Royal Navy et Europe militaire

  • Dernière mise à jour le 20 novembre 2009.

Le Portail rapporte encore une fois une nouvelle concernant la déconstruction de la marine britannique. Souvenez-vous : les médias britanniques parlaient, il y a encore si peu, de la possibilité que le deuxième porte-avion britannique soit gréé en porte-hélicoptère (pour ne pas remplacer l’Ocean), et au passage, réduire la voilure sur le groupe aérien. Il est donc rapporté par le Guardian que le second porte-avion pourrait être tout simplement revendu. L’Inde serait (forcément intéressée, vu l’affaire du Gorshkov) sur les rangs. Une nouvelle à rapprocher des bruits outre-Manche qui rapportent aussi la possible vente des T45 n°5 et 6 à l’Arabie Saoudite.

  Réduction de voilure...

Une nouvelle de plus concernant la crise fondamentale que traversent les forces armées britanniques. Où aller chercher les causes ? Le Mamouth répond : " Ce coup de massue est la conséquence d’une liste interminable de causes, de la récession, à la dérive de coûts et délais enregistrés dans tous les programmes majeurs (Nimrod, Typhoon, JSF, Chinnok HC3, A400M) qui font les délices des élus et journalistes, outre-Manche. Ceci, évidemment, sans compter que le RAF est en guerre en Irak depuis 2003 et en Afghanistan depuis 2006. " Ce dernier évoque des coupes budgétaires lourdes dans la Royal Force donc, mais qui ont touché l’ensemble de l’armée britannique ! Crise fondamentale on vous dit.

La crise frappe de façon sourde. On ne rapporte pas l’avenir des navires d’escorte de la Royal Navy (T22 et 23), des patrouilleurs océaniques et autres chasseurs de mines. C’est pour une raison simple, ils n’en ont pas. Aucun programme sérieux n’a vu le jour. Les SNA ? ils sont dans la même situation que le programme de porte-avions. Ils n’ont pas atteint la masse critique qui concourt à l’efficacité du dispositif (permanence aéronavale, six SNA).

Il existe un plan de secours pourtant. Il existe depuis longtemps. Et paradoxalement, il fait appel à l’une des plus grandes qualités des britanniques : le pragmatisme. Il existe dans les armées des outils dits "multiplicateurs de force". Ces outils (comme le ravitaillement en vol ou à la mer) permettent de tirer un plus grand parti de matériel militaire pour faire simple. Et en Europe, nous avons une chance formidable : il existe des multiplicateurs de force institutionnels : tout les dispositifs de l’Europe de la défense.

 Que faire du multiplicateur de force "Union Européenne" ?

Le Royaume Uni a encore mis son véto à un budget plus solide de l’Agence Européenne de Défense (Bruxelles2). C’est pourtant cette dernière qui doit recenser et rapprocher les démarches d’acquisitions de matériels militaires en Europe. Un véto contre 26 Etats pour. Ce n’est pas la preuve que Londres soit radine, c’est une affirmation politique avant tout. Et pourtant, la Grande-Bretagne est la mieux placée pour profiter de l’Europe et pour retrouver des marges de manœuvre. Combinez cette démarche à un rapprochement avec la France, son "alter ego" militaire en Europe, vous trouverez les solutions pragmatiques qui font le délice de nos voisins.

" De quoi, peut-être, encore rapprocher les deux armées de l’Air, seulement séparées, désormais, par la... Manche " (Mamouth).

 La Royal Navy hésite sur sa dissuasion nucléaire ?

Il est évoqué la possibilité que le renouvellement de la classe Vanguard se limite à trois nouveaux navire. Il est aussi communément admis que 3 navires ce n’est pas les quatre qui rendent une dissuasion crédible.

Solution européenne : accord politique entre la France et le Royaume-Uni sur une doctrine nucléaire commune. Accord sur le choix des missiles balistiques. Accord sur le choix des têtes nucléaires (si autre chose que des têtes françaises peuvent être embarquées). C’est un vaste programme. Très lourd à mener. Mais la réalité est là, nos voisins hésitent à renouveler véritablement leur outil. La chute à trois navires en est la preuve. Mais surtout l’abandon, la collision entre nos deux marines a montré la pertinence de disposer de quatre navires. Mais la collision budgétaire ne s’est pas encore produite. Une coopération entre nos deux pays sur la construction d’une classe commune de SNLE et un dispositif de patrouilles commun offrent de belles perspectives. Le mot est faible. Et la véritable possibilité de descendre à trois navires chacun, voire deux !

 La Royal Navy a besoin d’un outil aéronaval "complet" ?

