Les hésitations de la marine indienne retardent de plusieurs années la construction de bâtiments neufs

  • Dernière mise à jour le 21 août 2012.

La marine indienne insiste pour que les bâtiments de guerre construits en Inde disposent de systèmes d’armes les plus modernes. Cette insistance peut avoir des conséquences dangereuses : ainsi, des bâtiments à moitié construits rouillent dans les chantiers navals, attendant des armements sophistiqués qui sont de plus en plus en retard.

Telle est l’histoire du Projet 15A, la construction de 3 destroyers de 6.800 t au chantier naval Mazagon Dock Ltd (MDL) à Mumbai. Le Projet 15A a été autorisé en juin 2001, et la construction des bâtiments a commencé en 2003. La livraison du 1er bâtiment, l’INS Kolkata, était prévue en juin 2008. Les 2è et 3è exemplaires de la série, les INS Kochi et INS Chennai, devaient suivre à un an d’intervalle.

Pourtant, les 3 coques sont amarrées à quai, abandonnées, l’eau de mer rongeant l’acier de la coque pendant qu’ils attendent des systèmes majeurs qui ne sont pas encore prêts. L’INS Kolkata a été lancé en mars 2006 ; il a déjà passé 7 ans dans l’eau. Et pourtant, la marine indienne aura de la chance de le recevoir l’an prochain, avec 5 ans de retard. L’INS Kochi et l’INS Chennai suivront en 2014 et 2015.

En 2005, la marine indienne avait formulé un plan de construction neuve de 160 bâtiments, dont 90 navires de combat (porte-avions, destroyers, frégates et corvettes). A ce jour, les chiffres réels sont plus modestes. L’INS Sahyadri, le plus récent bâtiment reçu par la marine indienne, est le 134è.

Selon un rapport de 2010 sur la construction navale, cette année, la marine n’aura que 44% des destroyers dont elle a besoin, 61 % des frégates et 20 % des corvettes.

La marine indienne ne peut que s’en prendre à elle-même pour les retards du Projet 15A. Le chantier MDL avait déjà construit 3 destroyers dans le cadre du Projet 15 (INS Delhi, INS Mysore et INS Mumbai). Le Projet 15A était supposé n’être qu’une suite de 3 destroyers supplémentaires, construits rapidement, en utilisant les mêmes conceptions et technologies. Pourtant, la marine a exigé 2.363 modifications, dont des changements majeurs à l’armement, aux senseurs et aux systèmes d’hélicoptère.

Ainsi, le missile anti-aérien Kashtan a été remplacé par le Long Range Surface to Air Missile (LR-SAM), dont le développement est toujours en cours. Pour renforcer les capacités anti-sous-marines, il a été décidé d’ajouter un sonar de coque, le Humsa. Et tout le hangar à hélicoptère a été modifié pour accueillir un hélicoptère plus gros.

Pour rendre les choses pires encore, beaucoup de ces décisions ont été prises très tard, nécessitant de reconstruire des parties entières des destroyers. Ainsi, la marine a décidé en mars 2008 de changer l’affût du canon, après que le 1er bâtiment ait été lancé. Cela a nécessité de modifier toute la structure autour de l’affût.

Naturellement, les retards sont énormes. Les destroyers du Projet 15A seront livrés en 140 mois. C’est 2 fois la durée des chantiers sud-coréens pour des bâtiments comparables. Les chantiers occidentaux comme DCNS (France) mettent en général de 78 à 80 mois.

Le nouveau président du chantier MDL, le contre-amiral Rahul Kumar Shrawat, nuance l’importance des retards, soulignant que les bâtiments sont maintenant proches de la livraison. « La marine veut disposer des équipements les plus récents. C’est une aspiration légitime de l’utilisateur, » explique-t-il.

Mais Shrawat n’aimerait pas que les mêmes erreurs soient commises pour le Projet 15B, une autre suite de 4 destroyers. Shrawat espère que ces destroyers, dont la construction doit commencer cette année, seront équipés des mêmes missiles que les précédents.

« La leçon est que les systèmes éprouvés sur une plateforme devraient être conservés pour la suite, à moins d’avoir besoin d’une amélioration. Mais le chantier naval ne décide pas de ces questions, il ne peut faire que des recommandations à la marine, » précise Shrawat.

Source : Business Standard (Inde)