Des erreurs “inacceptables” ont conduit à des morts à bord du sous-marin britannique en patrouille dans l’Arctique

  • Dernière mise à jour le 13 juin 2008.

Un incendie qui avait tué 2 marins à bord d’un sous-marin nucléaire de la Royal Navy alors qu’il patrouillait sous la banquise de l’Arctique a été provoqué par une série d’erreurs qui auraient pu être évitées, a reconnu jeudi le ministère britannique de la défense.

Le Tireless à la surface de la banquise après l’accident
© Royal Navy

Paul McCann, 32 ans, et Anthony Huntrod, 20 ans, sont morts lorsqu’un matériel utilisé pour fournir de l’oxygène a explosé en mars 2007 à bord du HMS Tireless.

Jeudi, le rapport d’une commission d’enquête a détaillé les défaillances dans "l’acquisition, la fabrication, le transport, le stockage, le rangement et la gestion de la logistique" de ces matériels. Le ministre des forces armées, Bob Ainsworth, a présenté ses excuses "sans réserve" aux familles des 2 marins.

"Ces événements sont inacceptables et il est clair à la lecture du rapport de la commission d’enquête et d’autres éléments que le ministère britannique de la défense doit accepter la responsabilité de ce qui s’est produit," a-t-il déclaré devant la Chambre des Communes.

"Il est normal que je m’excuse sans réserve au nom du ministère pour les actions ou les omissions qui ont contribué à ce tragique accident. Je suis extrêmement désolé, en particulier pour les familles de ceux qui ont perdu la vie ou ont été blessés."

L’incendie a commencé lorsqu’une chandelle à oxygène — utilisée pour fournit de l’oxygène lorsqu’un sous-marin est sous de la glace épaisse — a explosé dans le compartiment de sauvetage avant du Tireless. 2 mécaniciens, McCann et Huntrod, ont été tués dans l’explosion qui a aussi blessé un 3è marin. Il y avait eu de nombreux incidents et erreurs auparavant avec les générateurs d’oxygène, indique le rapport du ministère.

Le rapport publié jeudi énumère la liste des "défaillances systématiques" dont il dit qu’elles pourraient avoir contribué à l’accident.

Parmi celles-ci, on peut citer :
 le ministère n’a pas compris les dangers potentiels associés avec le matériel malgré les précédents problèmes ;
 Près de 1.000 chandelles à oxygène qui avaient été condamnées comme "déchets dangereux" ont été à nouveau considérées comme suffisamment sûres pour être utilisées. L’absence de traçabilité n’a pas permis de savoir si la chandelle qui a explosé faisait partie de ce lot ;
 Certaines chandelles, qui doivent être conservées au sec, ont été laissées sur une jetée, exposées aux intempéries, pendant 2 semaines ;
 Il y a eu des points faibles dans le contrôle qualité chez MPL, le fabriquant des chandelles.

Une enquête séparée du ministère britannique de la défense essaie de savoir pourquoi ces défaillances ont pu se poursuivre et pourquoi l’accident a eu lieu.

A la suite de la publication du rapport, les parents de Huntrod ont accusé le ministère de négligence grave.

"Cela dépasse l’entendement, qu’aujourd’hui, à notre époque, nos forces armées puissent être gérées d’une telle façon, qui est aussi incroyablement limitée en ce qui concerne la sécurité de ceux qui servent leur Reine et leur pays," ont déclaré Alan Huntrod et Brenda Gooch dans un communiqué.

"Nous pensons que si cela s’était produit dans une entreprise privée, il y aurait eu des poursuites criminelles pour homicide involontaire ... Il est clair qu’il n’y avait aucun système en place pour la gestion en toute sécurité de ces chandelles. Cela ne serait pas acceptable sur une plateforme pétrolière, une usine chimique ou tout autre lieu de travail et cela ne devrait pas être acceptable à bord d’un sous-marin.

"A notre avis, le rapport détaille clairement les preuves d’une grave négligence au sein du ministère de la défense, le rendant coupable de la mort de notre fils Anthony et de Paul, son collègue."

Le rapport publié jeudi critique aussi la façon dont les proches ont été informés. Il indique que la "communauté de défense" et une partie des médias ont appris les décès avant les familles des marins, ajoutant que certaines informations sur les personnes à prévenir étaient incorrectes.

Les investigations de la commission d’enquête ont déterminé que l’explosion avait probablement été provoquée par de l’huile qui avait pénétré dans la chandelle.

Il précise : "Malgré la présence d’avertissements concernant le risque d’explosion en cas de contamination par des matériaux organiques, il n’y avait au sein du ministère de la défense aucune expertise ou compréhension réelle de la violence avec laquelle une chandelle au chlorate de sodium contaminée pourrait réagir."

Au moment de l’accident, le HMS Tireless participait à une opération anglo-américaine sous la banquise de l’Arctique. Après l’incendie, le sous-marin a été contraint de faire surface dans une zone de glace peu épaisse. Le marin blessé a été hélitreuillé par la Garde Nationale d’Alaska vers une base aérienne à Anchorage.

Lorsque le sous-marin est revenu à son port-base de Devonport à Plymouth, le Cmdr Iain Breckenridge a salué les actions de son équipage et en particulier le marin blessé.

"S’il n’y avait pas eu les efforts exceptionnels de cet homme ... les conséquences de cet incident auraient pu être bien pires," indique le rapport. "Les petits incendies déclenchés par l’explosion auraient facilement pu s’étendre et conduire à une conflagration majeure, avec des conséquences très sérieuses, si [le marin] n’avait pas eu la vigueur et la présence d’esprit d’utiliser tous les moyens possibles pour les éteindre."

Le ministère britannique de la défense a indiqué que, depuis l’accident, des mesures ont été mises en place pour améliorer la sécurité et qu’il lançait sa propre enquête pour découvrir ce qui avait provoqué l’explosion.

"Nous mettons déjà en service de nouvelles chandelles à oxygène, avec un conditionnement et des instructions améliorées," a expliqué un porte-parole. "Ces changements seront renforcés dans le proche avenir par une formation améliorée sur l’utilisation des chandelles à oxygène et la compréhension des dangers potentiels."


Télécharger le rapport de la commission d’enquête (PDF - 3,7 Mo).

Source : The Gardian (Grande-Bretagne)