Les défenses anti-torpille des navires de surface

  • Dernière mise à jour le 8 mars 2007.

Avec la prolifération des systèmes anti-missiles comme le Phalanx et le Rolling Airframe Missile américains, le Goalkeeper hollandais, et le CADS-N-1 russe, une question naturelle se pose : Pourquoi ne peut-on pas concevoir des systèmes similaires pour se protéger des torpilles ? La réponse est en réalité très simple — et cela a beaucoup àvoir avec le préavis relativement court et la faible distance àprendre en compte pour ce type d’attaque.

Les missiles anti-navires sont souvent lancés à une distance beaucoup plus grande que les torpilles (souvent près de 500 km pour certains systèmes Russes). Non seulement la distance vous donne suffisament de temps (et de nombreuses chances) d’abattre les missiles, cela signifie aussi que le missile peut être détruit avec relativement peu de dégâts sur le navire cible. Notez bien que le terme utilisé est “relativement peu”. Même être raté de peu par un missile peut provoquer des dégâts – regardez ce qui s’est passé avec des corvettes Israëliennes qui ont "rencontré" de très près un missile C-802 du Hezbollah au large du Liban l’an dernier. C’est aussi vrai avec les expériences de combat durant la 2nd Guerre Mondiale — être raté de peu était souvent aussi dangereux que d’être effectivement touché.

Pourquoi cela ? Parce que, lorsque la tête explose, elle envoie d’énormes quantités de fragments. Ces fragments volent dans tous les sens. Ils peuvent ne pas couler le navire, mais ils vont frapper les stocks de munitions et les senseurs, tuer des membres de l’équipage et peut-être même allumer des incendies. Cela pourrait être pire, parce que cela rend le navire sans défense contre une deuxième vague de missiles. C’est pourquoi on a plus développé des missiles comme le SA-N-11 et le Rolling Airframe Missile, plutôt que des canons comme le AK-630 et le Phalanx. Plus le missile se trouve loin lorsqu’il explose, moins il y a de chances que des fragments touchent le navire. Qu’il explose suffisament loin, et il n’y aura pas de dégâts du tout.

Les torpilles sont différentes — pas seulement par leur mécanisme de destruction (elles explosent généralement en détectant le magnétisme de la cible, mais certaines explosent à l’impact), mais à cause du profil de l’attaque. En gros, une attaque de torpille par un sous-marin n’a pas énormément changé depuis la 2nd Guerre Mondiale. Vous vous approchez suffisament près (souvent à moins de 3 km), et vous lancez les armes. Cela réduit le temps dont dispose la cible pour réagir à la menace qui arrive.

L’autre problème est que les senseurs sous-marins ont une portée bien plus faible. Afin de réagir de façon fiable à l’arrivée d’une torpille, il faut la "voir". Sous l’eau, les "yeux" sont généralement un sonar passif — en gros, des microphones sous-marins, avec des opérateurs qui essaient de détecter la torpille dans toute la cacophonie que l’on entend sous l’eau (chants des baleines, le bruit des moteurs d’un navire, et d’autres sons de la mer [1]). Des sonars actifs peuvent aussi être utilisés, mais, comme le radar, ils disent aussi à tout le monde où se trouve le sous-marin qui les utilise. Les sonars ont des portées beaucoup plus faibles que les radars, en particulier alors que les sous-marins deviennent plus silencieux (les sous-mariniers se considèrent souvent comme l’arme furtive qui est à l’origine de toutes les autres).

Il y a des défenses contre les torpilles modernes, la plupart sont gudés par des systèmes sonar. Souvent il y a des bruiteurs remorqués, qui sont à usage unique (puisqu’ils leurrent la torpille pour qu’elle les touche à la place du navire qui les remorque). Le premier d’entre eux a été le Fanfare, qui a été plus tard remplacé par le Nixie. Ces bruiteurs émettent des signatures acoustiques qui ressemblent à celle du navire qui les remorque ou celles de navires plus gros. L’espoir est que la torpille va s’attaquer au bruiteur et non au navire réel. On les appelle des systèmes "soft kill". Le problème est que toutes les torpilles ne se dirigent pas grâce aux signatures acoustiques. Certaines remontent le sillage des navires de surface. Cela neutralise les bruiteurs comme le Fanfare et le Nixie.

Les Russes, qui devaient faire face aux senseurs occidentaux, supérieurs aux leurs, ont commencé à développer des systèmes "hard-kill". Il s’agissait au départ de modification des lance-roquettes ASM RBU (une arme lancée vers l’avant similaire aux Hedgehogs de la 2nd Guerre Mondiale). Les Américains et les Britanniques ont ensuite développé une nouvelle arme sur ce concept, créant un système qui va lancer une torpille anti-torpille. Une torpille à remontée de sillage ne peut être leurrée, mais elle est aussi incapable d’effectuer des manoeuvres d’évasion, et peut être conduite à suivre une trajectoire prédite. Cela s’appelle le concept "hard kill", et c’est au final le meilleur moyen de traiter tout ce qui arrive, en particulier si l’objet qui arrive à une grosse charge.

Toutefois, il reste qu’une détonation proche peut provoquer autant de dégâts sur le navire. Des bombes ratées de peu pouvaient maintenir un navire en cale séche pendant des mois sans qu’il puisse combattre. Comme dans beaucoup de domaines militaires (comme les chars contre les armes anti-char, les avions contre les missiles anti-aériens), la compétition entre le sous-marin et le navire de surface — qui va avoir l’avantage — va encore durer longtemps, puisque les innovations donnent l’avantage d’un coté puis de l’autre.

Harold C. Hutchison

Notes :

[1Et contrairement à ce que pensait le Cdt Cousteau, ce n’est pas “Le Monde du silence”.

Source : Strategy Page