La marine espagnole inquiète face au “fiasco” du sous-marin S-80

  • Dernière mise à jour le 25 février 2015.

Un profond pessimisme s’est installé au sein de la marine espagnole à propos du projet de sous-marins S-80. Le programme ambitieux visait à doter la marine espagnole de sous-marins de dernière génération. Hélas, il a connu de nombreux revers, faisant apparaitre des doutes parmi les responsables à propos de son avenir. Au ce jour, certains estiment même que le programme devrait être repris depuis le début. Et, en attendant, de recourir à des sous-marins d’occasion.

Incertitude. C’est le terme que les commandants de la marine espagnole utilisent pour définir la situation dans laquelle se retrouve le futur de la force sous-marine espagnole. Les sous-marins de la classe Agosta vivent leurs dernières années, et les retards qu’a connu le programme S-80 menacent de laisser l’Espagne sans sous-marins.

Les responsables de la marine espagnole ont exprimé leurs craintes pour l’avenir, à l’horizon de la fin de la décennie, au cours de plusieurs réunions informelles qui se sont tenues au cours des derniers mois.

Lors de ces réunions, ils ont mis sur la table les retards continuels que connait le programme, depuis les célèbres erreurs commises lors de la phase de définition, qui ont entrainé un sur-poids, obligeant à allonger de 7 m les sous-marins, jusqu’aux problèmes rencontrés avec le système de propulsion anaérobie.

« Le projet est radicalement différent, de la façon dont il a été conçu à la celle dont il sera livré. Que ce soit au niveau des capacités techniques, des innovations ou du prix prévu, » assurent des sources militaires.

 Les problèmes du système de propulsion anaérobie

Le système de propulsion anaérobie qui équipera les sous-marins S-80 « sera beaucoup moins ambitieux pour l’autonomie qu’il apporte que ce qui était prévu au départ. Il devait permettre au sous-marin de rester en plongée jusqu’à 20 jours. Aujourd’hui, selon les ingénieurs qui travaillent dessus, il est pratiquement impossible d’atteindre ce chiffre, » assurent des sources militaires.

« Un sous-marin plus gros, avec moins d’autonomie et coutant entre 750 millions et 1 milliard € pièce, » concluent-ils. Un projet qui « coutera très cher à l’Espagne et qui repoussera tout pays qui aurait pu être intéressé. »

C’est pourquoi, parmi l’état-major de la marine espagnole, de plus en plus d’officiers soutiennent une autre option : suspendre la construction des sous-marins et reprendre à zéro la conception en évitant de nouveaux dépassements de budget et sans précipitation. Le problème, c’est le temps : d’ici la fin de la décennie, l’Espagne n’aura plus de sous-marins opérationnels.

 Sans sous-marin jusqu’à la mise en service du S-82

Les sous-marins de la classe Agosta qui sont encore opérationnels — Mistral, Galerna et Tramontana — ont subi des grands carénages au cours des dernières années afin de prolonger leur espérance de vie opérationnelle de 5 ans. Le Tramontona a été le dernier, et la marine espère qu’il lui sera rendu cette année.

Cependant, la marine a des doutes raisonnables sur ces prévisions. Certains jugent « trop optimiste » que ces sous-marins puissent rester opérationnels encore 5 ans.

« En 2016, nous n’aurons plus que 2 sous-marins après le désarmement du Galerna, le plus ancien. Et il nous faudra attendre jusqu’à 2020 avec le Tramontana et le Mistral, en tenant compte des entretiens et des réparations, et cela en supposant qu’ils puissent tenir 5 ans, » estiment les sources consultées au sein de la marine.

 Recourir à des sous-marins d’occasion

Selon le calendrier de Navantia, le constructeur des S-80, le premier exemplaire sera livré en 2020. Concrètement, il s’agira du S-82, baptisé Narciso de Monturiol. Mais si les Agosta ne « survivent » pas jusqu’à cette date, l’Espagne n’aurait plus de sous-marins.

Certains à l’état-major proposent donc que l’Espagne acquiert des sous-marins d’occasion, que ce soit par un achat ou une location, auprès d’autres marines.

« Certains pays se sont lancés dans la rénovation de leur flotte sous-marine, alors qu’ils connaissaient la prospérité. Maintenant qu’ils ne peuvent plus payer, ils cherchent une porte de sortie. Ce serait une bonne option pour ne pas attendre le S-80, l’eau jusqu’au cou, et pour ne pas courir plus de risques que surviennent d nouvelles erreurs, » assurent-ils.

 L’Australie ne veut déjà plus du S-80

Le dernier revers, survenu il y a seulement quelques jours, est le refus de l’Australie de retenir le S-80 dans la liste des candidats pour son projet de rénovation. Alors que le projet espagnol avait été inclus jusqu’à présent dans la liste, finalement, seuls les projets japonais, français et allemand ont été retenus.

Rester à la porte de l’appel d’offres lancé par le pays qui avait montré le plus d’intérêt pour le S-80 constitue un « important échec commercial » pour les chantiers navals espagnols, et par conséquent, pour la marine espagnole comme le reconnaissent les sources militaires.

Jusqu’à présent, il y avait l’espoir des éventuelles exportations sous-marins, de façon à ce que le cout total du projet et des recherches et développements nécessaires au développement d’un projet de cette ampleur ne repose pas uniquement sur l’Espagne, jusqu’à présent, le seul client, et probablement qui le restera.

Source : El Confidencial Digital (Espagne)