Un rapport de l’US Navy explique les raisons de l’échouage du croiseur Port Royal

  • Dernière mise à jour le 8 juillet 2009.

Un système de navigation mal interprété, un commandant manquant de sommeil, du matériel défaillant et une équipe de passerelle inexpérimentée ont conduit, dans la nuit du 5 février dernier, à l’échouage du croiseur lance-missiles américain Port Royal, selon les conclusions du rapport de la commission d’enquête de sécurité de l’US Navy.

L’échouage, très visible et très embarrassant, du Port Royal dans 4,2 à 6,7 m, au large des pistes de l’aéroport d’Honolulu, a provoqué des dégâts évalués entre 25 à 40 millions $ (18 à 28,8 millions €) au navire.

Le Capt. John Carroll, le commandant du croiseur lance-missiles, avait seulement dormi 4 heures et demi dans les 24 dernières heures, et 15 heures au cours des 3 jours précédents, lorsqu’il a appareillé après des réparations au chantier.

Carroll était qualifié pour ces fonctions, mais il n’était pas compétent, indique le rapport. C’était la première fois qu’il était en mer en tant que commandant depuis presque 5 ans.

Le sondeur du croiseur de 9.600t, qui mesure la profondeur de la mer, était en panne, et les 2 répétiteurs radar, ou moniteurs, en passerelle supérieure étaient hors service.

Un décalage dans le système de navigation a conduit à de mauvaises informations sur la position du navire. Le passage du GPS à un gyroscope a provoqué une erreur de 2,4 km dans la position du navire. Les alarmes sonores, qui n’étaient jamais prises en compte, avaient été arrêtées.

Pendant le transfert de personnel vers la terre, cette nuit-là, en utilisant une petite embarcation, l’officier opérations a utilisé une jumelle pour relever l’azimut de l’entrée du port depuis la passerelle supérieure et noté une incohérence.

Il a essayé sans succès de contacter d’autres personnes par radio, puis est remonté en passerelle supérieure, où il a immédiatement réalisé que le croiseur était au mauvais endroit.

Des vagues brisaient sur l’avant et la vase était visible dans l’eau.

A 20:03, le bâtiment s’est échoué “en douceur” avec le dôme sonar posé sur le récif à environ un demi-nautique au sud de la piste de l’aéroport.

Les vagues ont enfoncé fermement le navire de 173 m dans la vase pendant que l’équipage essayait de libérer. Les manœuvres de “marche arrière” et de “côté” en utilisant une seule hélice, ont échoué.

La commission a découvert de nombreuses pannes de matériel et d’erreurs humaines — mais a indiqué qu’il y avait assez de senseurs en fonction et de moyens visuels pour éviter l’échouage.

“Les équipes de veille en passerelle, de navigation et au central opérations ne travaillaient pas ensemble pour évaluer la situation et éviter que le navire ne se dirige vers le danger,” indique le rapport.

Le rapport de sécurité explique que le navire a fini par dériver de 2 nautiques vers l’est.

L’officier de quart était qualifié depuis seulement 3 mois, et n’avait aucune expérience de la navigation près du récif.

Selon le rapport interne, le quartier-maître de quart avait 3 mois d’expérience au cours d’une mission un an auparavant, mais il ne pouvait plotter de point sur la carte dans des eaux proches de la côte, donc un autre marin, évaluateur de navigation, a pris en charge le pointage de la position du navire sur la carte.

L’évaluateur de navigation a par conséquent perdu la “conscience de la situation”, ont indiqué des responsables.

Il y avait à bord des veilleurs qualifiés qui auraient dû être de quart la nuit de l’échouage, mais ils travaillaient au mess comme serveurs et n’ont pas été autorisé à prendre la veille.

Le rapport explique que la dérive n’a pas été calculée.

Carroll, le commandant, “n’a pas reçu de recommandations puissantes pour améliorer l’image de la navigation.”

 Sujet à changement

Aucun nom n’apparait dans le rapport, dont l’objectif est d’améliorer la sécurité. Le rapport ajoute qu’il est encore en cours d’approbation et qu’il pourrait évoluer.

Le Capt. W. Scott Gureck, un porte-parole de la Flotte du Pacifique, a indiqué qu’il ne ferait aucun commentaire sur le rapport.

Il a précisé que celui-ci n’était pas destiné à être diffusé dans le public.

