Un bien mauvais exemple d’officier féminin dans l’US Navy

  • Dernière mise à jour le 7 mars 2010.

Les femmes sont tellement courantes dans les grades élevées de l’armée américaine désormais, qu’elles ne font plus l’actualité lorsqu’elles parviennent à briser une nouvelle barrière. Malheureusement, la dernière information n’est pas l’une de celles qui mérite d’être célébrée : une femme a été démise de ses fonctions de commandant d’un gros bâtiment de guerre pour "cruauté et mauvais traitements" envers ses 400 membres d’équipage. Selon le rapport de l’Inspection Générale de l’US Navy qui a conduit à son remplacement — et les témoignages des officiers qui ont servi sous ses ordres — le Captain Holly Graf était ce qui s’approche le plus d’un capitaine Bligh au féminin.

En janvier dernier, un amiral de la Navy l’a démise de ses fonctions de commandant d’un croiseur lance-missiles, le Cowpens. Le rapport de l’Inspection Générale qui vient d’être rendu public, conclut que le commandant Graf "a agressé verbalement à de nombreuses reprises son équipage et aussi de façon physique," et l’accuse d’avoir abusé de sa position de commandant du Cowpens "à des fins personnelles". Mais d’anciens marins indiquent que ces accusations, établies par le rapport de l’IG, sont sorties en raison de l’atmosphère empoisonnée qu’elle a créée à bord de son bâtiment.

Cette affaire a attiré une grande attention à l’intérieur de l’US Navy et sur les sites qui lui sont consacrés. La sanction qui lui a été infligée, a été saluée par ceux qui ont servi sous ses ordres depuis sa sortie de l’US Naval Academy en 1985. Alors que nombreux étaient ceux qui dénonçaient le comportement de Graf, une colère plus grande encore semblait dirigée contre les amiraux de la Navy pour avoir promu un tel officier à des postes aux responsabilités toujours croissantes.

Alors qu’elle était au commandement en mer — où la parole du commandant est la Loi et où il ou elle a le pouvoir de faire ou de briser des carrières — Graf jurait comme un charretier. Elle "crée un environnement de peur et d’hostilité, humilie et rabaisse fréquemment les veilleurs en leur hurlant des injures devant les équipes de quart du Centre d’Information de Combat et pu pont," a déclaré un membre d’équipage à l’Inspection Générale. Selon 29 des 36 marins interrogés pour le rapport de la Navy, Graf utilisait de façon répétée le mot "fuck". Elle n’hésitait pas à crier sur un officier alors même qu’il dirigeait une manœuvre stressante du croiseur de 10.000 t.

Des officiers subalternes qui cherchaient des conseils auprès d’elle, étaient rejetés. "C’est l’une des raisons pour lesquelles je vous déteste," aurait-elle répondu à l’un d’entre eux. Alors qu’un autre officier venait la voir pour évoquer une autre discution animée, sa réponse a été laconique : "Sortez de ma p*** de chambre." Elle aurait déclaré à un officier masculin : "Les seuls mots que je veux entendre dans votre bouche sont ’Oui, madame,’ ou ’Vous avez raison, madame.’"

Alors que la plupart des témoignages contenus dans le rapport de l’Inspection Générale, ne précisent si le témoin est un homme ou une femme, l’Inspection Générale a demandé à au moins 2 officiers féminins si elles considéraient Graf comme un modèle. L’une a répondu qu’elle était allé voir Graf pour lui demander son aide. "Ne venez pas me voir avec vos problèmes," aurait répondu Graf selon elle. "Vous êtes une p*** de chef de service." L’officier a aussi indiqué que Graf lui avait déclaré une fois : "Je ne peux pas dire à quel point vous me rendez folle, sans être violente."

Une 2è officier féminin a déclaré à l’Inspection Générale que Graf "est un terrible modèle pour les femmes dans la Navy," prétendant que Graf lui aurait une fois déclaré, ainsi qu’à un autre officier : "Vous êtes vraiment incroyables. Je vous virerais si je pouvais, mais je ne peux pas."

