Quand les marines française et russe s’entraînent ensemble (5ère partie)

  • Dernière mise à jour le 13 février 2010.

Lorsque des bâtiments de 2 marines s’entraînent ensemble, ou lorsque des officiers d’une marine embarquent sur un bâtiment d’une marine étrangère, ils rédigent un compte-rendu détaillé de toutes les informations qu’ils ont pu obtenir, des enseignements qu’ils en ont tiré, en particulier en ce qui concerne les différences de méthode entre les 2 marines.

Sommaire

Autres détails notés par les officiers de liaison français et russe

1. Il y a un uniforme identique à bord des navires de surface et des sous-marins de la marine française : une combinaison bleu foncé avec des bandes correspondantes. Il y a des chaussures de service, mais en général tout le monde porte des chaussures civiles sombres. Ils portent le même uniforme lors des repas. Ils sortent et font leurs quarts la tête à découvert, car ils n’ont pas l’équivalent de notre bonnet. Sur le Latouche-Treville, il y avait une blanchisserie équipée de plusieurs machines à linge modernes qu’ils utilisaient pour laver les draps. Aucune blanchisserie ne fut observée sur le Tourville. Il y avait un sac en toile remplis de sous-vêtements suspendu dans le carré d’officier, d’où les officiers pouvaient prendre des draps (?!?). Probablement, il y a un système de draps à usage unique sur le Tourville.

2. La nourriture sur les navires français était nettement meilleure et variée [1].

L’élément de base du menu - poissons, viande et légumes. Durant la semaine durant laquelle les officiers russes se trouvèrent à bord, le menu ne se répéta jamais. Selon les marins français, le menu commence à se répéter au bout d’un mois en mer. Contrairement aux navires russes, où les rations se dégradent quand on passe de la table du capitaine au carré des officiers, et encore plus pour l’équipage, à bord des navires et sous-marins français, il n’y a qu’une cuisine et la nourriture est la même pour tout le monde. La seule différence : le mess de l’équipage est en self-service alors que le carré des officiers est servi par les aides bien formés.

3. Il existe deux carrés sur les frégates françaises : un carré pour les officiers supérieurs et un carré pour les officiers subalternes. L’entrée dans le carré est interdite à tous, sauf pour les officiers qui y mangent et les serveurs. Cette interdiction d’entrée dans le carré des officiers subalternes s’étend même aux officiers supérieurs. Chaque quart dispose d’une heure pour manger. Il y a le temps de s’attarder sur des boissons fraîches avant de manger et de prendre un café et discuter après. Le carré des officiers supérieurs dispose de son propre budget qu’ils utilisent avec l’accord de tous pour acheter des fournitures supplémentaires et organiser des excursions lors des escales a l’étranger. Les fonds analogues sur les navires russes sont financés par les officiers eux-mêmes, tandis que dans la Marine française ils sont inclus dans le budget du navire.

4. Tous les postes de combat et les cabines d’officier des frégates françaises sont équipés d’ordinateurs portables et de connections au réseau du navire. Chaque officier possède un mot de passe personnel et peut se connecter à une base de donnée. Les messages, y compris des messages secrets, sont reçus sur les ordinateurs portables et envoyés par e-mail à la salle radio pour transmission. Tous les messages entrants sont transmis à l’ordinateur portable du commandant, qui fait suivre les messages au poste de combat appropriés. Il y a très peu de messages papier sur le navire. Des navires sans papiers sont prévus a l’avenir. Toute la documentation sera numérique.

L’alimentation de ces ordinateurs sur les navires français est assurée par des prises de courant ordinaires dans les postes de combat et les espaces vie, sans adaptateurs supplémentaires. Sur le Chabanenko, il y a quelques ordinateurs qui étaient branchés directement sans aucun adaptateur. Ils ont mal fonctionné en raison de surtensions.

5. Toutes les coursives du Tourville prennent le nom de rues

6. Les officiers français ont noté que les amiraux dans leur marine vont rarement en mer et alors seulement dans des circonstances spécifiques. Normalement, il n’y a pas d’officiers supérieurs à bord.

7. Toutes les ordures sur les navires français sont conservées dans des compartiments spéciaux.

Quand ils font escale dans un port national ou étranger, les poubelles sont jetées (contre rémunération ou gratuitement). Rien n’est jeté par dessus bord. Nous, nous jetons tout par dessus bord, donc on peut souvent voir une tache de gras et de déchets domestiques dans l’eau autour de nos navires dans les ports étrangers.

8. Il est interdit de fumer à l’intérieur du Tourville.

Il y a deux zones spécialement équipées pour fumer sur le pont : sur le pont de navigation et sur la plage arrière. Dans le mauvais temps, seul le pont de navigation peut être utilisé dans risque. Sur les destroyers russes, il est interdit de fumer sur le pont de navigation, mais on fume là de toute façon (en particulier pendant les tempêtes), et les mégots sont jetés par dessus bord. Le vent les entraine souvent sur les ponts ou sur les embarcations.

9. Les navires français sont peints en teinte claire. En mer, ils sont moins visibles des airs que les navires russes plus sombres. Sur un fond littoral, c’est le contraire.

10. Les Français ont noté qu’un Capitaine de Vaisseau (le chef d’état-major) passa beaucoup de temps à quai avec une radio, rassemblant les permissionnaires (bien qu’ils aient déjà été inspectés sur le navire) et ceux revenant de permission, afin d’inspecter leurs uniformes.

11. Les Français ont noté l’absence relative de permissionnaires russes compte tenu du nombre de membres d’équipage. Les Russes avaient demandé davantage de bus lors de la planification et les Français avaient accédé à notre demande, mais seulement deux ou trois bus furent utilisés. Les autres restèrent vides. En cinq jours, les 530 membres des équipages du Chabanenko et du sous-marin ont fait 925 voyages a terre. Au contraire, lorsque les navires français sont à quai, seule une section de service et ceux qui ont du travail à faire restent a bord.

Conclusion

La coopération internationale navale continue à se développer à un niveau plus élevé : escales et exercices conjoints. Il conviendrait de réfléchir aux opinions exprimées par les Francais sur la marine Russe. Il serait utile d’incorporer certains de leurs RETEX, comme par exemple l’usage des peintures antidérapantes sur les ponts et des téléphones satellite).

Signé,

Chef intérimaire du détachement de la Coopération internationale militaire de la Flotte du Nord, le capitaine de frégate O. Prasov

28 Octobre 2004

Traduction : Fabrice

Notes :

[1Point d’exclamation et sous-ligne dans le texte