L’INS Arihant est de conception indienne

  • Dernière mise à jour le 17 août 2009.

Le premier ministre indien, Manmohan Singh, a levé le voile sur le très secret sous-marin nucléaire indien, l’INS Arihant. Mais aucun détail n’a été dévoilé, que ce soit sur le sous-marin ou sur son réacteur nucléaire, qui alimente ce projet indien. L’Inde est devenue la 6è puissance, après la Russie, l’Amérique, la France, la Grande-Bretagne et la Chine, à disposer de ses propres sous-marins nucléaires, une exigence essentielle pour la capacité de riposte indienne. Dans un entretien exclusif à Pallava Bagla, journaliste scientifique de NDTV, le chef du programme indien de l’énergie atomique, Anil Kakodkar, révèle comment le “bébé” réacteur a été assemblé. Le réacteur fonctionne depuis plusieurs années et en construction pendant plus d’une décennie. Mais, à cause du secret du projet, personne ne l’a su.

Ce sous-marin nucléaire, pour lequel le réacteur a été conçu par votre équipe, à quel point est-ce une réussite importante ?

Eh bien, nous avons un réacteur de propulsion compact qui a été testé à Kalpakkam pendant les 3 dernières années. C’est le prototype exact de ce qui a été installé à bord du INS Arihant qui vient d’être lancé. Donc, c’est une réussite importante d’une nouvelle technologie de réacteur qui, à propos, sera aussi nécessaire pour le programme de réacteurs producteurs d’électricité, plus gros, parce que ils seront basés sur des réacteurs à eau pressurisée. Donc c’est important pour les 2. Nous avons un réacteur compact pour la propulsion, mais nous avons aussi la technologie eau pressurisée qui peut être utilisée pour la production d’électricité par des moyens nationaux à l’avenir.

Pourquoi les Indiens devraient-ils en être fiers ?

Eh bien, on doit être fier parce que il a été fait ici, il a été fait par des Indiens et c’est quelque chose qui n’est pas disponible sur demande, quelle que soit la somme qu’on puisse payer. Il n’y a aucun moyen de l’obtenir à moins de le faire soi-même et il n’y a pas tant de pays à avoir une telle capacité. Donc, c’est absolument un point dont on peut être fier.

A quel point le réacteur d’un sous-marin nucléaire est-il différent d’un réacteur qu’on peut voir, disons à Narora ou à Kakrapar ?

Il y a plusieurs caractéristiques très différentes et des défis très importants.

D’abord, c’est un système qui se déplace, et en particulier, c’est un navire, donc nous devons avoir un réacteur qui fonctionne malgré les différents types de mouvement de plateforme : roulis et tangage. Il peut aussi être l’objet d’attaque, par exemple l’explosion d’une grenade anti-sous-marine à proximité. Il doit être capable de supporter le type de charges d’accélération qui sera vu sur les composants. Donc, c’est un défi important. Nous concevons déjà des réacteurs qui résistent aux tremblements de terre. Voila un défi. Il doit être capable de supporter des mouvements et des forces d’une beaucoup plus grande magnitude.

Ensuite, la compacité est une autre caractéristique, l’espace que vous pouvez occuper pour une puissance donnée. Un réacteur de sous-marin est extrêmement petit par rapport à une centrale nucléaire.

Le troisième défi est la densité d’énergie — cela découle à nouveau de la compacité, mais pour être capable de le réaliser, il faut échanger une grande quantité d’énergie dans un petit volume et une petite surface.

Il y a aussi des exigences de réponse rapide. Dans un réacteur installé à terre, nous pouvons accepter des réponses plus lentes en terme de variation de puissance en un temps donné. Mais, comme il s’agit ici d’un système de propulsion, vous avez besoin d’un réacteur qui peut avoir une réponse très rapide. Donc cela signifie que le combustible nucléaire doit être de ce type, que les systèmes du réacteur doivent être de celui-là.

Donc, il y a plusieurs défis de ce type qui ont été dépassés avec succès, en plus du fait que c’est une technologie à eau pressurisée qui a elle-même ses propres défis.

Mais les gens disent ou ont toujours dit que l’Inde n’a pas la maitrise de l’enrichissement. Donc comment cette criticité du PRP, comme on l’appelle, dépasse-t-elle la controverse sur la non-maitrise total par l’Inde de l’enrichissement ?

Oui, nous avons une usine d’enrichissement à Mysore, l’Usine des Matériaux Rares. Et cette usine a une capacité suffisante pour répondre aux exigences de ce programme. Ce réacteur fonctionne maintenant depuis 3 ans. Donc, évidemment, nous avons eu le combustible avant cela.

