Le blues du missile Russe Bulava (3ème partie)

  • Dernière mise à jour le 19 août 2007.

La Russie a un passé de construction de missiles balistiques habituellement fiables en quantité impressionnante, y compris des fusées habitées d’un type que les Etats-Unis ne peuvent plus produire. Par conséquent, pourquoi a-t-elle tant de problèmes avec son nouveau missile balistique Bulava, lancé depuis un sous-marin ?

La partie précédente : Le blues du missile Russe Bulava (2ème partie).

Le problème pourrait être en partie la conséquence de la perte des sources d’ingéniérie du Donbass, le bassin du Don, qui fait désormais partie de l’Ukraine indépendante. Mais il semble peu probable que cela soit le véritable problème. Après tout, le passé de la Russie de lancement d’une parade apparemment sans fin de cosmonautes et même d’astronautes Américains vers la Station Spatiale Internationale, même lorsque la navette Américaine, connue pour son manque de fiabilité, est bloquée au sol pour des mois, reste enviable. Et d’autres systèmes de missiles stratégiques comme le RS-24 et le Topol-M ont eu des développements beaucoup plus réguliers. Pourquoi donc des problèmes avec le Bulava ?

Ce n’est même pas comme si le Bulava avait une nouvelle conception entièrement nouvelle : dans la meilleure tradition du développement aérospatial des 90 dernières années, il s’agit d’une adaptation et d’une évolution d’un concept déjà fiable et testé : le Topol-M.

Pas plus que le problème n’ait été un manque de ressources. Les prix du pétrole et de l’énergie en général ont régulièrement augmenté au cours des 8 dernières années, et sous le Président Vladimir Poutine, la Russie est devenue le plus grand exportateur combiné de gaz et de pétrole. Poutine et son ministre de la défense pendant longtemps, l’actuel Premier Vice-Premier Ministre Sergei Ivanov, ont tiré avantage de cette manne pour investir des ressources dans le réarmement stratégique et des programmes de modernisation que l’on n’avait pas vu en plus d’un quart de siècle, depuis l’âge d’or du Président Soviétique Léonid Brejnev.

Comme le remarquait le 27 décembre 2006 le quotidien indépendant Kommersant, "le missile balistique intercontinental R-30 Bulava, ou SS-NX-30, est une version du missile basé à terre Topol-M dont la longueur a été réduite pour tenir dans le tube de lancement d’un sous-marin. Cela réduit la quantité de propergol solide qu’il peut emporter et réduit sa portée à quelques 7.700 km, une distance encore formidable. ... Chaque Bulava peut emporter jusqu’à 10 têtes nucléaires indépendantes (MIRV) sur des cibles différentes, donc un seul sous-marin de la classe Borei aurait la capacité d’annihiler jusqu’à 120 villes Américaines ou Européennes."

Mais les concepteurs du Bulava au Heat Technology Institute de Moscou ont dû relever un autre défi avec leur missile. Afin d’entasser 12 à 16 d’entre eux dans les tubes des 4 SNLE de “quatrième génération” de la classe Borei (projet 955), ils ont dû réaliser des missiles plus légers autant que plus courts qui soient tout de même capables d’emporter jusqu’à 10 MIRV. Chaque Bulava a donc été conçu pour ne transporter qu’une charge utile de seulement 30 tonnes.

Comme l’a écrit Viktor Yuzbashev, un commentateur respecté des affaires militaires Russes, dans un article publié cette semaine par RIA Novosti, “certains experts prétendent qu’un missile aussi léger ne peut pas emporter 10 têtes nucléaires.”

Les missiles stratégiques Russes ont généralement été plus gros que les Américains. Même les précédentes générations de missiles stratégiques étaient prévues pour être embarquées sur des SNLE gigantesques de 24.000 tonnes, les Typhoon, plus gros que la dernière génération de porte-avions Britanniques. Mais les Typhoon étaient par conséquent des cibles faciles pour les SNA Américains équipés de technologies furtives sous-marines. Les concepteurs Russes croyent et espèrent que les Borei, plus petits et plus silencieux, vont enfin disposer des caractéristiques discrètes dont disposent depuis des décennies les sous-marins nucléaires Américains. Mais en contrepartie, cela signifie des tubes plus petits et des missiles plus petits.

Les malheurs des essais du Bulava ne peuvent par conséquent pas simplement être corrigés avec plus de ressources ou en utilisant les anciennes recettes des missiles balistiques Soviétiques (ajouter des boosters externes ou agrandir l’enveloppe du missile). Il reste à voir si le Bulava a finalement surmonté ses vieux problèmes.

Source : United Press International (Etats-Unis)