Sous-marins australiens : des réticences américaines concernant la proposition de DCNS

  • Dernière mise à jour le 8 février 2016.

La proposition faite par DCNS de construire les futurs sous-marins australiens a perdu du terrain en raison des craintes que le constructeur français ne puisse protéger les secrets militaires américains, hautement sensibles.

Les militaires américains s’inquiètent que le constructeur français de sous-marins DCNS puisse être plus sujet à des “fuites” de technologie que ses concurrents, selon plusieurs personnes proches du dossier.

« La France fait partie de l’OTAN, la question politique est délicate et il est exact que des armes américaines ont déjà été intégrées par le passé sur des navires français, » explique une personne impliquée dans les questions d’achat de matériels au Pentagone. « Mais avec des technologies aussi avancées, il y a un malaise réel au sein des militaires américains, que cela puisse être installé sur un navire français. »

La force de l’influence américaine sur l’Australie est telle qu’il est probable que la proposition japonaise (le sous-marin Soryu) soit retenu dans cet appel d’offres auquel participe aussi l’Allemagne.

Néanmoins, Sean Costello, le PDG de DCNS Australia, a rejeté l’idée que la proposition française puisse être touchée par des risques de sécurité. « DCNS est le fournisseur public français de technologies navales. Il utilise des systèmes et applique des procédures éprouvées qui protègent les informations sensibles déjà fournies par l’Australie, » indique-t-il.

Bien que les 3 propositions aient leurs forces et leurs faiblesses, celle de ThyssenKrupp Marine Systems est considérée comme légèrement inférieure à la japonaise pour des raisons techniques. Les Allemands proposent de doubler la taille de leur sous-marin U-214, alors que les Japonais proposent un modèle qui existe déjà, de la taille désirée par les Australiens, et est déjà en service.

Les inquiétudes sur la proposition française, selon des personnes étroitement impliquées dans la procédure d’appel d’offres, concerne les systèmes d’armes et les senseurs qui sont le cœur des nouveaux sous-marins.

L’Australie se prépare à choisir entre 2 systèmes d’armes, tous 2 fournis par des constructeurs américains : Lockheed Martin et Raytheon. Et c’est seulement après que cette décision ait été prise, probablement au début avril, que le constructeur des sous-marins pourra être choisi.

Chuck Jones, le responsable de Lockheed Martin en Asie, a relativisé la possibilité qu’un système d’armes américain puisse limité la liberté de choix de l’Australie. Il a rappelé qu’une des conditions fixées pour que sa compagnie puisse participer à l’appel d’offres sur les systèmes, était que Lockheed soit préparée à travailler avec n’importe lequel des 3 constructeurs de sous-marins.

Mais des diplomates expliquent que, dans les coulisses de la procédure d’appel d’offres, Washington a exprimé de plus en plus clairement au cours des 6 derniers mois qu’il soutenait la proposition japonaise. Un partenariat Japon - Australie sur un projet militaire d’importance, expliquent des experts, soutiendrait les projets américains de créer un contre-poids au renforcement chinois dans le Pacifique.

La procédure d’appel d’offres a mis en lumière l’inexpérience du Japon sur le marché mondial de l’armement. Selon des personnes impliquées, la partie japonaise a été dans l’incapacité de remettre un budget détaillé du projet ou d’identifier un responsable de projet qui en assume la responsabilité globale. Le Premier Ministre japonais, Shinzo Abe, a dû intervenir à 2 reprises pour pousser l’équipe à renforcer ses efforts, selon des experts politiques à Tokyo.

L’appel d’offres a aussi mis en lumière que les 2 grands industriels japonais , Mitsubishi Heavy Industries et Kawasaki Heavy Industries, ont organisé leurs divisions de défense autour d’un seul client : le ministère japonais de la défense. Au cours des 2 derniers mois, l’Australie a augmenté la pression sur le Japon pour resserrer les conditions commerciales de la proposition japonaise, obtenir un budget détaillé et définir clairement quelle compagnie mènerait le projet.

Source : Financial Times (Grande-Bretagne)