Norman Polmar, un spécialiste des questions navales, a indiqué que l’enquête de sécurité révèle une sécurité de drapeaux rouges qui indiquaient que le Port Royal pouvait se diriger vers le danger.

“3 choses auraient dû alerter le commandant — même s’il n’avait pas assez dormi,” explique Polmar.

“Un : si vous naviguez dans cette zone sans sondeur, vous êtes en danger.

“Deux : si vous passez d’un système de navigation à un autre et que cela montre une incohérence importante, vous êtes en danger.

“... Et trois, lorsque l’officier opérations est venu, ce qu’il aurait dû faire est de jeter simplement l’ancre là où ils étaient et d’allumer toutes les lumières.”

Polmar n’arrive pas non plus à croire que Carroll, le commandant du Port Royal, n’avait pas été en mer en tant que commandant depuis près de 5 ans.

“C’est le système qui est en cause,” explique Polmar. “Le système devrait prévoir que, si vous n’êtes pas allé en mer depuis 3, 4 ou 5 ans, vous devriez aller en mer sur un navire identique avec un autre commandant. Au moins pendant un jour ou deux.”

Selon le rapport, le Port Royal était au chantier naval depuis le 24 septembre 2008 pour des réparations et de l’entretien. Il devait quitter la cale sèche le 21 janvier, mais les essais à la mer ont été retardés de 2 semaines. Les échafaudages n’ont été retirés de la passerelle que 30 minutes avant que le croiseur n’appareille le 5 février.

Carroll a indiqué qu’il avait seulement dormi 15 heures en 3 jours avant l’appareillage. Et il a reconnu que la manœuvre d’embarcation avait ajouté à sa fatigue, selon le rapport.

Carroll a été convoqué à une audience de la Navy pour l’échouage et a reçu une “sanction non judiciaire pour manquement au devoir et mise en danger d’un navire,” avait indiqué en juin dernier la Navy.

 Conséquences

Carroll avait été relevé de son commandement peu après l’échouage et affecté à l’état-major de la Flotte du Pacifique.

Comme Carroll, le commandant en second, le Cmdr. Steve Okun, a été convoqué à l’audience et a reçu une sanction non-judiciaire pour manquement au devoir, a indiqué la Navy.

Deux officiers et un officier marinier ont été convoqués lors d’une audience séparée et ont reçu une sanction non judiciaire pour manquement au devoir et mise en danger d’un navire, a indiqué la Navy. Leur nom n’a pas été rendu public.

Les dégâts du Port Royal ont été estimés entre 25 et 40 millions $ (18 à 28,8 millions €). Cela ne comprend pas les dégâts au récif, que la Navy a commencé à réparer [1].

Les vérifications ont commencé 72 heures avant l’appareillage. En mer, le bâtiment a effectué des vérifications à pleine vitesse, de manœuvre de barre et de manœuvre d’hélicoptère. Carroll a passé la majeure partie de son temps en passerelle ou au Central opérations, indique le rapport.

Pour forger une “forte relation” avec le personnel aviation, qui avaient été demandés avec un faible préavis, l’état-major du navire a ajouté des opérations d’embarcation de nuit pour ramener les passagers à terre, indique le rapport.

Le changement de navigation, effectué très tôt, dans le système de gestion de navigation a fait que le Port Royal a eu une erreur de position pendant tout le temps passé en mer. L’équipe de quart n’a pas su reconnaitre l’erreur de saisie, ont expliqué les responsables.

Le rapport ajoute aussi que les veilleurs en passerelle ont stoppé ou ignoré les alarmes attirant l’attention sur l’erreur de position.

Le Port Royal devrait rester en cale sèche jusqu’en septembre pour des réparations, dont la remise en état des arbres d’hélice, des réducteurs, de la peinture de la carène, le remplacement du dôme sonar et de ses éléments internes, et des réparations à des réservoirs endommagés et des fissures dans les superstructures, a indiqué la Flotte du Pacifique.

La commission d’enquête de sécurité a conclu que la formation et l’entraînement étaient inadéquats dans un certain nombre de domaines.

Ses recommandations propose un cours de navigation au niveau superviseur, ainsi qu’une “pause opérationnelle” d’au moins 96 heures entre une période au chantier et des essais à la mer pour garantir que les équipages sont correctement reposés et préparés pour la période de navigation.

Notes :

[1Ndt : il s’agit d’un récif de corail protégé. Des plongeurs de la Navy remettent en place les branches de corail arrachées par le croiseur.

Source : Navy Times (Etats-Unis)