L’enquête de l’Inspection Générale, déclenchée en juin dernier suite à 3 plaintes anonymes, souligne que, alors qu’elle menait des interrogatoires sur la conduite de Graf, 4 membres d’équipage ont fourni des "témoignages écrits non-sollicités sur ce qu’ils considéraient comme des agressions." Même si les jurons sont courants sur les bâtiments de la Navy, les utiliser de façon répétée envers des subordonnées — en particulier devant des membres d’équipage de grades moins élevés — est inhabituel.

Graf a répondu à l’Inspection Générale qu’elle n’avait "aucun souvenir" d’avoir fait de telles déclarations et "semblait incrédule face aux accusations." Elle a insisté "à de nombreuses reprise" qu’elle avait "des standards très élevés pour son équipage" et a parlé d’une "mentalité de pensée de groupe" à bord de son bâtiment. Graf a expliqué que "un petit groupe d’officiers contrariés du carré du Cowpens répandaient des rumeurs dans l’équipage et réussissaient à convaincre les autres que le climat de l’unité et son comportement étaient bien pire que ce qu’ils étaient en réalité." Mais dans un email, elle a poursuivi en disant : "A de nombreuses reprises, j’ai élevé la voix et utilisé des jurons pour m’assurer qu’ils savaient que, cette fois-là, je ne plaisantais pas," a-t-elle écrit. "Je l’ai aussi fait en d’autres occasions pour leur mettre intentionnellement la pression."

Le seul témoin soutenant le comportement de Graf dans le rapport de 50 pages, est un "email non-sollicité" d’un collègue de la Navy. Il a passé 2 semaines à bord du Cowpens et indiqué que Graf était peut-être "dure, mais clairement, son intention était d’avoir un bâtiment opérationnel." Mais l’Inspection Générale a soutenu les déclarations de son équipage. "Les preuves montrent" que Graf a violé les règlements de la Navy "en rabaissant, humiliant publiquement et en agressant verbalement ... des subordonnés alors qu’elle commandait le Cowpens," conclut le rapport. Ses actions "dépassaient les méthodes fermes nécessaires pour réussir ou même s’améliorer" et ses "paroles dures et parfois ordurières étaient rarement suivies d’un ordre quelconque." Ses critiques répétées de ses officiers, souvent devant des membres d’équipage de grades inférieurs, humiliaient les subordonnés et diminuaient le moral de l’équipage, "contrairement aux meilleurs intérêts du bâtiment et de la Navy." L’Inspection Générale a aussi estimé qu’elle n’avait pas formé correctement les officiers les plus jeunes.

Le rapport prétend qu’elle a agrippé plusieurs officiers ou marins pour avoir leur attention ou les emmener ailleurs — généralement au milieu d’une discution enflammée — et qu’elle a jeté une feuille de papier roulée en boule à l’un d’entre eux. Il explique aussi qu’elle a demandé à des officiers subalternes de jouer du piano lors de sa fête personnelle de Noëlle et de promener ses chiens. Ces infractions mineures pourraient avoir été oubliées si elles avaient été commises par un commandant plus équilibré, mais dans le cas de Graf, elles ont été utilisées pour soutenir les accusations d’"agression" et l’utilisation de sa "position à des fins personnelles" qui ont conduit à son renvoi.

Alors même que Graf est issue d’une famille de marins — sa sœur et son beau-frère sont amiraux, et son père était capitaine — il semble qu’il n’y ait eu aucun "parrain" pour la protéger et graisser les rouages pour sa promotion, indiquent des officiers de la Navy. Avant la publication de l’enquête de l’Inspection Générale, la Navy avait choisi Graf pour occuper, après le commandement du Cowpens, un poste élevé au Pentagone. Désormais, elle est désignée pour un laboratoire d’armement de la Navy en dehors de la capitale. Selon un amiral, "sa carrière est terminée."

Source : Time (Etats-Unis)