La ligne GIUK est de retour

  • Dernière mise à jour le 22 mars 2016.

Au cours de la Guerre Froide, le passage maritime entre le Groenland, l’Islande et la Grande-Bretagne était d’une importance capitale pour la défense de l’Atlantique. Cette “ligne GIUK” devait être franchie par les forces navale soviétiques pour atteindre l’Atlantique et empêcher les forces américains de venir renforcer leurs alliés européens.

Par conséquent, les Etats-Unis et leurs alliés de l’OTAN ont dépensé du temps et de l’argent à renforcer leurs capacités de renseignement et de lutte anti-sous-marine dans cette région. Des avions de patrouille maritime décollaient de Norvège, de Grande-Bretagne et d’Islande pour surveiller la zone depuis les airs. Dans le même temps, des sous-marins nucléaires et classiques patrouillaient sous la surface. Un réseau d’hydrophones avait aussi été installé pour détecter et pister les sous-marins soviétiques.

Il y a peu, les Etats-Unis ont promis de financer des améliorations apportées à la base aérienne islandaise de Keflavik. Il ne s’agit pas d’une promesse sans importance, faite à un allié de peu de poids. Ces améliorations permettront aux nouveaux avions P-8 Poseidon de l’US Navy de garder un œil sur les sous-marins russes toujours plus actifs, dans une région dont l’importance se renforce avec les tensions qui renaissent avec Moscou.

Après la chute de l’Union Soviétique, la ligne GIUK avait disparu de l’attention de l’OTAN. Les forces américaines ont quitté l’Islande en 2006. La Grande-Bretagne a désarmé en 2010 sa flotte d’avions de patrouille maritime. Les Pays-Bas ont fait en même dès 2003. La lutte anti-sous-marine et l’Atlantique Nord n’étaient plus une priorité pour l’OTAN occupée à des missions de maintien de la paix, de lutte contre la piraterie et le terrorisme en Bosnie, puis en Afghanistan et en Somalie.

Depuis quelques années, la Russie a recommencé à investir dans ses forces navales en général, et dans ses forces sous-marines en particulier. De nouvelles classes de sous-marins, nucléaires et classiques, sont mises en service, le Yasen et le Kalina (qui pourrait disposer d’une propulsion anaérobie beaucoup plus discrète). La plupart de ces investissements sont réalisés au profit de la Flotte du Nord, basée à Mourmansk, pour des opérations en Arctique et en Atlantique Nord-Est. C’est aussi la Flotte du Nord qui assure la dissuasion nucléaire russe basée à bord de SNLE.

La Russie serait en train de mettre à l’épreuve ses nouvelles capacités sous-marines. Récemment, la Grande-Bretagne, la Suède, la Finlande et la France ont signalé ou soupçonné la présence de sous-marins russes au large de leurs côtes. La Russie a aussi fait la démonstration de ses nouvelles capacités en lançant depuis un sous-marin des missiles de croisière Kalibr contre des cibles en Syrie.

Le renforcement des capacités sous-marines russes s’accompagne de la volonté politique apparente de les utiliser. La Russie a récemment revu sa stratégie maritime, insistant sur les opérations dans l’Arctique et sur le besoin pour les forces navales russes d’avoir accès à l’Atlantique. Et cet accès passe nécessairement, comme pendant la Guerre Froide, par la ligne GIUK.

Comme le montre la décision américaine d’investir dans la modernisation des installations aériennes de Keflavik, les Etats-Unis s’intéressent à nouveau à la région.

Et les Etats-Unis ne sont pas seuls. La Grande-Bretagne a annoncé son intention de reconstituer ses capacités de patrouille maritime en achetant probablement des avions P-8. La Norvège étudie ses options pour l’avenir de ses avions de patrouille maritime et de ses sous-marins. La Norvège a aussi modernisé son navire de renseignement électronique, avec des senseurs américains. Et ce navire est principalement destiné à opérer dans le Grand Nord.

Source : Defense One (Etats-Unis)