-il. “Tenons-nous en à ça.”

Pendant qu’ils étaient près de Guam, les SEALs ont effectué des exercice simulant le lancement en plongée de leur submersible et un débarquement pour évaluer une menace terroriste fictive. Guam était appelé “Backwateria” et les terroristes, “Al-Shakur.” Les noms étaient repris d’un dessin animé très populaire.

L’île aurait aussi bien pû être Taïwan, ou les côtes de Corée du Nord.

Le commandant des SEAL a expliqué que les exercices n’étaient pas dirigé contre un pays en particulier.

Cependant, a-t-il dit, ce n’est pas seulement un entraînement pour faire passer le temps.

“Cette capacité a été utilisée auparavant, et elle sera probablement utilisée à nouveau,” a-t-il ajouté.

Source : NavyTimes (Etats-Unis)