Le Renard est dans le poulailler de Microsoft

  • Dernière mise à jour le 9 juillet 2021.

FIREFOX est l’exemple classique d’un succès immédiat, après des années de préparation.

Publié par la fondation Mozilla, un groupe àbut non-lucratif soutenant les logiciels open-source qui s’appuie sur les compétences de centaines de programmeurs volontaires, Firefox est un navigateur internet, rapide et qui dispose de fonctions qui manque àInternet Explorer de Microsoft. L’installation de Firefox est très rapide, facile et il est gratuit.

Le Renard est dans le poulailler de Microsoft
Dessin par The New York Times.

Firefox 1.0 a été publié le 9 novembre. Un mois jour pour jour après, la fondation célébrait une étape remarquable : 10 millions de téléchargement. Des dons de fans enthousiastes ont permis d’acheter deux pleines pages de publicité dans The New York Times de jeudi.

Jusqu’à maintenant, le système d’exploitation Linux était le plus connu des centaines de projets open-source qui tentent de concurencer Microsoft avec des logiciels gratuits et techniquement meilleurs qui s’améliorent au fur et à mesure de l’augmentation du nombre d’utilisateurs qui rapportent et corrigent les bugs. Mais, à moins que vous n’achetiez des logiciels pour un centre de données d’entreprise, vous n’avez probablement jamais senti le besoin d’essayer Linux vous-même.

Avec Firefox, le logiciel open-source sort de l’obscurité de l’arrière-cuisine pour entrer chez vous, et chez vos parents aussi (vos enfants l’utilisent parfois déjà à l’école). Il est fignolé, aussi simple d’utilisation qu’Internet Explorer et, le plus intéressant, bien mieux protégé contre les virus, les vers et autres menaces circulant sur le réseau mondial.

Microsoft a toujours vu l’intégration forte de Internet Explorer avec Windows comme une fonction attractive. Cela, cependant, était avant que la sécurité devienne un besoin immédiat et inassouvi. Firefox se tient, très léger, au-dessus de Windows, avec une séparation du système d’exploitation que le président de la fondation Mozilla, Mitchell Baker, appelle une "défense naturelle."

Pour la première fois, Internet Explorer perd des parts de marché. Selon un sondage mondial menée fin novembre par OneStat.com, une société basée à Amsterdam qui analyse le Web, la part de marché d’Internet Explorer est tombée à moins de 89%, 5 points de moins qu’en mai. Firefox représente maintenant 5% du marché et sa part continue d’augmenter.

Gary Schare, directeur de la gestion des produits Windows chez Microsoft, a reçu la tâche peu enviable d’expliquer comment Microsoft prévoit de répondre à Firefox avec un produit dont les fonctions n’ont pas été mises à jour depuis 3 ans. Il indique que les utilisateurs actuels de Internet Explorer continueront à l’utiliser une fois qu’ils auront pris en compte "tous les facteurs qui les ont fait choisir I.E. au départ." Je vous demande pardon ? Choisir ? Est-ce que I.E. n’est pas fourni intégré à Windows ?

M. Schare a déclaré que Firefox de Mozilla doit prouver qu’il peut passer en douceur de la version 1.0 à 2.0, s’est dès lors rejoui "d’un peu de navigation libre [1]." Si j’étais le porte-paroles d’une société de logiciels dont le navigateur gratuit est implanté sur tous les PC avec Windows, je ferais un peu plus attention avant d’utiliser le terme "free ride" [2].

Essayant de se montrer conciliant, M. Schare a aussi déclaré que lui et sa compagnie étaient heureux que Firefox fasse "partie du grand écosystème" des logiciels qui fonctionnent sous Windows. En fait, Firefox est oeucuméniquement neutre, puisqu’il est aussi disponible pour Mac et pour Linux.

M. Schare est peut-être le porte-paroles officiel, mais il n’utilise pas Internet Explorer lui-même. A la place, il utilise Maxthon, réalisé par une petite société du même nom. Il utilise le moteur d’Internet Explorer mais fournit beaucoup de fonctions qu’Internet Explorer n’a pas. "Je me suis décidé à cause des onglets," m’a-t-il dit, faisant référence à la possibilité d’ouvrir dans une seule fenêtre plusieurs sites Internet et de passer facilement de l’un à l’autre, plutôt que d’ouvrir une fenêtre différente pour chaque site et occuper la mémoire de l’ordinateur. Firefox utilise les anglets. D’autres navigateurs aussi. Mais des décisions fondamentales dans la conception d’Internet Explorer empêchent d’ajouter ce souhait des internautes, et d’autres encore, sans une mise à jour majeure de Windows, qui ne sera pas terminée avant 2006 au plus tôt.