Il n’est pas sûr que la marine britannique dispose d’un véritable outil aéronaval : la permanence aéronavale. De plus, le sort de l’avion embarqué reste des plus obscurs.

Solution européenne : notification à l’AED. Première difficulté, les coopérations renforcées ne pourraient se mettre en œuvre qu’entre aéronavales du même acabit. Est visé ici la problématique de l’appareil embarqué. Pour coopérer avec l’outil aéronaval français, un appareil CATOBAR (usant de brins d’arrêt et de catapultes) facilitera la chose. Un appareil STOVL (du même type que le Harrier) serait imaginable mais dans les limites connues de ce dispositif (pas de tremplin sur le Charles de Gaulle). Pour une coopération renforcée on soulèvera avec malice la solution du Rafale anglais qui serait un facilitateur de coopération sans commune mesure. Ce serait la mesure à partir de laquelle découlerait toute les autres.

Dans la situation peu reluisante où les Royales française et britannique se retrouveraient donc avec un seul porte-avion chacune, la permanence aéronavale se résumerait à un déploiement d’appareils de l’une des marines sur le navire de l’autre pour limiter la perte de compétences. A l’image de l’embarquement des Rafale sur le Theodore Roosevelt.

 La Royal Navy n’aura plus de frégates ? De chasseurs de mines ?

Aucun programme sérieux n’a vu le jour comme il a été dit. La pénurie se fera sentir aux alentours de 2020.

Solution européenne : Le programme FREMM existe déjà. Les coopérations entre Espagnols, Danois et Hollandais aussi. Ou entre Allemands et Hollandais. Ce ne sont que les exemples principaux. L’Angleterre a le choix de ses partenaires. En l’absence de programme national elle risque d’acheter sur étagères, du moins pour les frégates.

Concernant les chasseurs de mines, tout est à faire et les solutions sont beaucoup plus ouvertes. Et il faut garder à l’esprit que le programme CMT reste une référence du genre. Ce programme fût tellement bon que même la modernisation des navires fût commune. Avis aux amateurs.

 La Royal Navy n’aura plus de patrouilleurs océaniques ?

La France a un domaine de 11 millions de km² et 4 millions pour le Royaume-Uni. La première y consacre 34 navires qui vont devoir être remplacés. C’est la raison du programme BATSIMAR (qui semble omettre les avisos réformés pour cette mission et les frégates de surveillance).

Solution européenne : notification des besoins des deux marines à l’AED. Il serait surprenant de ne pas viser la réussite du programme FREMM. Pourquoi pas un PREMM (PatRouilleur Européenn Multi-Mission) ? Ces navires remplissent une large gamme de mission, c’est un fait bien connu. Et le besoin est grand en Europe. Italie, Espagne, Portugal pour ne citer qu’eux ont aussi des besoins pour des navires de surveillance et de souveraineté.

 La Royal Navy a besoin de pétroliers-ravitailleurs ?

La Royal Navy n’aura surement pas les moyens de remplacer ses pétroliers ravitailleurs dans le format actuellement exploré dans le programme MARS.

Solution européenne : faire connaître le marché à l’Agence Européenne de Défense (AED) pour trouver un partenaire européen dans la même situation... Comme la France. Les choix techniques changeront sûrement. Il se pourrait même que les navires soient "originaux". Il est fortement possible que les fonctions de pétroliers-ravitailleurs et de navires ateliers soient réunies. Mais à l’image du programme JSS canadien, seront-ils des "demi-TCD" ?

Et pour aller plus loin, il faudrait lancer une réflexion sur une flotte européenne de pétroliers ravitailleurs. Elle pourrait être conçue et mise en œuvre pour le seul besoin d’entraînement des forces dans les eaux européennes. Les océans restant la pleine souveraineté des marines océaniques...

Il est de plus en plus courant de voir que le Royaume-Uni, acculé dans une attitude très eurosceptique aurait tout à gagner à jouer le potentiel européen. Ce serait pragmatique mais paradoxal pour ce pays. De plus, c’est les dégâts non maîtrisés de la relation "spéciale" avec les USA qui pourrait les convaincre. On reste suspendu aux discussions sur la sécurité nationale outre Manche qui pourraient accoucher d’un livre blanc, plus européen. Et de nouvelles avancées dans l’Europe de la défense. Du moins espérons le.

Si jamais les britanniques doutaient des avantages, peut être faudrait-il leur rappeler que chaque jour, un peu plus, la Marine Nationale française confirme un peu plus sa stature de première marine d’Europe.

L'analyse de la rédaction :

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