Que se passe-t-il chez les fusiliers marins ?

  • Dernière mise à jour le 4 avril 2005.

Depuis un ou deux ans, peut-être un peu plus, un phénomène inquiétant semble se répandre dans les compagnies de fusiliers marins : certains jeunes engagés se disent dégoutés et cherchent àquitter cette spécialité.

Certains fusiliers marins, ayant quitté depuis peu la marine nationale, ont accepté de raconter leur expérience sous le couvert de l’anonymat. Ce qu’ils racontent ne laisse pas de surprendre.

Un ancien fusilier marin, appelons-le D., raconte des vexations, des supérieurs bornés, des brimades (il aurait été obligé avec les membres de son peloton de tourner dans la cour pendant plusieurs heures sous la pluie). Afin de quitter au plus vite un métier qu’il ne supportait plus, D. s’est accusé de détention de produits stupéfiants... que bien entendu personne n’a jamais pu découvrir. Mais il a obtenu ce qu’il cherchait : il a quitté les fusiliers marins.

Un autre ancien fusilier, B., raconte que ses supérieurs l’ont en permanence trompé sur son avenir professionnel : ses supérieurs lui faisaient miroiter un stage, un déploiement outre-mer, B. se préparait physiquement et moralement, puis, au dernier moment, ses supérieurs lui annonçaient que tout était annulé. La raison invoquée était pourtant connue de ses supérieurs depuis le début.

Un autre a déclaré : "C’est comme une secte : au début, on vous bourre le crâne. Comme vous ne voyez rien d’autre, vous suivez. Puis, un jour, vous ouvrez les yeux et vous déchantez. Au téléphone avec ma mère, j’ai pleuré, pas parce que j’avais mal ou j’étais fatigué, mais parce que j’en avais marre."

Certains font des dépressions nerveuses et finissent par être déclaré inaptes médicalement à la spécialité.

On pourrait penser que ce sont les moins bons, les rejetés du système qui racontent ce qu’ils peuvent trouver de pire sur leur ancienne spécialité. Mais est-ce bien certain ? La diversité des histoires et des personnalités soulève tout de même quelques questions.

 Des problèmes d’orientation ?

Dans les BICM, d’après les témoignages recueillis auprès des jeunes engagés, la description des spécialités et de la vie du marin semble parfois approximative. Certains, qui s’estiment mal orientés, pensent que l’orienteur avait un quota à remplir. Ce phénomène semble plus marqué dans les spécialités fortement déficitaires... comme les fusiliers marins.

Lors de son entretien avec le recruteur, celui-ci aurait déclaré à B. que ses problèmes de jeunesse (qu’il n’avait pas caché) ne le génerait pas dans sa carrière chez les fusiliers marins. Pourtant, c’est la raison pour laquelle il n’a pu être déployé outre-mer, ni aller au stage commando. Des sous-officiers de l’armée de Terre rencontrés lors d’un exercice lui ont indiqué que, dans cette armée, on ne lui aurait même pas confié une arme.

Dans un autre cas, le recruteur aurait fait miroiter à ce jeune qu’il deviendrait commando, passant sous silence que la majorité des fusiliers marins sont affectés en compagnie de fusiliers marins et n’auront jamais la possibilité de suivre ce stage.

Un marin, ayant un niveau ou un diplôme bac+5, serait entré dans la Marine avec un simple contrat de longue durée. Il ne semble pas que le BICM lui ait proposé, vu son niveau, de présenter le concours de l’Ecole Navale ou celui de l’école de Maistrance. Des témois rapportent toutefois, qu’il aurait quitté la Marine dès l’école de spécialité.

 Un problème de management ?

Certains de anciens fusiliers marins mettent directement en cause la manière de commander de leurs supérieurs. Ils se sont sentis dévalorisés, brimés.

Depuis la disparition des appelés et la professionnalisation, les relations supérieur - subordonné, dans la majorité des cas, ont été fortement améliorées :
 les subordonnés sont désormais des engagés beaucoup plus motivés pour réaliser les taches qu’on leur confie,
 celles-ci sont beaucoup plus valorisantes : des sociétés extérieures sont désormains chargées du nettoyage de la plupart des bases à terre.

Bref, tout concourt à ce que les relations s’améliorent. Or, il semble que ce changement n’ait pas encore atteint les unités de fusiliers-marins.

Les méthodes de commandement décrites rappellent celles alors en vigueur dans les années 60. Depuis, la population a changé. Ce qui était alors jugé acceptable ne l’est plus aujourd’hui.


Afin d’obtenir une réaction ou un droit de réponse de la Marine Nationale, j’ai envoyé cet article à toutes les adresses email disponibles sur le site de la Marine et celui de la préfecture maritime pour l’Atlantique. Ces tentatives sont restées sans réponse. Pour l’instant.