La marine nationale pourrait-elle racheter le HMS Queen Elizabeth ?

  • Dernière mise à jour le 20 octobre 2010.

A l’annonce que la Grande-Bretagne pourrait vendre son premier porte-aéronefs, le HMS Queen Elizabeth, à l’admission au service du 2è, le HMS Prince of Wales, certains observateurs ont évoqué l’éventualité que la marine nationale puisse le racheter. Si, à première vue, cela pourrait permettre de disposer à bon compte d’un 2è porte-avions, les choses ne sont pas aussi simples que cela.

La Grande-Bretagne a annoncé que le HMS Queen Elizabeth ne serait mis en service comme porte-hélicoptères, et qu’il serait mis sous cocon “indéfiniment” dès la mise en service du 2è, le HMS Prince of Wales.

Cette annonce officielle pose 3 questions :
 le HMS Queen Elizabeth sera-t-il mis en vente ?
 à quel prix ?
 quelles marines seraient intéressées ?

 Mise en vente ?

Pour la presse britannique, la chose semble entendue. A moins d’un changement de politique, qui a bien peu de chance de se matérialiser en raison des énormes difficultés financières du ministère de la défense, le HMS Queen Elizabeth sera mis en vente après la mise en service du HMS Prince of Wales.

Même sous cocon, la Royal Navy devra en effet chaque année payer un entretien minimum du porte-aéronefs pour permettre une remise en service, aussi improbable qu’elle puisse être.

Le bâtiment pourrait donc, à l’horizon 2020, se retrouver sur le marché de l’occasion.

 A quel prix ?

Sur le plan financier, le rachat d’un bâtiment d’occasion, quel qu’il soit, est généralement une bonne affaire, surtout si le bâtiment n’ait pas passé trop de temps sous cocon.

Lors de la vente des sous-marins anglais de la classe Obéron au Canada, les sous-marins étaient restés plusieurs années sous cocon avant d’être transférés au Canada. Ceux-ci avaient découvert lors de la remise en service plusieurs problèmes graves qui avaient dû être corrigés avant le transit vers le Canada.

Dans le cas du HMS Queen Elizabeth, le prix annoncé pour sa construction est de 2,5 milliards £ (2,85 milliards €). Il est certain que l’acheteur, quel qu’il soit, bénéficiera d’une réduction conséquente sur ce montant, puisque cela permettra à la Grande-Bretagne d’éviter d’avoir à payer son entretien, même minimal.

D’autre part, la Royal Navy pourrait décider de conserver certains équipements, soit qu’ils n’intéressent pas l’acheteur éventuel qui utilise d’autres matériels, soit que, fabriqués aux Etats-Unis, ceux-ci en refusent l’exportation vers le pays intéressé, soit que la Royal Navy souhaite les conserver comme pièce de rechange pour d’autres bâtiments.

Enfin, la marine intéressée devra, outre la remise en état du bâtiment et l’installation des équipements non-transférés ou purement nationaux, aussi terminer le porte-aéronefs. En effet, le premier ministre David Cameron a annoncé que le HMS Queen Elizabeth serait utilisé comme porte-hélicoptères. Ce qui signifie que les équipements nécessaires à la mise en œuvre des avions de chasse ne seront pas installés.

La modification la plus couteuse sera probablement d’installer des catapultes et des brins d’arrêt pour les avions de chasse type Rafale ou F-18 américains. Le prix des catapultes destinées au PA2, s’élevait en 2007 à 50 millions €. Fort heureusement, la Royal Navy s’était "réservé" dès la conception la possibilité d’installer ce type d’équipements. Les modifications ne nécessiteront donc que des travaux "limités".

 Quelles seraient les marines intéressées ?

Officiellement, bien évidemment, aucune marine n’a évoqué publiquement son intérêt pour le HMS Queen Elizabeth. Ce type de sujet est généralement évoqué à morts couverts, entre 4 yeux, par des allusions plus ou moins directes. Il est probable que cette vente éventuelle ne soit évoquée publiquement que lorsque le contrat sera presque signé.

 La presse britannique a déjà évoqué l’intérêt supposé de l’Inde. Ce pays construit actuellement un porte-avions, fait remettre en état un 2è en Russie, et ne cache pas ses ambitions pour l’avenir. En plus du porte-avions en construction dans ses chantiers navals, la marine indienne veut en construire un autre, dont la mise en service interviendrait vers 2018. Tous ces porte-avions seront équipés de sky-jump et de brins d’arrêt, et mettront en œuvre le chasseur russe Mig-29K.

 Suite à l’annonce de la décision britannique, certains journaux spécialisés français ont évoqué la piste de la marine nationale, mais l’ont-ils fait sérieusement ?

La marine nationale a bien un projet de construction de 2è porte-avions, qui était censé être conçu en coopération avec les Britanniques. Mais l’état des finances de la France a fait que la décision de lancer (ou non) le projet a été reportée à 2012.

La possibilité d’embarquer des appareils français sur le HMS Prince of Wales sera probablement suffisante pour suppléer aux arrêts programmés du Charles de Gaulle, dans une situation courante.

Mais des difficultés politiques apparaitraient certainement si la France décidait d’une intervention de "son" groupe aérien, ne serait-ce que pour savoir qui a le contrôle opérationnel de la force.

Mais la plus grande difficulté que poserait la vente du HMS Queen Elizabeth à la France, serait probablement le facteur psychologique. Imaginez la réaction du public britannique — sans parler des marins — à l’annonce que le bâtiment qui porte le nom de la reine sera vendu aux Français. Ce serait probablement la même que si on annonçait que la Jeanne d’Arc serait livrée à un chantier britannique pour y être démantelée.

 D’autres marines pourraient aussi être intéressées. On peut penser par exemple à celle du Brésil qui, à l’horizon 2020, pourrait chercher à remplacer le Sao Paulo. Mais ces pays ont-ils les moyens financiers nécessaires ? La Grande-Bretagne serait-elle prête à leur vendre ce porte-avions ?

D’ici 2020, de nombreuses choses peuvent changer, et la décision politique d’un futur gouvernement britannique pourrait remettre en cause la mise sous cocon annoncée du HMS Queen Elizabeth.