Les neutrinos pourraient révolutionner les communications avec les sous-marins

  • Dernière mise à jour le 7 octobre 2009.

Les communications sous-marins sont très difficiles, comme tout commandant d’un sous-marin nucléaire pourra vous le confirmer. Ils peuvent rester cachés plus ou moins indéfiniment, naviguant à une immersion d’environ 300 m, mais communiquer est une sérieuse inquiétude parce que cela ne peut être fait que près de la surface, là où les sous-marins sont le plus vulnérables à la détection et aux attaques.

C’est parce que les ondes radio ne voyagent pas bien dans l’eau. Seules les ondes extrêmement basse fréquence (ELF : extremely low frequency) — avec une fréquence inférieure à 100 Hz — peuvent pénétrer dans l’eau. Mais elles sont très difficiles à produire avec une puissance élevée, et même alors, elles ne permettent que des débits d’environ 1 bit par minute.

Par conséquent, les sous-mariniers doivent utiliser sur les ondes très basse fréquence (VLF : very low frequency) de quelques kilohertz. Elles permettent un débit de 50 bits par seconde, mais elles ne pénètrent pas loin dans l’eau. Cela signifie qu’elles ne peuvent être reçues qu’en trainant une longue antenne radio en surface.

Donc comment améliorer les choses ? Une suggestion est d’utiliser des neutrinos pour transmettre des informations. Le problème est que, bien que les neutrinos traversent facilement une couche d’eau, ils traversent aussi tout le reste, ce qui les rend pratiquement impossible à détecter. Pour cette raison, la communication par neutrino a toujours été considérée comme impossible.

Mais désormais, une nouvelle analyse suggère que les sous-mariniers pourraient avoir été trop rapides à écarter les neutrinos. Patrick Huber, physicien à Virginia Tech, explique que les communications par neutrino pourraient offrir des débits allant jusqu’à 100 bits par seconde à n’importe quelle immersion.

Qu’est-ce qui a changé et permet d’envisager désormais des communications par neutrino sur le plan pratique ? D’abord, indique Huber, il est désormais possible de générer et de détecter des flux intenses de neutrinos. Les physiciens génèrent des flux de neutrinos en accélérant des muons à haute énergie, qui se désintègrent alors, produisant des neutrinos qui, à cause du cadre de référence en déplacement, sont finement calibrés. Détecter les neutrinos est exactement et simplement ce processus à l’envers. Lorsque les neutrinos rencontrent la matière, ils produisent des muons qui peuvent être relativement facilement détectés.

Mais est-il facile de transposer cela pour la communication avec les sous-marins ? Huber indique que l’un des faisceaux les plus puissants de neutrinos est utilisé dans une expérience baptisée MINOS, qui envoie un faisceau du Fermi National Accelerator Laboratory à Chicago vers un détecteur de muon, de 5.000 t, situé dans une mine du nord du Minnesota, à plus de 700 km de là.

Le problème est que, depuis 2 ans que MINOS fonctionne, le détecteur n’a repéré que seulement 730 muons. “Évidemment, une amélioration très importante est nécessaire,” reconnait Huber.

Mais il croit que ce type d’amélioration pourra être possible avec la prochaine génération d’accélérateurs de muon.

Prenons-le au mot. La question dès lors de savoir comment détecter ces neutrinos à bord d’un sous-marin. Là, Huber a été un peu plus créatif. Il explique qu’il y a en gros 2 manières de détecter les neutrinos. “Nous pourrions utiliser de fins modules détecteurs de muon, qui pourraient être utilisés comme du papier peint pour recouvrir la majeure partie de la coque du sous-marin,” explique Huber. Cela transforme alors un sous-marin en un détecteur géant et cylindrique de muons, de près de 10 m de diamètre et de 100 m de long.

Comment cela fonctionnerait-il ? “Les muons entreraient d’un côté du sous-marin et le quitterait de l’autre,” indique-t-il. “Le point d’entrée et le point de sortie sont mesurés, et par conséquent, la direction du muon peut être recalculée assez précisément.”

Mais il y aussi un autre moyen de détecter les neutrinos : regardez l’effet Vavilov-Čerenkov [1] produit par des muons rapides dans l’eau de mer. C’est intelligent parce que cela vous permet de créer un détecteur dont les dimensions sont en gros la distance que parcourt la lumière dans l’eau de mer, soit environ 4 km. Bien sûr, il y a beaucoup de "bruits" parasites avec la bioluminescence, la lumière du soleil et de la lune, mais Huber semble confiant que tout cela puisse être filtré.

Le point important est que, un jour, les sous-mariniers pourraient utiliser cette technologie pour recevoir des messages à des débits allant jusqu’à 100 bits par seconde.

Il y a, bien évidemment, un inconvénient. Il est seulement possible de recevoir des messages à bord d’un sous-marin de cette manière, pas d’envoyer.

Notes :

[1L’effet Vavilov-Čerenkov est un phénomène similaire à une onde de choc, produisant un flash de lumière qui a lieu lorsqu’une particule chargée se déplace dans un milieu avec une vitesse supérieure à la vitesse de la lumière dans ce milieu. C’est cet effet qui provoque la luminosité bleue de l’eau entourant le cœur d’un réacteur nucléaire. Source : Wikipedia.

Source : ethioPlanet (Etats-Unis)