Microsoft se trouve dans la situation fâcheuse de devoir se remettre en cause. A la fin 1995, à une époque lointaine où Netscape Navigator était associé avec le Web et Internet Explorer devait encore convaincre, Microsoft a pris la décision risquée mais stratégiquement très intelligente de redessiner entièrement la conception d’Internet Explorer - ré-architecturer, dans le jargon de l’industrie. Comme Michael A. Cusumano du M.I.T. [3] et David B. Yoffie d’Harvard l’ont raconté dans leur livre de 1998, "Competing on Internet Time : Lessons From Netscape and Its Battle With Microsoft," la décision a impliqué de retarder la sortie d’Internet Explorer 3.0, mais le produit final était technologiquement supérieur au navigateur de Netscape. Dans Browser Wars I (la Guerre des Navigateurs I), le meilleur navigateur a gagné.

Aujourd’hui, c’est Internet Explorer qui a besoin d’être entièrement repensé du début à la fin, décision longtemps retardée d’étudier une nouvelle conception où la sécurité serait intégrée au plus profond du code. Firefox est le challenger grâce à un code entièrement nouveau et nettoyé. Netscape a donné son logiciel à la fondation Mozilla, qui a utilisée une approche open-source pour entreprendre une réécriture complète qui a pris 3 ans. Firefox est conçu à partir de la base de Mozilla.

Tout ce que Microsoft peut offrir aux utilisateurs d’Internet Explorer, ce sont des améliorations incrémentales de la sécurité, de nouveaux patches pour corriger des failles de sécurité ouvertes dans les anciens patches. Dans Windows XP Service Pack 2, dont la société prétend qu’il s’agit d’une avancée majeure en matière de sécurité, un avertissement affiché si l’utilisateur tente de télécharger une petite application appelée “contrôle ActiveX”, l’informe que celui-ci peut prendre le contrôle de son PC et, dans le pire des cas, effacer son disque dur. "Les utilisateurs doivent encore prendre des décisions éclairées," explique M. Schare. Avec Firefox, les utilisateurs n’ont pas à prendre de décisions éclairées à propos de ces petits programmes : ils sont bloqués par conception.

Bruce Schneier, le responsable technique chez Counterpane Internet Security Inc. et une autorité sur les questions de sécurité, ne cache pas sa colère contre Microsoft lorsqu’il prétend avoir amélioré la sécurité d’Internet Explorer. "Quand ma mère obtient un avertissement ’Voulez-vous télécharger ceci ?’ elle répond toujours OUI" dit-il. "C’est trompeur de la part de Microsoft de vous donner tous les moyens de vous pendre, et lorsque vous le faites, ils vous disent que c’est de votre faute." Il conseille à ses clients (et à sa mère) : "N’utilisez pas Microsoft Internet Explorer, point final." Il a utilisé le navigateur Opera, mais, après avoir essayé Firefox, il indique à son propos qu’il est "une bonne alternative."

Ce mois-ci, les dirigeants de la Pennsylvania State University ont recommandé à leurs étudiants et au personnel d’arrêter d’utiliser Internet Explorer à cause des problèmes persistants de sécurité. Le communiqué précisait que "les menaces sont réelles, et des alternatives existent."

Coincé avec un code datant d’une époque révolue où le besoin de protection contre les méchants était peu considéré, Microsoft ne peut pas faire grand chose. Il n’offre pas une version indépendante d’Internet Explorer. A la place, le client loyal doit télécharger et installer la dernière version du Service Pack 2. Qui, soit dit en passant, nécessite Windows XP. Ceux qui ont une version précédente de Windows n’ont pas de chance s’ils souhaitaient conserver Internet Explorer.

M. Schare de Microsoft fait une suggestion à ceux qui ne peuvent utiliser les dernières du Service Pack 2 : acheter un nouvel ordinateur personnel. En suivant son raisonnement, les problèmes de sécurité causés par la porte endommagée d’une voiture ne pourrait être corrigé que par l’achat d’une nouvelle voiture complète. L’analogie vient directement de M. Schare. "C’est comme acheter une voiture," dit-il. "Si vous voulez avoir les dernières fonctions de sécurité, vous devez acheter le dernier modèle."

Dans ce cas, le tout dernier modèle n’est pas un Internet Explorer de 2001, mais un Firefox de 2004.

Randall Stross est un historien et un écrivain habitant la Silicon Valley.


La traduction correcte de Firefox n’est pas “Renard de feu” ! En effet, en anglais, le firefox est une espèce de panda rouge. Voir l’article en anglais, en français.

Notes :

[1a bit of a free ride

[2Double-sens en anglais de free qui signifie à la fois "libre" et "gratuite"

[3Massachusetts Institute of Technology

Source : The New York Times (enregistrement nécessaire)