Moscou perd le contrat sur le sous-marin Brésilien au profit de Paris

  • Dernière mise à jour le 13 février 2008.

En 2007, la Russie est devenu le deuxième plus gros exportateur d’armes, dépassée seulement par les Etats-Unis. Alors que Moscou cherche de nouveaux marchés, elle cherche de plus en plus des clients potentiels dans ce que Washington considère comme sa chasse gardée : l’Amérique Latine. Allant au-delàde ses contrats historiques avec Cuba pour s’introduire dans des marchés comme le Vénézuela, la plus grande cible potentielle demeure le Brésil, dont les relations avec la Russie se sont constamment approfondies au cours des dernières années.

Les relations Russo-Brésiliennes ont reçu un fort coup d’accélérateur en novembre 2004, lorsque le président russe Vladimir Poutine est devenu le premier chef d’état russe à se rendre au Brésil. Pendant la visite, un large éventail d’initiatives ont été discutées, dont des relations militaires. Elles s’appuyaient sur la visite à Moscou du ministre de la défense brésilien Geraldo Quintao en avril 2002, la visite au Brésil du ministre russe de la défense Sergei Ivanov en octobre 2003, et celle du ministre brésilien de la défense Jose Viegas en décembre 2003. Le commerce entre les 2 pays a immédiatement augmenté, les échanges en 2005 entre les 2 pays ayant augmenté de 30% par rapport à 2004.

Pendant que Poutine et le président Luiz Inacio Lula da Silva approfondissaient encore leurs relations lors du sommet du G-8 à St. Pétersbourg en juillet 2006, en avril, le premier ministre russe de l’époque Mikhail Fradkov, discutait de coopération militaro-technique.

L’an dernier, Rosoboronexport, l’agence russe d’exportation d’armements, a participé à 2 expositions en Amérique Latine : “Telexpo 2007” en mars à Sao Paolo et “ExpoExercito 2007,” en juin à Caracas. Les exportations russe d’armements vont maintenant vers le Vénézuela, et la Russie vend aussi des armes (ou négocient avec) la Colombie, la Bolivie, le Mexique et le Chili. La table était mise pour que la Russie tente d’obtenir une partie des contrats d’armes au Brésil.

En janvier, le président Lula da Silva a demandé au Congrès National d’approuver un budget de la défense de 5,6 milliards de $ (3,84 milliards €), en augmentation de 53% par rapport à 2007. Certains se sont inquiétés que cette augmentation des dépenses militaires retire de l’argent aux programmes sociaux chéris de Lula da Silva, conçus pour faire sortir des millions de Brésiliens de la pauvreté.

Ce qui inquiète beaucoup le Brésil, c’est l’augmentation du trafic de drogues dans les régions Amazoniennes, l’augmentation des tensions le long de sa frontière avec la Colombie à cause d’une hausse de l’activité des FARC, et le besoin de protéger les eaux territoriales du pays, où des quantités importantes de pétrole et de gaz ont été récemment découvertes.

En novembre dernier, Petrobras, la compagnie pétrolière publique du Brésil, a annoncé la découverte de Tupi, puis en janvier de Jupiter, 2 régions pétrolières situées au large de Rio de Janeiro et pouvant contenir chacune de 5 à 8 milliards de barils d’un pétrole léger. Selon le ministre actuel de la défense Nelson Jobim, ces découvertes accroissent le besoin du pays pour un sous-marin nucléaire pour aider à décourager de possibles attaques terroristes contre les plateformes pétrolières offshore.

Le mois dernier, le programme de sous-marin nucléaire a survécu à la dernière série de réductions budgétaires, le ministre Jobim assurant, “Il est déjà entièrement accepté. Personne ne s’oppose au programme, qui cette année va couter 74 millions de $ (51 millions €).” Au total, le gouvernement Brésilien a alloué près de 567 millions de $ (390 millions €) à son programme de sous-marin nucléaire.

A la recherche d’armement étranger, Jobim s’est récemment rendu en France. Sa visite à Paris a apparemment été réussie, puisque le 29 janvier, il annonçait que le Brésil et la France avaient accepté que la France établisse un “parc technologique stratégique” au Brésil, ainsi que des accords “pour accélérer la modernisation des forces armées” du Brésil, et des discutions sur la possibilité que la France construise un sous-marin nucléaire pour le pays d’Amérique du Sud, ainsi que des sous-marins classiques. D’autres sujets évoqués comprenaient la construction commune d’hélicoptères et la restructuration des forces brésiliennes selon les lignes françaises actuelles. Si l’accord est finalisé, le Brésil achètera un sous-marin Scorpène construit par la France pour 600 millions de $ (412 millions €), payable sur 20 ans. De plus, la France accepterait aussi le transfert de la technologie nécessaire.

Quittant la France le 2 février, Jobin s’est envolé vers Moscou pour une visite de 4 jours, où il a eu des négociations avec le ministre russe de la défense Anatoly Serdyukov. L’ordre du jour aurait compris des discutions sur la question du sous-marin nucléaire et l’établissement d’une usine au Brésil pour l’entretien d’avions militaires russes et, peut-être, d’hélicoptères. Désireux de conclure l’accord, Moscou aurait proposé au Brésil un transfert de technologies pour obtenir l’achat de 36 Sukhoi-35, ainsi que la participation au programme russe T-50, l’avion de combat russe de 5è génération, qui a déjà une participation Indienne.

Les espoirs russe d’un accord sur la vente d’un sous-marin nucléaire ont été anéantis par une remarque de Jobim, selon qui les négociations du Brésil avec la France sur le sujet étaient déjà relativement avancées. Il a ensuite suggéré que les Russes étaient “effrayés” par la question du transfert de technologies. A la fin, alors qu’aucun accord concret n’avait été finalisé, le porte-parole des forces spatiales russes, le Colonel Alexei Kuznetsov, a déclaré aux journalistes que Moscou voyait dans le Brésil “un de ses plus importants partenaires en Amérique Latine et qu’elle attache une importance spéciale à l’amélioration des relations Russo-Brésiliennes dans le domaine militaire”. Kuznetsov a ajouté “entre la Russie et le Brésil, il y a plusieurs axes de collaboration, dont la formation de militaires brésiliens dans les écoles du ministère de la défense russe, la vente de matériels militaires russes aux forces armées du Brésil et des programmes de modernisation pour l’armée brésilienne”.

Suite à l’augmentation de ses dépenses militaires, le Brésil est désormais avidement courtisé par à la fois Paris et Moscou. La prochaine étape de ce rituel pourrait survenir lorsque le Président Lula da Silva rencontrera le Président Nicolas Sarkozy en Guyane Française le 12 février. Quelle qu’en soit la conclusion, il semblerait que le plus grand pays d’Amérique Latine se prépare à acquérir une puissance militaire en rapport avec sa bonne santé économique. Dans la bataille pour le marché militaire Brésilien, une fois encore, le principal perdant semble être les Etats-Unis, pendant que le Kremlin essaye de prendre le relais.

Source : Eurasia Daily Monitor (Etats-Unis)