Cela a été entièrement fait en Inde ?

Oui.

Conçu, fabriqué et exécuté en Inde ?

Oui, c’est exact, par des industries indiennes.

Et par des scientifiques indiens ?

Oui.

A Vizag, le premier ministre s’est écarté de son discours et a remercié les Russes, et l’ambassadeur russe était aussi présent. Quel a été le rôle des Russes ? L’Inde avait-elle loué un sous-marin nucléaire russe ?

Je voudrais aussi remercier nos collègues russes. Ils ont joué un rôle très important comme consultants. Ils ont beaucoup d’expérience, donc leur aide a été très appréciable. Je pense que nous devrions le reconnaitre.

Consultants pour quoi ?

Pour différentes choses, puisque lorsque vous faites des choses pour la première fois — avec un consultant à vos côtés, vous pouvez le faire avec plus de confiance et ce sont des défis difficiles, qui prennent beaucoup de temps. Donc vous devez le faire sans trop d’étapes itératives et les consultants sont appréciables pour cela.

Donc ce n’est pas un concept russe ?

C’est un concept indien.

Un concept indien, fait en Inde, par des Indiens ?

Oui, c’est exact.

Vous avez fait fonctionné le système ici, à Kalpakkam, pendant plusieurs années. A-t-il fonctionné sans problème ?

Oui, il a fonctionné extrêmement bien.

Pas de pannes, de problèmes ?

Eh bien, il fonctionne en mode "campagne" parce que on le fait fonctionner de la même façon qu’en situation réelle. Donc il fonctionne en mode "campagne" parce que je pense que la chose importante, c’est qu’il soit capable d’accélérer et de ralentir. Et il le fait extrêmement bien.

Certains croient que le sous-marin sera aussi équipé de certaines choses que le Bhabha Atomic Research Centre a développé [les armes nucléaires]. Va-t-il vraiment donner à l’Inde la capacité de riposte puisque nous avons une politique de non-usage en premier ?

Oui, c’est l’objectif d’une telle plateforme.

Et cette plateforme va garantir cela ?

Oui.

Vous avez confiance en cela ?

Bien sûr que je suis confiant. Cela a été conçu avec beaucoup de soin.

On m’a dit que le réacteur était 10 fois plus petit qu’un réacteur normal, est-ce exact ?

Et bien, si vous vouliez construire un réacteur nucléaire d’une puissance similaire, c’est ce qui se passerait, oui.

Donc est-il juste de l’appeler un bébé-réacteur ?

C’est un petit réacteur par rapport à, mettons, une centrale électrique civile de 1.000 MW qui produirait 3.000 MW de chaleur, soit 30 fois ce que nous produisons ici. Bien sûr, de tels réacteurs ont une taille et des dimensions énormes. Mais c’est un petit réacteur compact. Et c’est ça le défi.

Donc, quand peut-on s’attendre à ce que le réacteur de l’INS Arihant soit critique ?

Ce sera principalement une décision de la marine, parce que je sais qu’ils ont une séquence d’activités assez élaborée pendant ces essais. Dès qu’ils seront prêts pour la criticité, je suis sûr que nos personnels vont le faciliter pour que cela se passe rapidement.

Les réacteurs nucléaires de sous-marins sont normalement utilisés par augmenter l’autonomie. Quel est l’ampleur de l’autonomie que vous pouvez donner à l’INS Arihant ?

Cela dépendra en fait de l’utilisation réelle du sous-marin. L’autonomie est plus dictée par l’endurance humaine que par l’autonomie énergétique du réacteur. L’autonomie du réacteur est généralement beaucoup plus importante. Donc, c’est l’endurance humaine — il peut rester en plongée tant que l’équipe le supporte.

Et ce sous-marin va-t-il laisser derrière lui une trace radioactive ?

Non, pas du tout. Parce que cela a été prévu dans la conception et il n’y aura absolument aucune trace derrière lui.

Donc, une fois que le sous-marin plonge, il peut rester caché de Vizag à Mumbai ?

Oui, tant qu’il reste en plongée, il restera caché, et il peut rester en plongée pendant une longue période.

Le niveau de bruit est-il comparable aux autres sous-marins de ce type, puisque c’est le seul moyen de détecter les sous-marins ?

Oui, je le pense.

Vous avez vu l’intérieur. Dites-moi si vous avez entendu du bruit ?

Par rapport à une centrale nucléaire, le bruit était minime.

Par rapport à des machines fonctionnant à d’autres endroits, était-ce bruyant ?

Je pense que c’est un système très silencieux.

Source : The Hindu (Inde)