Désormais, les trafiquants de drogue se tournent vers les sous-marins

  • Dernière mise à jour le 6 juillet 2010.

Les saisies de drogue en Amérique du Sud connaissent un nouveau record, avec 70 tonnes de cocaïne saisies par la seule marine Colombienne l’an dernier, poussant les cartels à transporter leur marchandise plus profondément, sous les vagues.

L’an dernier, plus de 10 sous-marins — ou “narco-subs” — ont été découverts par les marines Colombienne et Américaine, plus que tous ceux qui avaient été découverts au cours des 10 années précédentes.

"Plus le temps passe, les trafiquants de drogue changent la manière dont ils transportent la drogue," a déclaré Juan Carlos Molano, un capitaine des gardes-côtes.

Jusqu’à présent, la méthode favorite était l’utilisation de speed boats ultra-rapides, conçus pour transporter très rapidement des tonnes de drogue, en particulier dans les Caraïbes, naviguant si rapidement que la marine n’a aucun navire assez rapide pour les intercepter.

Désormais cependant, les marines Américaine, Colombienne, Britannique et Néerlandaise qui patrouillent dans les Caraïbes coordonnent leur activité, faisant décoller des avions de patrouille et des hélicoptères pour intercepter les bateaux dès qu’ils quittent la côte Colombienne.

Un autre avantage des sous-marins pour les trafiquants est qu’ils peuvent transporter des cargaisons beaucoup plus importantes que les speed boats. Un des plus gros sous-marins utilisés a été découvert dans un estuaire dans la province de Narino, sur l’océan Pacifique. Une construction massive en fibre de verre de près de 20 m de long et 3 m de large, le sous-marin aurait puû transporter 12 tonnes de drogue, avec un équipage de 4 hommes. Sa construction aurait coûté 750.000£ (1 million €).

Dans le même mois, à quelques 100 km de là, près du centre de trafic de drogue de Buenaventura, 2 sous-marins supplémentaires ont été découverts dans un chantier de la guerrilla, chacun long d’environ 18 m.

Les sous-marins, comme les speed boats, étaient construits par les rebelles des FARC. Cette armée rebelle forte de 12.000 hommes et femmes est largement financée par le trafic de drogue et travaille maintenant en coopération, non seulement avec les cartels de drogue, mais aussi avec les paramilitaires d’extrême-droite qui étaient auparavant leurs ennemis jurés. Un des sous-marins était terminé, propulsé par un moteur diesel de 350 cv et de réservoirs assez grands pour aller jusqu’au Mexique ou n’importe où en Amérique Centrale.

La plupart des sous-marins ne sont pas complètement submersibles, dans le sens où ils ne plongent pas profond comme les sous-marins militaires. Les sous-marins transportant de la drogue sont plus exactement semi-submersibles, ce qui signifie que le corps du sous-marin reste sous l’eau, avec seulement des tubes d’alimentation en air et une partie du système de navigation visibles en surface.

"Ce qui est visible est si petit qu’il est difficile pour des radars terrestres ou aériens de les détecter," a déclaré l’amiral Gabriel Garcia.

Il est clair que certains des “narco-subs” peuvent parcourir des milliers de km. L’un d’entre eux, long de 11 m, a été découvert l’an dernier sur la côte nord-ouest de l’Espagne, sans aucun doute abandonné après que son chargement de 5 tonnes de drogue ait été déchargé.

Un responsable des gardes-côtes de Colombie a indiqué que l’équipage d’un “narco-sub”, arrêté l’an dernier après que leur submersible de 18 m ait coulé au large de Tumaco (Colombie), a déclaré à la police qu’ils considéraient l’engin comme un piège mortel, mais qu’ils avaient été attirés par les 1.000 £ (1.500 €) que les magnats de la drogue leur avaient promis s’ils conduisaient le submersible en Amérique Centrale.

Lorsqu’on lui a demandé de décrire les détenus, le responsable des gardes-côtes a simplement dit : "Cinglés."

