Le blues du missile Russe Bulava (2ème partie)

  • Dernière mise à jour le 19 août 2007.

Pourquoi le formidable nouveau missile balistique Russe Bulava, lancé depuis un sous-marin, a-t-il eu autant de problèmes de développement ?

Comme nous l’avons remarqué dans le précédent article, l’amiral Vladimir Masorin, le commandant en chef de la Marine Russe, a annoncé que le missile Bulava — désignation OTAN SS-NX-30, une version navale du missile Topol-M (désignation OTAN SS-27), basé à terre — vient juste d’être approuvé pour une production de masse.

L’approbation d’un nouveau missile balistique intercontinental Russe, pouvant être lancé depuis des sous-marins nucléaires, ayant la capacité de transporter jusqu’à 10 têtes nucléaires (MIRV), ne se produit pas tous les jours, ni même à chaque décennie. Le feu-vert est un hommage à la détermination du Président Russe Vladimir Poutine, de son précédent ministre de la défense et désormais Premier Vice-Premier Ministre Sergei Ivanov et, plus que tout, aux énormes profits engrangés grâce aux exportations record de gaz et de pétrole à 60 $ le baril qui ont permis aux dirigeants de la Russie d’utiliser autant de ressources pour revitaliser leur arsenal nucléaire stratégique.

Mais il faut aussi noter l’histoire particulièrement erratique et imprévisible du développement du missile Bulava.

La science des fusées — ou, plutôt, la conception des fusées — est une discipline loin d’être prévisible. Tellement de choses peuvent mal se passer et il y a tellement de choses à apprendre qui ne peuvent être apprises que d’échecs sans fin, d’essais et d’erreurs avant que la fiabilité opérationnelle puisse être finalement obtenue. Cela a été l’histoire constante des programmes de missiles balistiques Américains et de leurs équivalents Russes.

Mais même dans ce monde traversé par les étoiles, les hauts et les bas du missile Bulava sortent de l’ordinaire.

Comme l’a écrit Viktor Yuzbashev, un commentateur respecté des affaires militaires Russes, dans un article publié cette semaine par RIA Novosti, le missile Bulava a seulement été créé très tard au dernier moment dans une sorte de « spinoff » désespéré à partir du missile Topol-M, basé sur route et sur rail, bien considéré. Sous le Président Boris Eltsine, “le bureau d’études Miass avait conçu le missile D-129M Bark — désignation OTAN SS-NX-28,” écrit Yuzbashev.

Cependant, comme cela est arrivé avec tant d’autres projets civils ou militaires en Russie pendant la période chaotique, corrompue et déprimée de l’ère Eltsine de la fin des années 1990, il s’est terminé de façon peu glorieuse par un échec. Le Bark “s’est révélé trop gros pour les sous-marins, et les essais en vol ont révélé d’autres inconvénients. La Russie a annulé le projet en 1998, alors que le missile était presque prêt, à cause de l’augmentation des couts et de difficultés techniques,” écrit Yuzbashev.

Le missile Bark semble certainement avoir été un éléphant blanc parce qu’un bureau d’études complètement différent — le Heat Technology Institute de Moscou — a été alors chargé de concevoir un missile balistique pour sous-marin entièrement différent.

Comme souvent dans les programmes d’industrie lourde à grande échelle, les ingénieurs du HTI ne sont pas partis de zéro, et ce n’était pas ce qu’on attendait d’eux : ils ont cherché à développer et à adapter un plan réussi et bien établi, le Topol-M, pour un usage entièrement différent.

Les concepteurs du HTI ont aussi eu de la chance, en ce sens que lorsque le projet n’en était encore qu’à ses débuts, Poutine a succédé à Eltsine comme Président de la Russie le 1 janvier 2000. Immédiatement, la structure du gouvernement longtemps chaotique et délabrée a commencé à se stabiliser, et finalement, l’économie aussi. Finalement, les ingénieurs du HTI ont pû disposer de ressources financières et industrielles dont leurs prédécesseurs du Miass n’auraient jamais rêvé.

De plus, l’équipe du HTI devait avoir confiance à la fois grâce à leurs succès récents avec le Topol-M et à l’historique général de fiabilité et d’excellence que l’industrie des fusées Russes a depuis si longtemps. Comme nous l’écrivions dans ces lignes il y a quelques mois, “Compte-tenu de l’excellent et long historique du contrôle qualité du complexe militaro-industriel Russe dans la fabrication de missiles balistiques très fiables au cours des 50 dernières années, il semble irréaliste de parier contre le succès à long-terme du missile Bulava et son déploiement.”

Et pourtant, le Bulava a dû faire face à plus de problèmes de conception et de test que l’équipe du HTI ne l’avait pensé.

A suivre : Le blues du missile Russe Bulava (3ème partie).

Source : United Press International (Etats-Unis)