Naufrage du Bugaled Breizh : un expert attaqué dès qu’il ne soutient plus la “bonne” théorie

  • Dernière mise à jour le 23 juin 2011.

Le contre-amiral Dominique Salles, ancien commandant de sous-marins nucléaires français, a rédigé à la demande des différents juges chargés de l’enquête sur le naufrage du chalutier Bugaled Breizh, 3 rapports sur l’éventuelle implication de sous-marins.

Depuis le début, les familles des marins disparus, le propriétaire du Bugaled Breizh et leurs avocats, sont convaincus qu’un sous-marin est responsable du naufrage. Il se serait pris dans les funes du chalutier et l’aurait entrainé vers le fond.

Comme, pour l’instant, aucun responsable n’a été identifié, seules les parties civiles s’expriment dans la presse et laissent transpirer quelques éléments du dossier d’instruction. Le grand public et les journalistes ne reçoivent donc que les informations allant dans le sens de la responsabilité d’un sous-marin.

Comme j’ai pu moi-même le constater, laisser entendre qu’il existe une autre théorie, qu’il est possible que cela soit un accident ou que le responsable ne soit pas un sous-marin, provoque immédiatement des attaques, des insultes et des menaces, de la part des parties civiles ou de personnes se présentant comme telles.

Lorsqu’en juillet 2008, l’amiral Salles remet son rapport aux juges d’instruction, les parties civiles saluent ce rapport qui, selon elles, indique qu’un sous-marin nucléaire d’attaque est la "cause hautement probable" du naufrage.

En avril 2010, un nouveau rapport évoque l’hypothèse de la présence d’un sous-marin américain. Le frère d’une des victimes parle d’une « grande avancée ».

Mais, lorsque l’amiral Salles rend son troisième rapport, les parties civiles l’attaquent, fustigent son « manque d’indépendance » et la « dénaturation des pièces » du dossier.

C’est que ce 3è rapport remet en cause un élément-clé de la thèse des parties civiles : la présence de titane sur les funes du chalutier qui ne peut s’expliquer, pour les parties civiles, que par un contact avec la coque d’un sous-marin nucléaire.

Or, dès l’époque de l’analyse des funes, le Journal du Dimanche signalait que le titane n’était pas un élément probant, puisque c’est un élément chimique communément utilisé dans de nombreuses peintures, dont celles-là même qui étaient utilisées pour la coque du Bugaled Breizh.

La responsabilité d’un sous-marin serait idéale pour les parties civiles : il est en effet beaucoup plus facile d’évoquer la présence d’un sous-marin en un lieu que de démontrer qu’il n’y était pas. Après tout, c’est la raison d’être du sous-marin — être discret, laisser supposer qu’il peut être partout — qui se retourne contre lui-même. Pour les parties civiles, toute pièce qui viendrait à prouver que le sous-marin était ailleurs, est forcément fausse, créée de toute pièce par les militaires pour se dédouaner de leurs responsabilités.

On peut s’interroger sur les conséquences de ces attaques, dans un démocratie, contre un expert désigné par l’autorité judiciaire. Veut-on des experts indépendants ou des experts aux ordres, qui racontent ce que veut entendre l’une ou l’autre des parties ?

Mais, si les dernières déclarations d’un des avocats sont exactes, il pourrait ne pas y avoir pas de procès du naufrage en France. En effet, Me Tricaud, avocat du fils d’un des cinq marins morts dans le naufrage, affirme détenir les preuves de l’implication du sous-marin britannique Le Turbulent.

Dans cette hypothèse, un tribunal britannique pourrait bien reprendre l’affaire, puisque les faits se sont déroulés au large des côtes britanniques. Et même d’un tribunal militaire. Et le tribunal français ne pourra dès lors que se dessaisir de l’enquête.

Les opinions exprimées ci-dessus sont celles de l’auteur et n’engagent que lui-même.

L'analyse de la rédaction :

Pour comprendre l’intérêt et l’importance de la présence de titane sur une des funes du Bugaled Breizh, on pourra se reporter à un article publié dès 2006, comme quoi cette question n’est pas nouvelle.