Outre des semi-submersibles, les trafiquants de drogue sont connus pour aussi utiliser des conteneurs sous-marins remplis de drogue et attachés par un câble à un bateau de pêche et remorqués dans leur sillage. L’avantage de ce système est que, si le bateau est intercepté, le bateau de pêche largue simplement le câble retenant la drogue, ce qui signifie qu’il n’y a plus aucune preuve du trafic.

Cependant, les équipages des “narco-subs” ont aussi des ordres pour saborder leurs engins plutôt que de permettre que la drogue soit saisie. Le 7 décembre, 4 hommes ont été secourus après avoir sabordé leur “narco-sub”, rempli de près de 12 t de drogue. Ils ont été récupérés par un bâtiment de l’US navy, leurs vétements montrant des preuves de contact avec la cocaïne.

Le sous-marin a coulé par près de 3.000 m de fond, selon l’amiral Edgar Cely, le chef des opérations de la marine Colombienne, emportant avec lui la plupart des preuves contre l’équipage. Les hommes ont reconnu avoir été payés 1.000 £ chacun pour conduire l’engin en Amérique Centrale.

Ce qui inquiète aussi les responsables du renseignement Colombien et Américain est l’usage militaire qu’il pourrait être fait de ces sous-marins.

"Il pourrait y avoir 5 t de n’importe quoi à bord de ces engins," a indiqué un haut-responsable militaire Américain impliqué dans la "guerre contre la drogue".

Un haut-responsable de la DEA [1] en Colombie a expliqué : "Toute méthode viable permettant de transporter discrètement de grandes quantités de drogue sur de longues distances comme ces sous-marins pourrait être utilisée pour transporter d’autres matériels interdits."

Les trafiquants vont aux extrêmes

Le plus grand “narco-sub” jamais découvert à ce jour mesurait 33 m de long et aurait pu transporter 200 tonnes de cocaïne.

L’atelier de Bogota où il était construit — apparemment sur des plans Russes — a été découvert en 2000 par la police Colombienne avant que l’engin ne puisse être utilisé.

Comme la capitale Colombienne se trouve enclavée dans les terres, les responsables pensaient que, une fois terminé, le sous-marin aurait été démonté et transporté par camion vers la côte Pacifique ou Caraïbe.

La décision d’utiliser des moyens toujours plus discret est une réaction aux efforts internationaux de lutter contre le trafic.

Même ainsi, les moyens sont un problème. La DEA a déclaré le mois dernier au cours d’une audition d’un comité du Sénat Américain qu’elle disposait de beaucoup plus de renseignements sur les cartels d’Amérique du Sud qu’elle ne pouvait en utiliser, faute de moyens.

Quoi qu’il en soit, les Gardes-Côtes Américains ont récemment indiqué que le trafic de cocaïne semblait se déplacer des Caraïbes vers le Pacifique, alors qu’ils annonçaient des saisies record effectuées l’an dernier.

"Nous les avons forcés à utiliser des routes dangereuses et coûteuses," a déclaré le Commander Bob Watts en annonçant des saisies de cocaïne pour une valeur de plus 4,7 milliards USD$ (3.19 milliards €).

Il a indique que, à cause de la surveillance accrue des Gardes-Côtes Américains en mer des Caraïbes, les trafiquants utilisent des tactiques plus risquées, comme dissoudre la cocaïne dans du diesel.

Il a expliqué qu’ils avaient été contraints d’utiliser les routes du Pacifique, plus coûteuses et plus ardues, comme celles passant par les îles Galapagos, depuis que la plupart des routes passant par la mer des Caraïbes ont été fermées. L’Afrique est de plus en plus utilisée comme un point de passage pour parvenir sur le marché Européen de la drogue.

Selon le Bureau des Nations Unies sur les Drogues et la Criminalité, la Colombie est le plus gros producteur au monde de cocaïne, suivi par le Pérou et la Bolivie.

Notes :

[1Drug Enforcement Administration.

Source : The Scotsman (Grande-Bretagne)