USS San Francisco : une leçon de physique

  • Dernière mise à jour le 20 juin 2017.

Les forces sous-marines ont une politique de "gestion de l’espace maritime" : le commandant Mooney a rédigé un plan indiquant sa route prévue et la vitesse dans la zone pour s’assurer qu’il ne sera pas dans les mêmes eaux qu’un autre sous-marin et en même temps. Des sources de la Navy ont indiqué qu’il n’y avait rien dans ce plan qui aurait pu soulever quelque inquiétude.

De plus, compte-tenu des cartes qui ne montraient que des eaux profondes dans la zone, les règles ne prévoyaient qu’un sondage de profondeur que toutes les 30 minutes. En fait, le sous-marin aurait pu être incapable de réagir, même avec des sondages continus.

La montagne sous-marine était si abrupte qu’il y a des dommages visibles même sur le sommet du dôme sonar, ce qui signifie que le sous-marin a heurté un mur presque vertical.

L’USS San Francisco aurait pu détecter la montagne s’il avait utilisé son sonar actif, mais les sous-mariniers ne l’utilisent qu’avec parcimonie parce qu’il indique la position du sous-marin à tous ceux qui l’entourent [1]. Ils préfèrent utiliser le sonar passif - écoutant le bruit des autres navires et sous-marins. Mais les montagnes sous-marines ne font aucun bruit, et même s’il y avait eu des courants, le bruit des remous aurait été perdu dans le bruit que le San Francisco faisait alors qu’il accélérait.

Jeff Schweitzer, un chercheur au département de Physique de l’Université du Connecticut, a dit que l’énergie cinétique [2] du sous-marin était facile [3] à calculer - la moitié de sa masse (6,3 millions de kilogrammes) multiplié par sa vitesse (16,98 mètres par seconde avant l’accident, 2,06 mètres par seconde après), soit 902,4 megajoules avant, et 13,3 megajoules après. L’accident a donc libéré un peu plus de 889 megajoules d’énergie.

Le réacteur nucléaire de Waterford produit 870 megawatts, donc si le sous-marin a été ralenti en une seconde, l’accident a dégagé la même énergie que ce réacteur peut en produire.

“Cela a du produire quelques petites bulles,” déclare Schweitzer. “Cela fait beaucoup d’énergie, c’est pourquoi la collision a cassé du rocher et déformé de l’acier aussi dur.”

Il ajoute qu’il faudrait des calculs plus complexes pour déterminer où cette énergie est allée - combien a servi à déformer l’acier des ballasts, ou même à chauffer l’eau de mer autour de la coque - mais la quantité d’énergie était énorme.

La physique explique aussi les blessures, un principe physique fondamental étant qu’un corps en mouvement tend à rester en mouvement jusqu’à ce que quelque chose le ralentisse, que ce soit le frottement de l’air ou le robinet d’une vanne. Si le sous-marin a ralenti instantanément de 33 à 4 nœuds, en théorie, les membres d’équipage à bord ont continué à avancer à 29 nœuds par rapport au sous-marin jusqu’à ce qu’ils rencontrent quelque chose qui les arrêtent.

Schweitzer remarque, cependant que même être assis dans une chaise ou debout sur le plancher dissipe une partie de cette vitesse, et que le sous-marin a ralenti sur une seconde environ, ce qui fait aussi une énorme différence.

“Donc ce n’est pas la même chose que d’être projeté à 29 nœuds,” dit Schweitzer. “Mais il a du être beaucoup plus confortable d’être assis dans un siège avec sa ceinture attachée.”

Cependant, sur le moment, personne sur le San Francisco n’a fait les calculs. Ils étaient plus inquiets de sauver leur navire. A quelques 160 mètres, la pression de l’immersion est d’environ 16 kg par centimètre carrée, même une petite fuite aurait pu mettre rapidement le sous-marin en danger.

De plus, il est rapidement devenu évident que 3 des 4 ballasts avant avaient des fuites incontrôlables, ce qui fait que le sous-marin présentait une forte assiette vers l’avant. C’est dangereux pour deux raisons :
 n’importe quel mouvement vers l’avant pouvait amener le sous-marin à plonger plus profond ;
 n’importe quel changement de l’assiette ou de la gite pouvait enlever plus d’air des ballasts, rendant le sous-marin plus lourd, augmentant encore un peu plus cet angle.

Grâce à l’utilisation rapide des réservoirs et autres capacités situées dans le sous-marin, l’équipage a pu rejoindre la surface, bien que l’arrière soit un mètre plus haute que la normale, et que l’avant soit si enfoncée que les marques de tirant d’eau étaient invisibles.

Le réacteur, la propulsion et le réseau de distribution électrique ont continué à fonctionner normalement, ce qui a permis à l’équipage de se concentrer sur les ballasts.

ROBERT A. HAMILTON

Pour en savoir plus :
 L’accident du San Francisco a défié les compétences de l’équipage
 USS San Francisco : au moment de l’accident
 USS San Francisco : le retour au port

Notes :

[1C’est d’ailleurs la raison pour laquelle certains sous-marins n’ont plus de sonar actif (SNLE français par exemple).

[2due à la vitesse

[3Pour lui !

Source : The Day